Nous vivons dans un monde étrange. Un monde de
tous les dangers. Qu'importe les dossiers que porte à notre attention
l'actualité, des constantes s'en dégagent. La principale d'entre elles c'est la
culture du tout de suite. L'impatience dont nous faisons preuve doublée d'un
narcissisme bien réel se reflète dans le traitement que font nos médias des
enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous avons déifié l'opinion publique
pour en faire la souveraine de notre monde incertain. À tout prendre, la
culture de l'opinion amène les gouvernements comme celui de François Legault à diriger
en fonction des coups de sonde auprès de notre opinion du moment. Des priorités
sont déterminées en réaction à de tels paramètres pour devenir les
préoccupations des médias et les nôtres en bout de course. Gouverner en tenant
compte de l'opinion du moment met à mal les valeurs qui fondent notre vivre
ensemble. Par exemple, nous avons des inconforts concernant les prières de rue
qui font les manchettes : interdisons ces dernières comme si cela était
devenu une réalité prégnante dans notre quotidien. À ce jeu de la gouvernance
par l'opinion, nos valeurs fondamentales comme la défense des libertés des uns
et des autres en prennent pour un coup.
Opinion
publique et gouvernance
Notre époque contemporaine est marquée par une
rapidité accrue de la circulation de l'information et par l'omniprésence des
médias. La gouvernance par l'opinion publique est devenue un phénomène
omniprésent. Les gouvernements, dans leur quête de la légitimité et du soutien
populaire, naviguent constamment à travers les méandres des sondages et des
réseaux sociaux. Ce phénomène soulève des questionnements majeurs quant aux
valeurs qui fondent nos sociétés occidentales. À première vue, il pourrait
sembler bénéfique d'écouter l'opinion du peuple. Cependant, lorsque cette
opinion devient le moteur principal de la prise de décisions politiques, elle
peut saper les fondements mêmes de notre vivre ensemble et faire fi des droits
des individus et des valeurs de tolérance et de respect qui caractérisent notre
civilisation.
La culture de l'opinion
publique
La notion d'opinion publique n'est pas nouvelle,
mais l'évolution technologique et médiatique a amplifié sa portée. Les réseaux
sociaux, les sondages instantanés et les discussions en ligne ont transformé
notre rapport à l'information. Dans ce contexte, l'impatience et la réactivité
dominent. Les gouvernements se voient poussés à réagir sans délai aux
variabilités de l'opinion publique, à adapter leurs politiques pour répondre
aux pressions de l'heure. Ce phénomène peut être perçu dans diverses sphères,
notamment la politique, la santé publique, et les questions sociales.
Les enjeux deviennent souvent réduits à des
slogans ou des réactions émotionnelles, alors que des discussions nuancées sont
nécessaires pour traiter des sujets complexes. Par exemple, lorsque des
problèmes tels que les prières de rue émergent dans le débat public, la
réaction immédiate peut consister à interdire plutôt qu'à comprendre. Ce type
de gestion peut masquer des problématiques plus profondes de coexistence et de
tolérance.
L'impact sur la
gouvernance
La gouvernance par l'opinion est en mesure de
dessiner le programme politique. Les actions du gouvernement de François
Legault, par exemple, illustrent comment les décisions peuvent être influencées
par l'opinion publique. En adoptant une approche qui privilégie les retours
d'opinion des citoyens par l'intermédiaire des sondages, il est tentant de
croire que cela renforce la démocratie. Pourtant, ce processus peut mener à des
décisions qui manquent de substance et de vision à long terme. La priorité accordée à l'opinion populaire peut
aboutir à une forme de populisme, où les politiques sont dictées par des
préoccupations immédiates au détriment de décisions plus éclairées et plus réfléchies.
Par conséquent, les valeurs fondamentales de justice, d'égalité, et de liberté,
qui doivent guider la gouvernance, sont compromises.
Le risque pour
les valeurs fondamentales
La culture de l'opinion engendre une approche
simpliste et parfois dangereuse des enjeux sociétaux. C'est le malheur qui
guette le gouvernement Legault et le Québec alors que dans un élan de panique
on veut faire plaisir en s'attaquant aux syndicats, aux immigrants et à toute
sorte de phénomènes qui gênent notre confort. Dans ce contexte, les valeurs qui
fondent notre civilisation occidentale, telle que la protection des droits
individuels et le respect des croyances d'autrui, peuvent être mises de côté.
Nous voyons une dérive où l'argument d'autorité de la majorité remplace la
raison et le débat. La défense des libertés devient alors secondaire par
rapport à l'opinion populaire.
L'exemple des prières de rue en est révélateur.
Plutôt que d'engager un dialogue constructif permettant d'appréhender la
pluralité des opinions et des croyances, la réponse des autorités a souvent été
d'interdire. Cette interdiction, motivée par un souci de conformité à une norme
socialement acceptée, s'assimile à une remise en question de la liberté d'expression
et de la pratique religieuse.
Pour contrer les effets délétères de la
gouvernance par l'opinion publique, il est impératif de revendiquer une
approche politique qui soit informée et visionnaire. Cela passe par l'éducatif
et la promotion d'une citoyenneté active et engagée, capable de développer une
pensée critique devant l'information diffusée. Les gouvernements doivent
instaurer des dialogues ouverts, où la diversité des voix est entendue, et non
seulement les cris les plus forts.
Promouvoir les droits et la
diversité
La gouvernance par l'opinion publique, bien
qu'apparemment démocratique, peut constituer un contre-emploi des valeurs
fondamentales qui soutiennent notre civilisation. Il est essentiel d'aller
au-delà des réactions impulsives et d'engager des discussions nuancées sur les
enjeux sociétaux. Cela demandera un effort concerté, une volonté de comprendre
et de respecter la diversité, et une prise de conscience que la défense d'un
vivre ensemble harmonieux repose sur des valeurs telles que la tolérance, le
respect et la protection des droits individuels. La souveraineté de l'opinion
publique ne doit pas devenir l'ennemi des valeurs qui nous unit. Pour avancer
ensemble, nous devons réaffirmer ces principes et les placer au cœur de notre
gouvernance. Il est bien plus facile de dire aux gens ce qu'ils veulent entendre que
de défendre des principes et des valeurs. La tentation est grande pour un
gouvernement impopulaire de céder aux préjugés ambiants pour passer la gratte afin
de se faire des amis même les plus infréquentables. Le désespoir est la voie
royale pour laisser place à ses désirs et ses illusions, mais en laissant en
plan l'essentiel qui est de défendre des valeurs que l'on cherche à faire
partager par le plus grand nombre. À cet égard, le discours actuel du
gouvernement Legault laisse manifestement comprendre qu'il a cédé à la panique
et qu'il est prêt à tout faire pour chercher à éviter la sanction populaire qui
l'attend en octobre 2026. Ce n'est pas une bonne idée ni pour lui ni pour le
Québec.
Il est temps de redéfinir la relation entre
gouvernements et citoyens. La démocratie ne se résume pas à la simple réponse
aux attentes du moment, mais implique également l'éducation, le respect, et la
protection des valeurs profondes qui nous lient en tant que société. Redonnons
un sens aux principes de responsabilité et de justice sociale et veillons à ce
que les décisions politiques soient éclairées par une vision à long terme,
plutôt que par des impulsions immédiates. En fin de compte, c'est ainsi que
nous pourrons véritablement défendre les valeurs qui fondent notre civilisation
occidentale. Ce n'est pas une bonne idée de gouverner par sondages...