Je lis
régulièrement le sociologue, le chroniqueur et l'essayiste Mathieu Bock-Côté.
Sociologue de formation, il représente pour moi l'exemple le plus achevé, ce
que j'abhorre le plus en matière de discours politique nationaliste. Pour moi,
MBC comme il aime se faire appeler, est une sorte de chevalier de
l'indépendance qui se permet toutes les outrances pour convaincre son
auditoire. Maniant les mots et les concepts avec brio, Mathieu Bock-Côté
n'hésite jamais à pourfendre les fédéralistes et la gauche les accusant de tous
les maux. Il est particulièrement allergique aux wokismes. Il ne faut donc pas
s'étonner de sa prestation à TLMP où il a eu le champ libre pour nous livrer
ses inepties.
Le
nouvel essai de Bock Côté : Les deux occidents
Dans Les Deux Occidents,
Mathieu Bock-Côté propose une exploration incisive des réalités culturelles et
politiques qui définissent l'Occident contemporain. L'essai se structure autour
de l'idée qu'il existe deux conceptions de l'Occident : la première, fondée sur
des valeurs traditionnelles, l'identité nationale et la cohésion sociale, la
seconde, qui promeut une vision progressiste, multiculturaliste et souvent
individualiste.
Bock-Côté entame
son argumentation en retraçant l'histoire des idéaux européens et nord-américains,
soulignant comment les principes fondateurs de liberté, d'égalité et de
fraternité ont évolué au fil des siècles. Il met en avant l'impact des
mouvements sociaux et des changements démographiques qui ont façonné ces deux
visions opposées de l'Occident.
L'auteur examine
ensuite les tensions qui émergent de ce phénomène, notamment par le prisme des
politiques d'immigration, des débats sur l'identité nationale et des mouvements
identitaires. Selon lui, la montée de l'individualisme et du multiculturalisme
menace de fragmenter les sociétés occidentales, érodant les valeurs communes
qui ont historiquement uni les peuples.
Bock-Côté propose
que, devant ces défis, un retour à une conception plus intégratrice de
l'Occident est nécessaire ainsi qu'une reconquête des fondations culturelles
qui ont permis à ces sociétés de prospérer. Il appelle ainsi à un réexamen des
valeurs et des traditions qui ont façonné l'identité occidentale, tout en
plaidant pour une intégration des nouveaux arrivants dans un cadre respectueux
des coutumes et de l'histoire des pays d'accueil.
L'essai de Mathieu
Bock-Côté est richissime en idées et en réflexion, mais il n'est pas exempt de
critiques. D'un côté, il réussit à mettre en lumière des enjeux sociopolitiques
d'actualité, en exprimant une inquiétude légitime devant la fragmentation des sociétés
occidentales. Son analyse des impacts des politiques multiculturelles sur la
cohésion sociale mérite d'être discutée, et son appel à une redéfinition de
l'identité occidentale suscite un débat nécessaire dans un contexte marqué par
des tensions identitaires croissantes.
Cependant, certains
aspects de son argumentation peuvent être jugés réducteurs. Par exemple,
Bock-Côté semble parfois établir une dichotomie trop nette entre deux
Occidents, ignorant les nuances qui existent au sein de chaque vision. Cette
tendance à simplifier des positions complexes en deux catégories peut mener à
une polarisation du débat, ce qui ne rend pas justice à la réalité vécue par
les citoyens au quotidien.
De plus, l'auteur
peut donner l'impression de se positionner principalement du côté d'une vision
conservatrice, ce qui peut affecter la manière dont son argumentation est
perçue. Certains pourraient y voir une nostalgie pour un passé idéalisé, là où
les tensions raciales, sociales et culturelles étaient tout aussi présentes,
mais moins mises en avant dans le débat public.
Enfin, la manière
dont Bock-Côté aborde le multiculturalisme peut sembler parfois trop critique.
Il faut reconnaître que la diversité culturelle, lorsqu'elle est bien intégrée,
peut enrichir une société et contribuer à sa vitalité plutôt que de la
fragmenter. L'idée d'un retour à une identité nationale forte est séduisante,
mais elle doit également reconnaître la réalité des sociétés plurielles et les
bénéfices qu'elles peuvent en apporter.
En somme, Les Deux
Occidents de Mathieu Bock-Côté est un essai stimulant qui pose des questions
essentielles sur l'identité et les valeurs des sociétés occidentales
contemporaines. Bien qu'il mette en lumière des enjeux importants, il manque
parfois de nuances dans son traitement des idées qu'il présente. Ce texte tombé
dans des généralisations simplistes est un texte représentatif d'un discours
illibéral et nationaliste.
La
rhétorique nationaliste de MBC
Dans le paysage
politique et social contemporain, la montée des discours nationalistes et
illibéraux soulève de nombreuses questions quant aux implications de ces
narrations sur la démocratie, l'identité nationale et les relations
interethniques. Parmi les figures de proue de ce mouvement en France et au
Canada francophone, Mathieu Bock-Côté se distingue par une rhétorique qui
alimente l'ascension d'une pensée nationaliste et illibérale.
