Les personnes qui bénéficient de l'aide sociale sont souvent victimes de préjugés. À l'épicerie, dans la rue, dans les commerces, le regard des autres peut devenir insupportable, voire insurmontable. EstriePlus a souhaité connaître les répercussions qu'ont les jugements d'autrui sur les personnes prestataires de l'aide sociale. Nous vous présentons l'histoire de Manon Dupont, âgée de 52 ans et enseignante à l'École foresterie de La Tuque et étudiante en enseignement professionnel à l'Université de Sherbrooke.
Manon Dupont n'a pas honte de son passé, elle raconte avec franchise et générosité son histoire. « J'ai toujours eu de drôles de conjoints. Je me suis souvent retrouvée seule », lance-t-elle d'emblée. Lorsque j'étais couturière, je suis tombée enceinte et ma grossesse a été difficile. Je n'ai pas eu le choix de quitter mon emploi », raconte-t-elle. Pendant trois ans, elle a bénéficié d'une aide financière de 800 $ par mois pour elle et son bébé. C'était insuffisant assure-t-elle : « J'ai dû travailler sous la table en faisant des ménages pour y arriver. »
« Les paroles restent »
« Quand je suis tombée sur l'aide sociale, j'ai eu peur de me faire pointer du doigt. J'allais encaisser mon chèque le deux de chaque mois plutôt que le premier, seulement pour montrer que je n'étais pas sur l'aide sociale. » Avant d'envisager de travailler « au noir », Manon a essayé de survivre avec le montant qu'elle recevait par le Programme d'aide sociale : « je me suis rendue à une soupe populaire. J'avais tellement honte, j'étais tellement gênée que je me suis mis un sac brun sur la tête. Vraiment! J'avais honte! »
Bien que la manifestation des jugements soit dans la plupart des cas sournoise, Manon affirme que les regards et les paroles de certaines personnes affectent les bénéficiaires d'aide sociale pour la vie. « Les paroles restent, tu continues toujours à croire un peu ces paroles. Ça marque pour la vie. Je me disais quelques fois : ok, je dois me rendre à l'évidence, je suis née pour un petit pain. Je dois faire avec. C'est tout », explique-t-elle.
Selon Manon Dupont, c'est une erreur de penser que les bénéficiaires d'aide sociale sont tous des profiteurs : « C'est choquant parce que les gens te disent : toi on te fait vivre faque fais donc des efforts pour te trouver une job. J'en ai vu des gens sur l'aide sociale qui ne voulaient vraiment pas s'aider, mais tout dépend des personnes, il y en a qui souhaite vraiment s'en sortir », réitère-t-elle.
« Aux yeux de certaines personnes, je n'étais rien »
« En 1991, à la suite d'un concours au centre fiscal de Shawinigan-Sud, j'ai pu travailler à l'agence du revenu du Canada. Puis là, j'ai appelé tout le monde que je connaissais pour dire que j'avais évolué dans la société, c'était une grande fierté pour moi », se remémore Mme Dupont.
Le chemin vers la réussite n'a pas été facile. Elle a dû se convaincre qu'elle avait du talent et le potentiel pour réussir comme tout le monde : « Je me suis remontée le moral par moi-même. Il a fallu que je me donne des tapes dans le dos et que je me dise que j'étais capable. J'avais aussi des gens près de moi qui m'encourageaient », témoigne-t-elle.
« Aujourd'hui, je suis fière, parce que j'ai foncé. J'ai voulu prouver à bien du monde que j'étais quelqu'un parce qu'aux yeux de certaines personnes, je n'étais rien ».
Un pari qui est donc réussi pour Mme Dupont qui est aujourd'hui enseignante permanente à l'École foresterie de La Tuque. « Je suis la preuve vivante que quel que soit notre passé, on est capable de faire ce que l'on veut, quand on le veut. »
Dans le cadre du dossier spécial de cette semaine, EstriePlus aborde la question des préjugés à l'endroit des prestataires d'aide sociale. Ne manquez pas mercredi l'article Programme d'aide sociale:portrait estrien.