Le silence est d'or et la parole est d'argent. La valeur de
l'or étant plus grande que celle de l'argent, il en va tout autant pour le
silence et la parole. Écouter se fait en silence. Réfléchir aussi.
Surtout, le silence est fondamentalement complexe.
Le silence peut représenter le pire des malaises quand une
réponse est désespérément attendue et qu'elle ne vient juste pas.
Il peut aussi représenter l'ultime paix de l'esprit et de
l'âme quand il survient après une séquence trop bruyante.
En forêt, on se plaît à écouter le silence. Quand les pas
crissent dans la neige par un matin très froid d'hiver, on a l'impression que
le bruit est assourdissant tant le silence ambiant est grand. Un silence
largement favorisé par la couche de neige qui semble isoler tout l'espace
recouvert.
Le silence est complexe parce qu'il enveloppe mieux qu'une
couverture de doux polar, tout comme il peut frapper plus fort qu'un champion
de boxe. Il enveloppe deux humains qui ne font qu'un, bien installés dans un
fauteuil. Une enveloppe que les mots ne viendraient que gâcher. Mais le même
silence peut mettre KO quand il est provoqué par quelqu'un dont le regard
défiant ne dit rien, laissant ainsi libre cours à l'autre de s'inventer le pire
scénario.
Quand tout est bruit
On peut s'imager l'équation simpliste suivante :
puisque tout est bruit, c'est donc que le silence n'est rien.
Ce serait là une bien mauvaise interprétation. Mais une
interprétation valable au sens où tout est fait pour que le bruit soit
constant. Assourdissant et constant.
J'entends par bruit les conversations téléphoniques que de
plus en plus en plus de gens font en marchant, téléphone cellulaire en mode mains
libres ! J'entends par bruit l'initiative de Youtube et, maintenant, de
toutes les plateformes numériques, de pousser sans arrêt du contenu pour que l'écoute
soit continue. Tout ça pour que le silence n'existe plus. Je me souviens des
balbutiements de Youtube où à la fin de chaque vidéo, il fallait en
choisir un autre…
La plateforme a vite compris que le silence permet une
réflexion. On ne veut pas ça. On veut des données d'écoute qui vont témoigner
d'une emprise plus grande sur l'auditeur. Ça favorise l'argent des annonceurs
et ça rend l'auditeur captif de la plateforme. Vive le bruit !
J'entends par bruit les alertes multiples sur notre montre
intelligente (!) ou notre cellulaire. Avec des sons différents. Des alertes qui
brisent la concentration ou le moment d'un groupe entier, parfois !
Et quoi encore !
Pourtant, le silence est notre allié
Un jour, j'ai visité un salon funéraire pour le décès
accidentel d'un jeune homme de même pas 18 ans. Il y avait littéralement des
dizaines d'amis sur place. Dans le salon, que le silence. Les mots étaient
devenus inutiles. Un silence qui portait toute la peine, toute la perte de
repères de ce groupe. Le silence n'était interrompu que par quelques
reniflements, le froissement des vêtements de deux humains qui se font un câlin
et quelques tapes dans le dos.
Le silence parle plus fort que tout, souvent !
Il me semble que silence est un puissant allié de nos vies.
Pour un bonhomme de 64 ans, en tous les cas. Pour les plus
jeunes, le silence semble devenir un générateur d'anxiété. On a de plus en plus
recours à des « bruits blancs » pour couvrir certains autres sons, bien sûr, mais parfois
pour donner l'impression à notre cerveau surexcité que « oui, oui, il y a
du bruit, tu peux dormir ! »
Bon je me tais presque là-dessus… Juste le temps de partager
un dernier constat personnel : apprivoiser le silence, c'est s'apprivoiser
soi-même.
Bon, silence, maintenant…
Clin d'œil de la semaine
J'emprunte et modifie librement la formule du légendaire
Félix Leclerc : « C'est grand, le silence. C'est plein de vie
dedans ».