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Pour en finir avec le Rose et le Bleu

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On a beau dire, on a beau faire, mais la vérité c'est que le féminin et le masculin c'est une création des humains. La question du « genre » qui suscite de plus en plus de débats au sein de la société québécoise est une construction sociale héritée d'une société patriarcale et discriminatoire (Le Rose et le Bleu). Si l'on prend la peine d'examiner la question sur la longue durée, on comprend facilement que le Québec n'est pas encore une société égalitaire même si l'on aime bien se présenter comme une société modèle où l'égalité entre les hommes et les femmes est une réalité tangible. Je me dois de vous le dire : c'est faux.

Au nom de nos mères, de nos sœurs, de nos femmes et de nos filles, il faut que ces choses-là soient dites et réaffirmées. Le chemin pour une pleine et entière reconnaissance de l'égalité entre les femmes et les hommes est encore long. Nous devons ensemble, femmes et hommes du Québec, dire tolérance zéro à cette inégalité et à cette discrimination systémique à l'égard des femmes. Les femmes du Québec ont le droit de vivre dans un monde sans être harcelées sexuellement, sans être perçues comme des objets. Les femmes du Québec méritent mieux que d'être moins bien payées que les hommes et d'être celles qui voient aux tâches domestiques et qui sont la plupart du temps des proches aidantes.

Les femmes ont le droit de vivre des carrières professionnelles qui permettent leur épanouissement. Mais vous me direz, c'est chose acquise au Québec ce que vous écrivez monsieur Nadeau. Pourtant, la dernière semaine, des femmes journalistes se sont fait insulter parce qu'elles sont des femmes. Si l'égalité est acquise pourquoi cela existe-t-il? L'important n'est pas tant de se dire féministe ou pas, mais que ces comportements cessent. Après tout, nous sommes en 2016.

Plongée dans le monde de la discrimination systémique faite aux femmes d'hier et d'aujourd'hui.

On part de loin, disons...

Ça commence au début de l'humanité. Le christianisme confirme cette inégalité. Lisons l'Ancien Testament : Dieu dit : « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance » [...] Dieu créa l'homme à son image. Yahvé Dieu dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie. » [...] Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme. » (Le Rose et le Bleu p. 14) Puis, l'histoire est connue, Ève céda à la tentation du serpent, l'incarnation du diable, et elle provoqua l'expulsion des humains du paradis terrestre. Yahvé Dieu réservait un sort peu enviable à l'homme et la femme : « Il dit à l'homme [...] C'est à force de peine que tu tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. [...] C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes à la terre, d'où tu as été pris, car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. » (loc. cit.) Quant à la faute d'Ève, elle aura de graves conséquences pour toutes les femmes qui suivront : « Il dit à la femme : J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras dans la douleur, et tes désirs te porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. » (loc. cit.)

Le Québec, pas le paradis prétendu...

L'histoire du Québec est étroitement liée au dogme catholique. Il ne faut pas se surprendre que les femmes aient toujours été sous l'emprise des hommes et d'une discrimination systémique. L'historienne Micheline Dumont écrivait dans le cadre du débat sur la laïcité au Québec dans le journal Le Devoir le 22 février 2010 dans un texte intitulé « Le foulard et l'égalité » : « Depuis quelque temps, dans le tourbillon causé par la querelle sur l'identité québécoise et la prétendue nécessité d'une charte de la laïcité, on ne compte plus les ténors des deux sexes qui viennent proclamer, la main sur le cœur que "l'égalité entre les hommes et les femmes, ce n'est pas négociable au Québec!" et que "cette égalité constitue une valeur fondamentale de la société québécoise" je crois que les femmes des 350 dernières années ne s'en sont pas aperçues. »

