Mon médecin m'a conseillé de marcher. Pour la tête, le corps et le moral, même remède : mets tes espadrilles et marche! Même chose que Jésus avait dite au malade, sauf que lui ce n'était pas avec des espadrilles. Pourtant, je savais déjà que la marche m'est salutaire. Mais que veux-tu, y'a des bouts où on l'oublie... On se sédentarise comme une patate. Et là, y'a mille et une raisons de rester accroché à son clavier, son livre ou son tas de vaisselle : trop pressée, trop froid, trop mouillé, couchée trop tard... et patati et patata!
De toute façon, ce qui est important, c'est que moi qui ne marchais plus depuis des lunes, me revoilà reparti au pas! Minimum, une demi-heure trois fois la semaine, mais finalement, presque tous les jours. J'aime la marche - sous toutes ses formes et bienfaits -.
Marcher. Marcher pour n'aller nulle part. Marcher pour rester en soi et voir. Marcher pour vivifier mon corps, mes cellules, mon être. Marcher avec l'amie - et communiquer. Marcher et se fondre au paysage. Marcher et fredonner. Quitter le sentier et prendre des photos. Marcher pour faire passer son chagrin, sa colère. Marcher, aérer le cerveau, réfléchir et comprendre. Marcher avec la foule contre la guerre. Marcher sur la plage en laissant sa trace dans le sable. Marcher en montagne, de refuge en refuge. Seule avec mes raquettes et la lune. Marcher dans une tempête de flocons - et en composer un haïku. Marcher main dans la main, le soir. Avec les enfants, au coucher du soleil. Traverser le village, le pont, la colline au rythme des pas. Y retourner le lendemain matin dans la brume,seule avec l'horizon rose.
C'est en marchant que j'ai eu mes plus belles expériences mystiques - ne riez pas là! Appeler ça comme vous voudrez, mais devenir une - avec la montagne et le ciel, dans une randonnée solitaire, c'est ça que j'appelle une expérience mystique. En tout cas, c'est la mienne. Dans le domaine des extases, pour moi la marche fait toujours mieux la job que des pratiques de contemplation, les yeux fermés ou agenouillé sur un prie-Dieu. La voie de l'ascèse, je l'admire... mais ça n'est pas ma tasse de thé. Il faut que je me bouge l'adrénaline, sinon je fais des boutons. Comme je les comprends les pèlerins de Compostelle...
... Aucun équipement n'est aussi amical envers la terre que le pied humain ou le sabot du cheval. La marche rend au monde sa taille réelle. Une heure passée dans un bois de 40 arpents viendra à bout de la claustrophobie la plus tenace. La même heure passée dans le haut pays du Gray Ranch vous fera léviter.
(L'esprit du débutant, plaidoyer d'un amoureux des grands espaces, Jim Morrisson,
mensuel GEO)
On s'entend, le nirvana n'est pas toujours au rendez-vous sur le sentier! Parfois y'a des ampoules au pied, des froids de 30 sous zéro, la pluie battante ou pire, des pensées dominantes comme seul horizon. Marcher une heure sans n'avoir rien vu que les turbulences de son monde intérieur. Ça arrive. Mais peu importe, avancer d'un pas ferme en regardant droit devant soi, malgré la pluie froide sur son visage. Ça te décrasse un intérieur et te donne toujours un coup de pied salutaire au fond de culotte, et oui... ça rend plus sage et intelligent.
Ces témoignages subjectifs laissent froid votre esprit pragmatique? Qu'à cela ne tienne, la science vous convaincra peut-être. Une étude de l'Association américaine de Neurologie publiée en mai 2001 dans l'International Herald montre que les femmes (j'imagine que c'est aussi vrai pour les hommes...) qui pratiquent un exercice modéré et régulier comme la marche sont moins sujettes aux pertes de mémoire et aux altérations des fonctions cognitives et intellectuelles liées au vieillissement. Plus encore, la marche développe l'intelligence sensori-motrice et conceptuelle, les capacités de concentration et de mémorisation, le tout de façon directement proportionnelle à l'intensité des marches pratiquées. Et ce n'est pas tout... le système osseux, les cartilages, les muscles, les tendons et ligaments, la circulation veineuse, la ventilation respiratoire (diminution des infections broncho-pulmonaires), l'équilibre, le système nerveux périphérique et le système nerveux central bénéficient de la verticalisation et de la marche... même si la marche à lieu à petits pas.
Je vous laisse là dessus, je vais prendre une marche sur le magnifique chemin Cochrane jusqu'à la Beurrerie du Patrimoine, il y a là de la crème fermière et du sucre d'érable qui valent le détour. Une petite dose de calories, ça non plus ça ne fait pas de tort au moral... De toute façon, je vais le brûler au retour de ma marche!
Au plaisir de vous rencontrer dans mes pérégrinations... et les vôtres!