Je ne vous ferai pas une grande
révélation ce matin dans cette chronique. Je ne suis pas souverainiste.
N'empêche que je m'intéresse de près au discours politique de celles et ceux
qui veulent faire du Québec un pays. C'est une idée honorable et qui a du sens
si l'on cherche à comprendre la marche du Québec vers l'affirmation de son
caractère national au sein du Canada. N'empêche que je crois à la formule : «
Mon pays, le Canada, ma patrie le Québec ». Je conviens que défendre le Canada
aujourd'hui n'est pas une tâche facile. À une époque où la désinformation règne
et où la polarisation des opinions est reine, il est difficile de tenir un
discours prônant patience et longueur de temps. Il est possible d'imaginer que
le Canada peut se transformer même si cela prend du temps, de la patience et
que nous vivrons de nombreuses déceptions. Quoi qu'il en soit, ce qu'il nous
faudra surveiller de près, c'est l'évolution du discours souverainiste. Depuis
la malheureuse déclaration de Jacques Parizeau sur l'argent et des votes
ethniques et le flirt des nationalistes, PQ et CAQ confondus, avec un discours
sulfureux sur l'immigration, il n'est pas inintéressant de voir ce qui se passe
du côté de Québec solidaire au moment de l'élection du co-porte-parole masculin
de ce parti le week-end dernier.
La longue marche du
Québec vers son affirmation nationale
L'affirmation nationale du Québec
est un processus historique complexe qui a été nourri par des décennies de
luttes, de réflexions et de débats. Le leadership de Québec solidaire, avec ses
nouveaux porte-parole Sol Zanetti et Ruba Ghazal, s'inscrit dans ce contexte de
promotion d'une vision du nationalisme qui cherche à réconcilier les
aspirations souverainistes avec les valeurs d'inclusivité et de pluralisme.
Cette démarche se situe dans un héritage historique où le débat autour de
l'identité québécoise et de la souveraineté revêt une importance cruciale,
d'autant plus dans un contexte de résurgence du souverainisme au Québec.
Ces réflexions nous amènent à
revisiter les propos du père fondateur du Parti québécois, René Lévesque, qui
affirmait que « le Canada, ce n'est pas le goulag ». Dans ce cadre, cette
chronique examinera comment le leadership actuel de Québec solidaire se
positionne par rapport à cette longue marche vers l'affirmation nationale du
Québec, tout en défendant l'idée d'un Québec qui s'épanouit dans un cadre de
diversité et d'ouverture.
Le nationalisme québécois trouve
ses racines dans les luttes des Canadiens français pour leur reconnaissance et
leurs droits culturels au sein d'un Canada dominé par la culture anglo-saxonne.
Au XIXe siècle, le nationalisme s'exprime principalement par des mouvements
comme le Parti rouge et le Bloc populaire qui défendent les droits des
francophones.
C'est par la suite que des
figures comme Maurice Duplessis et plus tard René Lévesque vont réaffirmer
l'identité québécoise, en proposant un nationalisme qui vise non seulement à
défendre les droits des francophones, mais aussi à établir un gouvernement
provincial qui protège les intérêts propres du Québec au sein de la fédération
canadienne. On y proposera même avec René Lévesque un Québec souverain.
Avec la création du Parti
québécois en 1968, le nationalisme québécois prend un tournant significatif.
Lévesque et son équipe souhaitent réaliser un projet de souveraineté qui
permettrait au Québec de se gouverner lui-même tout en se positionnant comme
une société ouverte et démocratique. Cette vision s'exprime notamment lors du
référendum de 1980, où l'idée d'un pays du Québec autonome est proposée au
peuple.
La structure émotive de ce
nationalisme est également renforcée par des événements historiques, tels la
Révolution tranquille, qui ont donné aux Québécois un sentiment d'identité
collective. Ce mouvement socioculturel a favorisé une prise de conscience
accrue de la nécessité d'un État québécois fort, capable de défendre les
intérêts de sa population. Il y a eu aussi la cruelle défaite de 1995 alors que
le Québec s'est avancé à la porte d'un pays, même si cela était une lutte politique
à forces égales entre les tenants du pays et ceux d'une réforme du fédéralisme
canadien.
