La parole politique est un peu comme les valeurs boursières
: au cœur de la crise des tarifs avec les États-Unis d'Amérique, elle est en
baisse de valeur. Cela est d'autant plus vrai à l'issue de la dernière campagne
électorale fédérale. Les libéraux de Mark Carney ont mené une campagne peinarde
qui voguait allègrement sur la peur de Trump. Mark Carney a offert le service
minimum et cela l'a bien servi par l'élection d'une minorité à la Chambre des
communes. Faut-il pour autant l'en féliciter ?
Une campagne terne et
sans grandes idées
La dernière campagne électorale fédérale a donné lieu à peu
de vrais débats. Bien entendu, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre,
a joué son rôle de repoussoir en s'ancrant bien à droite avec des idées qui
avaient un effet d'épouvantail pour de nombreux Canadiens. Ces idées de lutte
contre la criminalité avec des peines renforcées ou cette autre idée d'abolir
CBC Radio-Canada ont fait la démonstration de l'inaptitude du chef conservateur
Poilievre à rassembler au centre droit de l'échiquier politique. D'ailleurs, le
premier ministre élu actuel, Mark Carney, a tôt fait d'occuper l'espace du
centre droit sur l'échiquier politique canadien. Pour parvenir à ses fins, il
n'a pas hésité à s'approprier les idées de Poilievre sur la baisse d'impôt, sur
l'énergie et le pétrole ainsi que sur les propos rassembleurs quant à l'Ouest
canadien. Bon, mais Carney a été élu. L'électorat a donné raison à sa
stratégie. Il l'a été en rupture totale avec les politiques de centre gauche de
son prédécesseur Justin Trudeau. C'est le jeu politique. Comme le dit un vieil
ami, je n'ai qu'une parole, mais quand j'en ai besoin, je la reprends. Du
Carney tout craché...
Un nouveau conseil
des ministres confirme le virage à droite des libéraux
Si besoin en est, la formation du conseil des ministres par
le premier ministre Carney a fait la démonstration de son intention de faire un
véritable virage au centre-droit. Les gens plus à gauche de son parti, comme
l'ex-candidate à la chefferie Karina Gould ou l'ami de Justin Trudeau Mark
Miller ont été exclus du conseil des ministres. Monsieur Carney a plutôt choisi
de faire accéder à son cabinet des personnalités plus à droite, comme son
ex-conseiller à la Banque du Canada, Tim Hodgson à qui il a confié le ministère
de l'Énergie et des Ressources naturelles. Bien entendu, il a reconduit les
ténors québécois du gouvernement Trudeau comme François-Philippe Champagne et
Mélanie Joly. Il a aussi choisi de confirmer le caractère centralisateur du
gouvernement en nommant Marjorie Michel à la Santé du Canada. Bref, des
nominations à l'avenant sont conformes à la volonté de recentrer le
gouvernement vers le centre droit tout en assurant une continuité du pouvoir en
conservant à ses côtés de nombreux ténors du gouvernement Trudeau. Note en bas
de page : dans ce remaniement, les Cantons de l'Est n'ont plus de représentant
au conseil des ministres. Nous sommes passés de deux représentantes, Elizabeth
Brière (avant Marie-Claude Bibeau) et Pascale St-Onge à zéro. Ce n'est pas un
scandale à l'échelle canadienne, mais c'est tout de même une perte notable pour
la grande région des Cantons de l'Est. Dans la mesure où l'on prête foi à
l'idée qu'une région est mieux représentée lorsqu'elle est assise à la table du
conseil des ministres. Idée décriée par le Bloc québécois.
À quoi devons-nous
nous attendre du gouvernement Carney ?
Toute la campagne a eu comme question de l'urne : qui sera
le mieux outillé pour négocier avec Donald Trump. À ce jeu à somme nulle, Mark
Carney a gagné la mise. Sa rencontre à Washington avec le président américain
Donald Trump a confirmé l'impression qu'il aura de meilleures relations avec
les États-Unis que son prédécesseur Justin Trudeau qui était détesté par Trump
et ses amis. Mais avoir de meilleures relations signifie-t-il que nous aurons
des gains réels dans la guerre des tarifs entre nos deux pays ? Rien n'est
moins sûr. Nous sommes dans une situation où notre premier ministre peut aller
à la Maison-Blanche et être reçu convenablement, mais cela ne change rien au
fond des choses des relations détériorées avec notre puissant voisin. Ça nous
fait une belle jambe.
Par ailleurs, le gouvernement Carney nous promet, surtout à
la population de l'ouest du Canada, que les choses vont changer et que le
Canada sera de retour dans la grande course pour tuer la planète en exploitant
au maximum les ressources du carbone qui multiplient les conséquences
désastreuses sur nos milieux de vie. Les changements climatiques et leurs
conséquences ne disparaîtront pas malgré la volonté du premier ministre Carney
d'amadouer les volontés sécessionnistes de l'Ouest canadien. Les menaces à
l'unité canadienne sont importantes, j'en conviens, mais les menaces qui pèsent
sur l'avenir de la planète sont plus déterminantes à mes yeux. Carney pourrait
s'approprier une phrase célèbre de son prédécesseur en voulant parler de
l'exploitation pétrolière plutôt que des relations internationales : Canada is
back...
Un avenir sombre
attend le Canada...
Je ne peux qu'être profondément pessimiste quant à l'avenir
du Canada sous Carney. Sur le plan de la lutte aux changements climatiques, le
Canada va suivre l'exemple américain et désinvestir dans la lutte aux
changements climatiques. Le Canada sera de retour comme une puissance
pétrolière et il contribuera largement à la mort de notre planète. Je comprends
difficilement que Steven Guilbault, jadis grand-prêtre de la cause
environnementale, prête son concours à un gouvernement qui fait marche arrière
sur la cause la plus importante de notre siècle parce qu'elle remet en question
l'existence humaine sur la planète Terre.
Sur le plan constitutionnel, le Québec n'a pas beaucoup à
s'attendre du gouvernement Carney qui semble s'inscrire dans les mêmes sentiers
centralisateurs que tous les gouvernements canadiens. Sur le plan financier,
les menaces existentielles que fait peser sur nous la guerre des tarifs du
gouvernement Trump auront des effets dévastateurs sur l'économie canadienne.
Les négociations à venir pourront à nouveau s'attaquer notamment à la gestion
de l'offre en matière agricole. Sur le plan de la défense des frontières, les
investissements que nous promet le gouvernement Carney en Arctique ne seront
pas suffisants pour endiguer les menaces russes, américaines et chinoises sur
notre territoire. La faiblesse des investissements passés du gouvernement du
Canada en matière de défense nous rattrape et aujourd'hui nous en subissons les
conséquences. Bref, les avenues qu'offre le nouveau gouvernement Carney pour
notre avenir n'ont rien pour nous rassurer.
La seule chose qui semble se concrétiser et cela
élection après élection, c'est que les politiciennes et les politiciens n'ont
pas grand-chose à nous offrir pour envisager un avenir moins sombre. Tout ce
qu'ils nous disent pour nous rassurer ou nous stimuler ne fait pas le poids
devant l'inaction crasse ambiante qui caractérise bien souvent nos gouvernements.
En refusant pour des considérations de marketing politique d'aborder les vrais
débats, on nous enfonce dans une espèce de réalité parallèle sans commune
mesure avec la réalité. En fait, ce que nous offre la classe politique me
rappelle une ritournelle de la grande interprète Dalida : paroles,
paroles, paroles...