Moi, je réponds, privilégiés! Vous comprendrez ce je veux dire au fur et à mesure que vous lirez cette chronique et en consultant L'écho de Compton qui est maintenant en ligne sur le portail EstriePlus. En écrivant sur notre vie de campagne, je ne cesse de réaliser combien fortunés nous sommes de pouvoir, à quelques pas de chez nous, nous procurer des aliments frais, sains et qui nous ressemblent. Oui, qui nous ressemblent! Ce n'est pas que nous ayons l'air de concombres ou soyons en compote, mais reste qu'il y a un côté tout à fait fascinant à songer que les fruits, légumes et viandes que nous allons chercher chez le voisin sont les produits intimes de notre paysage, les offrandes de ces collines voluptueuses, de cette vallée généreuse; cette riche terre et cet air pur qui font de Compton un chez nous qu'on aime.
Il y a 60 ans, la biosécurité ne faisait pas problème. Du moins, dans nos campagnes. On savait de quels rangs du jardin venait la carotte. On connaissait bien Cocotte, la pondeuse de l'omelette du petit déjeuner. La vache Jovette qui l'été d'avant broutait derrière la grange et dont le fumier avait fertilisé le jardin, se retrouvait maintenant en « rostbeef » du dimanche.
Puis, le monde a changé. Pendant plusieurs décennies, les mots facilité et rapidité se sont immiscés au cœur de nos soucis alimentaires. Nous en étions arrivés à nous gaver d'aliments vite engraissés, vite transformés et vite consommés, devant la TV! Une attitude qui nous a fait perdre contact avec la source et qui s'est avérée dangereuse autant pour la santé individuelle que sociale.
Un retour du pendule était inévitable. Voilà qu'aujourd'hui la « traçabilité » est devenue importante. Qu'est-ce que je mange? D'où vient ce poulet dans mon assiette? Que contient-il que je ne peux voir? Qui en est l'éleveur? Quelles sont ses méthodes? À qui rapporte-t-il? Une foule de questions devenues déterminantes. La grippe aviaire, la vache folle, les allergies alimentaires, la biotechnologie, la « malbouffe », l'usage abusif d'intrants, la cruauté faite aux animaux et la mondialisation sont autant de facteurs qui influencent maintenant nos choix alimentaires. Et admettons que c'est parfois un peu compliqué...
Alors, quand je vois que je peux visiter le fermier bio à deux pas de chez moi et remplir mon petit panier de légumes vivants, que je peux entendre la fromagère me raconter comment, sur sa ferme, la terre et les animaux sont aimés et respectés, quand je peux cueillir sur l'arbre la pomme de mon choix, quand, du fournil de notre boulanger s'échappe une odeur de pain frais et que le beurre sur ma miche raconte une histoire qui ressemble à celle de mon village, alors, je relaxe, je me sens bien et je me dis « Ouais, Lili, il fait drôlement bon vivre ici ».