Par exemple, les femmes du Québec ont obtenu le droit de vote au Canada en 1918 et en 1940 au Québec. On a longtemps refusé aux femmes le droit de participer aux activités politiques au nom de la préservation de leur fonction première, la maternité et la garde du foyer au service de son homme. Rappelons aussi la Commission Dorion instaurée en 1929 par le gouvernement libéral de Taschereau qui avait pour mandat de se pencher sur le statut juridique des femmes. Les commissaires dénonçaient au terme de leurs travaux l'absurdité de la théorie dite des droits égaux pour tous. Ils consacraient le mari comme le chef incontesté de la famille et l'épouse comme sa subordonnée. L'incapacité juridique de la femme mariée était présentée comme un moyen pour protéger la famille. Ce n'est qu'en 1964 que l'on accorde la capacité juridique des femmes sous l'impulsion de Claire Kirkland-Casgrain. Je peux citer de nombreux autres exemples comme le droit à l'avortement, la Loi sur le divorce, etc. Je crois que tous vous aurez compris. Mais direz-vous aujourd'hui, tout cela a changé. Ah oui...

Les conditions de vie des femmes aujourd'hui...

Je vous signale les choses qui prouvent l'existence d'une discrimination systémique :

La parité salariale n'est pas atteinte sur le marché du travail, les femmes sont plus souvent chefs de famille monoparentale que les hommes;

Les mères se retirent du marché du travail pour s'occuper des enfants, la présence de jeunes enfants est associée au taux d'emploi plus élevé des pères et moins élevé des mères;

Les mères monoparentales participent plus faiblement au marché du travail;

Les femmes font moins d'heures que les hommes au travail et ce sont elles qui s'absentent le plus pour les obligations personnelles ou familiales;

Les femmes occupent les emplois les plus précaires;

Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel pour concilier vie familiale et vie professionnelle;

Les emplois des femmes sont peu diversifiés et sont souvent liés à des fonctions d'aide, les revenus moyens des femmes sont inférieurs à ceux des hommes;

Les femmes contribuent le plus au revenu du couple, les femmes sont plus nombreuses à gagner le salaire minimum;

Les femmes sont plus dépendantes des transferts gouvernementaux que les hommes;

Les revenus des femmes monoparentales chefs de famille sont inférieurs à ceux des hommes dans les mêmes circonstances;

Les hommes consacrent encore la majorité de leur temps productif aux activités professionnelles alors que les femmes consacrent ce temps en plus grand nombre aux activités domestiques;

Les mères consacrent plus de temps aux soins des enfants que les pères;

Les femmes accordent plus de temps au soin ou à l'aide des personnes âgées que les hommes;

Les femmes fournissent 80 % des soins à domicile aux personnes âgées;

Les femmes sont plus souvent que les hommes victimes de violence conjugale et d'infractions sexuelles déclarées;

Les inégalités entre les hommes et les femmes persistent dans les postes décisionnels, les conseils d'administration, les conseils de ville et les parlements. (http://www.scf.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/FaitsSaillants_octobre2010.pdf)

Vous êtes convaincus. Croyez-vous encore qu'au Québec nous sommes le paradis de l'égalité entre les femmes et les hommes comme le prétendent certains. N'avez-vous pas envie de devenir féministe? Chose certaine, vous conviendrez avec moi que beaucoup de chemin reste à faire pour en finir avec le Rose et le Bleu dans notre société...

Lectures recommandées :
Scarlett Beauvalet-Boutouyrie et Emmanuelle Berthiaud, Le Rose et le Bleu. La fabrique du féminin et du masculin. Cinq siècles d'histoire, Paris, Belin, 2016, 378p.
Denyse Baillargeon, « Réflexions féministes autour du conservatisme au Québec » dans Francis Dupuis-Dery et Marc-André Éthier, La guerre culturelle des conservateurs québécois, Gatineau, M éditeur, 2016, p. 75-99.
Micheline Dumont, « Le foulard et l'égalité » dans Le Devoir, 22 février 2010.
Gouvernement du Québec, Secrétariat à la condition féminine du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, « L'égalité entre les femmes et les hommes au Québec. Faits saillants » Québec, gouvernement du Québec, 2010, 48 p.


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