Le nationalisme
devant la diversité
Dans les dernières décennies, le
discours nationaliste a dû faire face à la montée du multiculturalisme au
Québec et au Canada. Ce phénomène a révélé des tensions au sein du mouvement
souverainiste, alors que certains segments de la population perçoivent
l'immigration et la diversité culturelle comme une menace à l'identité
québécoise. Le Parti québécois, avec des orientations parfois jugées
exclusives, a été critiqué pour son approche qui tend à restreindre le débat
public autour de l'identité nationale à des critères ethnoculturels. Dans ce
contexte, la pérennisation d'une vision fermée du nationalisme est désormais
contestée par une partie significative de la population, qui prône une approche
inclusive.
L'évolution politique récente,
marquée par une hausse de popularité du Parti québécois, témoigne de la
nécessité d'une redéfinition du nationalisme. C'est dans ce contexte que Québec
solidaire propose un discours alternatif qui appelle à un nationalisme ouvert,
capable d'intégrer la diversité tout en promouvant la souveraineté. Ce
changement est crucial dans un contexte où la question identitaire est au cœur
des préoccupations des Québécois.
Le leadership de Sol Zanetti et
de Ruba Ghazal s'inscrit dans une tradition de renouvellement idéologique qui
tente d'élever le débat autour de la souveraineté à une nouvelle dimension. En
se démarquant du Parti québécois par un nationalisme inclusif, ils cherchent à
établir une connexion plus forte avec les communautés ethnoculturelles
présentes au Québec. Cela implique de remettre en question les stéréotypes
associés à l'immigration et d'accueillir la diversité comme une richesse.
Québec solidaire se positionne en
faveur d'un nationalisme qui valorise la solidarité sociale, le respect de
l'environnement et l'égalité des chances pour tous les Québécois, quelle que
soit leur origine. Par exemple, la mise en avant de politiques en faveur de
l'immigration, de l'intégration et des droits de la personne s'inscrit dans une
volonté d'élargir le débat national à des questions contemporaines, telles que
le changement climatique, la justice sociale et l'équité.
Leur vision du nationalisme
renverse la notion d'un Québec replié sur lui-même en favorisant la
reconnaissance des différentes identités qui coexistent sur le territoire. En
ce sens, le leadership de Zanetti et Ghazal représente une tentative de
réconcilier les aspirations nationalistes avec une éthique d'ouverture et de
respect des diversités.
La défense d'un Québec qui
s'épanouit dans un cadre inclusif n'est pas qu'un choix idéologique pour Québec
solidaire, c'est une nécessité. Cette vision se fonde sur la conviction que la
prospérité du Québec dépend de sa capacité à intégrer diverses perspectives
culturelles tout en préservant son identité propre. En mettant de l'avant
l'idée que le Québec peut concilier sa souveraineté avec la diversité
culturelle, ils offrent une alternative constructive à un nationalisme
exclusif.
QS a un rôle à jouer
dans le camp du Oui
Le leadership de Québec
solidaire, incarné par Ruba Ghazal et Sol Zanetti, représente une étape
significative dans la longue marche du Québec vers son affirmation nationale.
Alors que le spectre d'un nationalisme exclusif menace de cloisonner le
territoire, la proposition d'un nationalisme inclusif et solidaire ouvre des
voies nouvelles pour la construction d'une société riche de ses diversités. En
revenant aux fondements pensés par des figures comme René Lévesque, Québec
solidaire cherche à élaborer un projet de souveraineté qui célèbre le
pluralisme, tout en maintenant une vision forte d'une identité québécoise
affirmée.
Dans ce parcours, le
défi reste de taille. Il faudra constamment naviguer entre les idéaux d'un
Québec autonome et les réalités d'un monde globalisé, mais surtout, il faudra
travailler ensemble pour bâtir une société qui se reconnaît dans sa diversité,
affirmant ainsi que le Québec, loin d'être un goulag, peut être un modèle
d'inclusion et d'épanouissement. L'avenir du nationalisme québécois dépendra de
sa capacité à embrasser ces défis et à écrire un nouveau chapitre de son
histoire, un chapitre dans lequel la souveraineté et l'inclusivité marchent
main dans la main. Pour ma part, je souhaite que si nous devons encore mener le
débat sur la place de l'avenir du Québec au sein du Canada, cela doit se faire
dans un climat aussi serein que celui du référendum de 1995. Il importe que les
discours nationaleux qui se coupent du Québec de René Lévesque et de Gérald
Godin soient écartés. Je crois que la présence du discours des souverainistes
de Québec solidaire aura pour effet d'éloigner les démons de l'ethnocentrisme
de Paul St-Pierre Plamondon et de François Legault. Sans quoi, on fera un
retour en arrière avec les propos de Jacques Parizeau. Un simple retour sur
l'image...