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Notre histoire en archives : L’âge d’or de la fourrure

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Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives nationales du Québec Par Bibliothèque et Archives nationales du Québec
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Jeudi 6 novembre 2025

Notre histoire en archives : L'âge d'or de la fourrure

Par Mathilde Loubier, stagiaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec

 

La chasse étant l'une des principales activités économiques du XVIIe au XIXe siècle, la fourrure s'est imposée comme un élément incontournable de la mode au Québec. Appréciée par tous, elle est prisée autant pour sa chaleur que pour sa durabilité. Les gens se couvrent de peau de mouton, de bison, de coyote, de castor, de renard, de phoque ou encore de caribou : les ressources semblent alors inépuisables.

À la fin du XIXe siècle, la fourrure ne se limite plus à un simple vêtement fonctionnel : elle devient un symbole de prestige, de raffinement et de luxe. Son usage s'étend des manteaux aux accessoires comme les chapeaux, les gants, les manchons et les bordures de capes.

Cette évolution marque le passage d'une économie basée sur la traite des fourrures à une véritable industrie de la mode, où le travail des pelleteries se raffine et s'adapte aux tendances et aux exigences d'une clientèle toujours plus sophistiquée.

Du commerce des fourrures à l'industrie de la mode

En-tête d'une facture du magasin Z. P. Cormier, commerçant de fourrure à Sherbrooke, 1894. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Bowen (P4, S2, SS1, D1).

Dès le début du XVIIe siècle, les colons français établissent des comptoirs de traite de fourrure le long du fleuve Saint-Laurent et dans la région des Grands Lacs. S'alliant avec des communautés autochtones comme les Algonquins, ils développent un commerce florissant qui devient rapidement l'un des piliers économiques de la Nouvelle-France.

Ce commerce est marqué par une forte concurrence, notamment entre la Compagnie de la Baie d'Hudson et la Compagnie du Nord-Ouest, qui se disputent les territoires de capture jusqu'au XIXe siècle. Malgré ces rivalités, l'industrie continue de prospérer, si bien que Montréal devient la plaque tournante de la fourrure, abritant plus de la moitié des fourreurs du pays!

Mode féminine

Sous le Régime français, les femmes, qu'elles vivent en ville ou à la campagne, portent généralement une jupe accompagnée d'une blouse. Leurs dessous se composent d'une chemise descendant jusqu'aux genoux, d'un corset sans manches s'arrêtant à la taille et de bas en laine. Afin d'affronter les rigueurs de l'hiver, elles portent un manteau de laine ou de fourrure, et les chaussures laissent la place aux bottes ou aux mocassins. Leur habillement se veut pragmatique et adapté au climat difficile de la colonie. 

Aux XIXe et XXe siècles, le renard roux ou argenté domine la mode avant d'être supplanté par des fourrures à poil court, comme le mouton de Perse. C'est l'ère des luxueuses parures de cou et des précieuses martres canadiennes, prisées par les femmes distinguées. Certaines étoles arborent même la tête de l'animal, un gage de prestige supplémentaire qui fait grimper leur valeur marchande.

Avec la Seconde Guerre mondiale, l'entrée des femmes sur le marché du travail leur permet d'accéder à une plus grande autonomie financière, ce qui influence leurs habitudes de consommation. La demande pour des vêtements sophistiqués comme la fourrure s'accroît considérablement.

Voici quelques beaux portraits de femmes arborant des fourrures :

Graziella Beaulne et ses amies, vers 1895. La femme élégante de la fin du XIXe siècle porte le chapeau à aigrettes, à plumes ou à rubans et le manteau à col et manchon de fourrure, souvent en mouton de Perse. Sur la deuxième rangée sont identifiées Maud Bridgitt Mary Paquette (1re) et Graziella Beaulne (3e), des amies vivant alors toutes deux à Waterloo, dans les Cantons-de-l'Est. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39, S11, SS2, D1, P3). Photographe non identifié.

Portrait de studio d'une jeune femme inconnue, entre 1909 et 1922. Habillée avec élégance pour une sortie par temps frais, la dame porte un chapeau à revers, des gants en peau de chevreau et un manteau sur lequel est posée une étole en fourrure de renard roux avec la tête. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Masson (P1001, S4, D1, P2). Photo : Thompson Brothers.

Cécile Lauretta Masson, originaire de Danville, 1928. Cécile porte un manteau à col de fourrure et un chapeau cloche. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Masson (P1001, S3, D5, P2). Photo prise dans une cabine photographique.

Delphine Bégin et Marie Fortier vêtues de longs manteaux de fourrure aux cols relevés et de manchons assortis, avant 1941. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Sylvio Lacharité (P3). Photographe non identifié.

