Les relations économiques du Canada et de l'Arabie Saoudite ont des effets néfastes sur la libération de Raïf Badawi. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est ce qu'affirment des chercheurs et des organismes.
En étant le premier pays exportateur de pétrole au monde, l'Arabie Saoudite détient un pouvoir exceptionnel, si bien qu'il devient quasi impossible d'influencer une décision gouvernementale. Outre cette suprématie, les relations économiques du Canada avec le Royaume de l'Arabie Saoudite sont « très solides », explique Mohamed Ourya, chargé de cours à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.
« L'Arabie Saoudite est le deuxième marché d'exportation en importance au Canada dans la région et il y a également plus de 2 000 étudiants saoudiens en sol canadien dont la moitié étudient en médecine. Le Canada ne peut pas négliger ces importantes relations », soutient M. Ourya. Tout porte à croire pour l'heure que le gouvernement canadien a décidé de privilégier ses relations avec l'Arabie Saoudite.
Selon Mme Elchacar, agente de développement régional en Estrie pour Amnistie internationale, le fait que les gouvernements canadiens entretiennent des relations économiques avec les gouvernements saoudiens notamment pour les contrats d'armement ne devrait pas être un frein à l'action : « ces relations devraient être une occasion d'affirmer l'importance du respect des droits fondamentaux pour le Canada et les valeurs qu'il défend », indique-t-elle.
Pour espérer influencer la décision du gouvernement saoudien quant à la sentence de M. Badawi, le gouvernement canadien devra incontestablement agir de concert avec d'autres pays, notamment les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne.
Une campagne sans pitié contre les défenseurs des droits de l'homme
Ils sont plusieurs Saoudiens, comme M. Badawi, à être emprisonnés pour avoir milité pour le respect des droits de l'homme : « Depuis 2012, les autorités ont mené une campagne sans pitié contre les défenseurs des droits de l'homme et des dissidents pacifiques », a critiqué Adam Coogle, chercheur responsable de l'Arabie Saoudite pour l'organisation Human Rights Watch (HRW)
Mobilisation à travers le monde
Plusieurs organisations appuient la cause, notamment Amnistie internationale et Human Rights Watch. Au Québec, le Parti québécois, Québec solidaire, l'Union des écrivains du Québec et la CSN ont participé à une manifestation hier pour lancer un appel à l'action pour faire libérer Raïf Badawi.
Alors que M. Badawi a d'ores et déjà été flagellé, plusieurs organisations et personnalités publiques pressent le gouvernement du Canada à réagir dans ce dossier.
Le ministre du Développement international et de la Francophonie, Christian Paradis, a pour sa part expliqué cette semaine l'impuissance de son gouvernement d'agir dans ce dossier en raison du fait que M. Badawi n'est pas citoyen canadien.
À ce propos, Mireille Elchacar réfute en précisant que « les victimes de l'attentat de Charlie Hebdo non plus n'étaient pas canadiennes, et cela n'a pas empêché ce crime d'être condamné par les chefs d'État. »
Retour sur les événements
Rappelons que le 9 janvier dernier, Raïf Badawi a reçu 50 coups de fouet sur la place publique. Cette sentence se reproduira tous les vendredis après la prière pour un total de 1000 coups de fouet. L'État saoudien accuse M. Badawi d'avoir offensé les préceptes islamiques dans le forum en ligne, « Saudi Arabian Liberals », qu'il a lui-même créé en 2008 pour encourager le débat politique et social en Arabie Saoudite.
Il a été condamné à dix ans de prison, à mille coups de fouet et à une amende de près de 300 000 dollars canadiens. Il a été transféré depuis peu de temps à la prison Al Islahia où il purgera sa peine.
Sa femme, Ensaf Haider, et ses trois enfants sont réfugiés politiques au Canada depuis novembre 2013. La famille réside désormais à Sherbrooke.