Le nationalisme
peut être défini comme un mouvement idéologique visant à la promotion des
intérêts d'une nation, souvent en s'appuyant sur des éléments tels que la
culture, l'histoire et la langue.
Le nationalisme
moderne tend à se radicaliser, se nourrissant des peurs contemporaines, telles
que la mondialisation et l'immigration. Bock-Côté, dans ses discours et ses
écrits, incarne cette tendance en prônant une vision d'une identité nationale
homogène et excluante. Bock-Côté évoque souvent la nécessité de préserver une
« identité nationale » devant ce qu'il perçoit comme une menace d'hybridation
culturelle. Il utilise fréquemment des exemples de l'immigration pour souligner
la peur d'un déclin culturel, blâmant souvent les politiques multiculturelles
qu'il juge incapables de maintenir la cohésion sociale. Sa vision se transforme
souvent en une critique acerbe des mouvements sociaux contemporains, notamment
ceux qui plaident pour l'égalité raciale et l'inclusion. En ce sens, il se
positionne comme un défenseur de valeurs qu'il estime menacées par l'activisme
progressiste. Il donne allégrement dans l'illibéralisme. Dans des chroniques
antérieures, j'ai eu l'occasion de discuter ce concept. Rappelons-en
l'essentiel : l'illibéralisme se manifeste par une érosion des valeurs
libérales fondamentales, telles que la séparation des pouvoirs, la liberté
d'expression et les droits de l'homme. Il inclut une méfiance envers les
institutions démocratiques et une tendance à restreindre les libertés au nom
d'une prétendue volonté populaire.
La rhétorique de
Bock-Côté se nourrit d'idées illibérales, car elle revendique une forme de
démocratie qui exclut ceux qui ne partagent pas sa vision d'une nation
« pure ». Bock-Côté utilise une stratégie de manipulation pour influer sur
l'opinion publique, en faisant appel à des sentiments nationalistes qui justifient
les atteintes à la liberté d'expression et à la diversité d'opinion. Il va même
jusqu'à utiliser l'approche du racisme inversé « pro blanc ». Le terme
« racisme inversé » désigne l'idée que les personnes blanches subissent une
forme de discrimination du fait de leur race. Bock-Côté est souvent critiqué
pour son insistance sur ce concept, qu'il utilise pour minimiser les luttes des
minorités.
L'illusion de
« racisme inversé » s'inscrit dans un discours qui ignore les mécanismes de
privilège. Bock-Côté remet en question l'idée que les blancs puissent
bénéficier d'un traitement favorable dans la société, insinuant que les
politiques d'égalité constituent une forme d'injustice. Dans ses discours,
Bock-Côté met en avant la prétendue victimisation des blancs, créant ainsi un
faux récit qui justifie une défense agressive des intérêts « blancs ». Dans ses
mots, pourquoi refuse-t-on aux Québécois français blancs le droit de dire la
discrimination qu'ils vivent au sein du goulag canadien ? Ce type de rhétorique
peut exacerber les tensions raciales et rendre plus difficile le dialogue entre
les communautés. En posant les blancs en victimes, il détourne l'attention des
injustices subies par les minorités raciales.
La rhétorique
nationaliste et illibérale favorisée par Bock-Côté contribue à une polarisation
accrue de la société, où les délibérations politiques sont souvent perçues
comme des batailles culturelles. La lutte pour l'identité nationale, telle que
décrite par Bock-Côté, envenime le débat public, fragmentant davantage le tissu
social et diminuant la capacité à atteindre un consensus. L'urgence de
préserver une identité nationale homogène peut conduire à des politiques qui
sapent les fondements mêmes d'une démocratie libérale, y compris la diversité
des opinions et l'inclusion.
Enfin, la
rhétorique de Bock-Côté s'inscrit dans un contexte plus large de montée du
populisme, où des discours simplistes parviennent à séduire des électorats en
désarroi au détriment du débat rationnel et éclairé.
Se
méfier de Don Quichotte
On se rappelle que
Don Quichotte, un chef-d'œuvre de la littérature, raconte l'histoire du
gentilhomme Hidalgo de la Manche qui avait choisi le nom de Don Quichotte pour
vivre une vie de chevalier errant afin de parcourir le monde pour défendre la
veuve et l'orphelin et pour purger la terre de tous les monstres qui
l'infestent. La rhétorique nationaliste de Mathieu Bock-Côté en fait un
chevalier sans peur et sans reproche qui s'inscrit dans un cadre plus large
d'illibéralisme et de tensions raciales croissantes. Son discours, qui valorise
une vision d'une identité nationale pure et qui ignore les luttes des
minorités, non seulement fracture le débat public, mais menace également les
principes démocratiques fondamentaux. En alimentant une idéologie de « racisme
inversé » qui promeut une inégalité déguisée en défense des intérêts blancs,
Bock-Côté contribue à aggraver les divisions sociales au Québec. Il veut
défendre le pauvre blanc québécois français pour purger la terre du libéralisme
et du fédéralisme. Il est donc le Don Quichotte de l'indépendance...