Dame inconnue au manteau et toque de fourrure, vers 1943. Ce magnifique portrait est capté par un simple photomaton. Le sujet offre, tout à la fois, un regard de braise et un air inaccessible. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Jacques Darche (P5, S1, SS3, D1, P180). Photo prise dans une cabine photographique.

Madeleine Bédard, vers 1945. Madeleine Bédard, en manteau léopard et les mains enfouies dans un sac-manchon, prend la pose, rue Murray, avec l'arrière de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul comme arrière-plan. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Jacques Darche (P5, S1, SS3, D1, P242). Photographe non identifié.

Mode masculine

Jusqu'en 1900, les manteaux en loutre ou en castor sont en vogue dans les milieux urbains, où ils symbolisent la réussite sociale. Les hommes adoptent également le rat musqué, parfois rasé ou teint, ainsi que le chat sauvage.

Après 1900, les manteaux de fourrure continuent d'être populaires, mais la mode évolue et les types de fourrures changent. Bien que les fourrures de castor et de loutre restent associées à la réussite sociale, d'autres fourrures comme le vison, le renard et la martre gagnent en popularité. Certains possèdent de longs manteaux épais, inspirés de l'aristocratie européenne, une tendance qui finit par gagner aussi la mode féminine.

Souvent lourd à porter, le manteau de fourrure est particulièrement apprécié pour son incroyable capacité à conserver la chaleur, permettant de braver les rigoureux hivers québécois. Au manteau s'ajoutent souvent les mitaines et les chapeaux de fourrure, avec ou sans la queue ou la tête de l'animal.

Homme inconnu portant un manteau décoré de fourrure au niveau du collet et des manches, vers 1896. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39). Photo : E. A. Poulin.

 

Sept hommes profitent de l'hiver, vêtus de manteaux et de chapeaux en fourrure, vers 1897. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Johns-Manville Canada Inc. (P56, S1, SS1, D1, P521). Photographe non identifié.

Mode junior

Les enfants portent généralement des vêtements similaires à ceux de leurs parents, souvent confectionnés à partir des chutes de tissus utilisés pour leurs habits. Il n'est pas rare de voir les enfants d'une même famille vêtus de la même manière, surtout le dimanche et lors des fêtes. Les manteaux en fourrure conçus pour les plus jeunes allient praticité et esthétisme. Ainsi, la fourrure n'est pas réservée aux adultes.

Irène Lacharité avec manteau rehaussé de fourrure blanche, 1936. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Sylvio Lacharité (P3). Photographe non identifié.

 

 

Pierre Lippé et sa petite soeur Francine Lippé couchée et emmaillotée dans une peau de mouton sur un traîneau, 1943. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39, S7, SS3, D4). Photographe non identifié. 

Le petit Saint-Jean-Baptiste, vers 1945. Le garçon est habillé d'une laine de mouton pour symboliser Jean le Baptiste, patron des bergers, qui désigna Jésus comme « l'Agneau de Dieu » dans la tradition chrétienne. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Louis Devost (P65). Photographe non identifié.

La transformation de l'industrie

Un groupe de gens sur une galerie à Lac-Mégantic, avec de jolis chapeaux, manteaux et manchons en fourrure, dans les années 1910. Le dernier à droite dans la deuxième rangée : De Lourdes Lippé. Le dernier à droite dans la troisième rangée : le vicaire L.-A.-O. Huard. Archives nationales à Sherbrooke, fonds famille Lippé (P39, S4, SS1, D3, P4). Photographe non identifié.

Comme on le constate, toute la famille porte de la fourrure et l'apprécie. Toutefois, à partir des années 1980, l'industrie de la fourrure connaît un déclin progressif. La prise de conscience écologique, portée par des campagnes de sensibilisation d'organismes comme Greenpeace, pousse de nombreux consommateurs à revoir leurs choix. Parallèlement, les matières synthétiques gagnent en popularité, perçues comme plus éthiques.

Le boycottage croissant de la fourrure rend son port plus controversé, mais l'industrie s'adapte. Plutôt que de disparaître, elle se réinvente à travers le recyclage. Des entreprises spécialisées transforment désormais les fourrures en coussins, sacs à main, porte-clés, pompons pour tuques et autres accessoires.

La fourrure demeure un élément important du patrimoine québécois. Historiquement au cœur du développement économique et des échanges commerciaux, elle représente un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération. Aujourd'hui, son recyclage permet de préserver cet héritage tout en répondant aux préoccupations environnementales modernes. Le Québec allie tradition et innovation, perpétuant ainsi une industrie qui fait partie de son identité culturelle.

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Archives nationales à Sherbrooke

225, rue Frontenac, bureau 401
819 820-3010, poste 6330
archives.sherbrooke@banq.qc.ca

Sources

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