En 2018, une vaste étude a rassemblé 40 chercheurs de
partout au Québec, issus de différentes disciplines, pour relever un défi
médical majeur : améliorer l'imagerie et le traitement du cancer de la prostate
métastatique résistant aux traitements conventionnels. Ce projet, dirigé par
Brigitte Guérin, professeure-chercheuse à l'Institut de recherche sur le cancer
de l'Université de Sherbrooke (IRCUS), vient de se conclure avec des résultats
porteurs d'espoir pour de nombreux patients.
Le défi du 68Ga : une
course contre-la-montre
Au cœur de cette innovation se trouve le gallium-68 (68Ga),
un isotope radioactif utilisé pour imager les métastases. Problème : sa
demi-vie est de seulement 68 minutes, ce qui rendait presque impossible son
transport depuis Sherbrooke vers les grands centres hospitaliers de Québec et
de Montréal.
L'équipe de Mme Guérin a toutefois su repousser les limites
technologiques. Grâce à la production du 68Ga à grande échelle par cyclotron et
à l'optimisation du procédé de marquage, ils ont réussi à prolonger sa durée
d'utilisation jusqu'à cinq heures. Ce saut technologique a permis d'acheminer
les traceurs à travers la province et de les administrer à temps à des
patients.
Une stratégie
d'imagerie révolutionnaire
L'étude a porté sur 98 patients atteints d'un cancer de la
prostate métastatique et réfractaire. Une stratégie d'imagerie à trois traceurs
a été utilisée : deux à base de 68Ga (68Ga-PSMA-617 et 68Ga-DOTATATE) et un
troisième au fluor-18 (18F-FDG). Ces traceurs ont permis de cartographier avec
une grande précision les métastases et de mieux comprendre leur nature sans
recourir à de multiples biopsies invasives.
Grâce à cette méthode, l'équipe a pu constater que plus de
83 % des patients présentaient des métastases aux caractéristiques hétérogènes,
ce qui est généralement associé à un pronostic moins favorable. Toutefois,
cette hétérogénéité permet aussi d'identifier plus rapidement les patients qui
peuvent bénéficier d'un traitement plus personnalisé.
Un nouveau traitement
accessible plus tôt que prévu
L'approche développée a permis d'identifier que plus de la
moitié des patients étaient admissibles à une radiothérapie de précision injectable,
issue de ces mêmes traceurs. Fait exceptionnel, plus de 30 % des participants à
l'étude ont pu accéder à ce traitement novateur avant même son approbation
officielle pour le grand public au Québec.
Un modèle québécois
d'innovation en oncologie
Aujourd'hui, l'équipe de Mme Guérin est la seule au Québec à
produire du 68Ga à grande échelle à partir de cibles solides brevetées. Avec
deux productions hebdomadaires, plus de 1 000 patients à Sherbrooke bénéficient
chaque année de ces traceurs, utilisés en contexte clinique.
Le succès de cette initiative repose également sur une
collaboration exceptionnelle avec quatre cliniques en oncologie et en médecine
nucléaire, ainsi qu'un écosystème dynamique de chercheurs, de professionnels et
d'étudiants à l'Université de Sherbrooke.
Une percée qui ouvre
la voie à de nouvelles avancées
Cette recherche ne marque pas une fin, mais un début.
L'équipe prévoit déjà de nouvelles études cliniques pour perfectionner les
thérapies personnalisées. « Nous avons franchi une étape décisive, mais ce
n'est que le début. Ces données nous permettent d'envisager un avenir où le
cancer sera traité avec une précision et une personnalisation inédites »,
affirme Brigitte Guérin.
Source : Isabelle Huard, conseillère en relations
médias, service des communications, Université de Sherbrooke