Encore
plus qu'avant, depuis quelques mois, ça me frappe.
Les
indicateurs sont partout.
Pas les
indicateurs qui jouent le rôle de lanceurs d'alerte. Pas les indicateurs qui
sont recrutés et congédiés dans la série Antigang.
Je parle
des indicateurs qui sont de tous les débats dans les enjeux de gestion.
Les
indicateurs sont des éléments qu'on identifie comme des repères servant à
valider l'avancement d'un projet ou d'une action initiés par une entreprise
privée, publique, coopérative, communautaire, qu'importe.
Un
indicateur est souvent quantitatif : par exemple, on change la mise en marché
d'un produit et on établit que le succès de la démarche s'appuiera sur une
augmentation de 20% des ventes. Le 20% devient un indicateur.
Les
indicateurs ont une place dans la gestion des activités. Ils ont toujours
existé dans le développement d'une entreprise. De façon moins encadrée
auparavant, on les retrouve maintenant dans les différents plans d'action
entrepreneuriaux.
Comme
bien d'autres éléments de notre société, quand une chose est nommée, enseignée et
soulignée à gros traits, elle devient intouchable, indiscutable et
incontournable.
Pour le
meilleur et pour le pire.
C'est
le pire qui me frappe depuis quelques mois
L'actualité
nous sert un condensé sirupeux et indigeste de la notion d'indicateur et
de tableau de bord en gestion.
L'enquête
sur le scandale SaaqClic le démontre très clairement : tous les gestionnaires
ayant une même formation très uniforme, voilà qu'ils réfèrent toujours aux
indicateurs pour se sauver de leurs responsabilités. L'indicateur n'est plus un
outil parmi d'autres. C'est une fin en soi.
« Sur
le tableau de bord qui m'était fourni, tous les indicateurs étaient au vert. Si
j'avais eu un doute, vous imaginez bien que j'aurais réagi fortement! »
Retenez
aussi l'expression tableau de bord, elle se retrouve sur toutes les
lèvres.
Chez
SaaqClic, différents tableaux de bord sont fournis aux différentes instances,
selon des critères établis par on ne sait plus trop qui, visiblement, à la fin.
Même
chose en Santé, on dirait bien : il y a une discordance évidente dans le
discours des autorités et celui du plancher. Les gestionnaires font monter des
tableaux de bord avec indicateurs de performance ou autres, et l'ascension se
fait lentement jusqu'au ministre.
Autre
exemple dans le secteur parapublic : une responsable des communications
d'un service public de transport en commun répondait ainsi à une question d'un
journaliste : « il se peut qu'il y ait une sorte de violence plus ou
moins silencieuse dans les autobus, mais rien ne transparaît dans nos
données ».
J'en
comprends : ce qui n'apparaît pas au tableau de bord ou dans les
indicateurs n'existe pas. Par définition, je ne m'occupe pas de ce qui n'existe
pas...
C'est
là, le vice de la chose. Les termes tableaux de bord et les indicateurs
sont devenus presque religieux, faisant foi de tout. On s'en sert, dans les
très grandes entreprises, de ce que j'en comprends, en tous les cas, comme des
boucliers ou, comme dans Harry Potter, des capes d'invincibilité.
Tout ça
dénature la valeur de ces éléments de gestion.
Pour
moi, gérer en se basant exclusivement sur des tableaux de bords et leurs
indicateurs, c'est constater des choses. Ce n'est pas les comprendre.
Plus
l'entreprise est grande, plus c'est difficile. Mais plus on se contente de
constater plutôt que de comprendre, plus on risque de laisser loin derrière le
client ou l'usager de notre entreprise.
Clin
d'œil de la semaine
Est-ce
que quelqu'un se demande encore pourquoi le cynisme s'invite dans les
conversations?