Qui a dit que la littérature, ça ne sert à rien ? L'affaire
de pelleteux de nuages inutiles,
d'embouteilleurs de vide ambiant et d'idéalistes à la poursuite de chimères.
Bien souvent, les sciences molles n'ont pas la cote auprès d'un grand public et
des élites. On y préfère de loin les ingénieurs, les mathématiciens, les
physiciens, les chimistes. Les sciences dures en un mot. Pourtant, parfois, au
hasard d'une lecture, on peut réfléchir le monde à partir de la littérature.
Cela vient de m'arriver à la fin de la lecture du livre Dernières nouvelles de
Rome et de l'existence du romancier Jean Le Gall, publié chez Gallimard en mai
dernier. Un roman exceptionnel qui permet de voir les ombres du pessimisme en
politique avec comme arrière-fond l'Italie contemporaine avec ses groupes
polarisés de droite et de gauche. À la sortie de la lecture de ce roman de Le
Gall, je peux affirmer que le Québec contemporain fait bel et bien partie du
monde planétaire et on ne fait pas exception.
La littérature et
notre compréhension du monde
La littérature, et en particulier le roman, constitue un
miroir fidèle de la société. Au moyen des intrigues, des personnages et des
univers fictifs, les romans permettent aux lecteurs d'explorer des thèmes profonds
et des problématiques contemporaines, tout en stimulant la réflexion sur le
monde qui nous entoure. Les romans ont toujours été une source précieuse pour
comprendre les dynamiques sociales. Des auteurs comme Victor Hugo, avec Les
Misérables, ou Émile Zola, par ses œuvres naturalistes, offrent une critique
aiguisée de la condition humaine et des inégalités sociales. Ces récits servent
à mettre en lumière les injustices et les luttes des individus devant des
structures sociales oppressives.
Les romans incitent également les lecteurs à s'interroger
sur leurs propres croyances et leurs valeurs. En se plongeant dans l'esprit des
personnages, les lecteurs peuvent éprouver des émotions variées et envisager
des perspectives inédites. Par exemple, 1984 de George Orwell invite à
réfléchir sur le totalitarisme, la surveillance et la manipulation de la
vérité. Ce roman, bien que fictif, pousse les lecteurs à comparer les dérives
de la société décrites avec leur propre réalité, éveillant ainsi un sentiment
d'alerte et de vigilance.
En outre, des œuvres comme La Peste d'Albert Camus
encouragent une réflexion sur l'absurdité de la condition humaine et les
réponses éthiques que l'on peut y apporter. La fiction devient alors un moyen
pour le lecteur de contempler des dilemmes moraux complexes et de se
questionner sur son propre rôle dans le monde.
En somme, les romans constituent un puissant outil pour
réfléchir. La fiction, loin d'être un simple divertissement, est une invitation
à réfléchir profondément sur notre humanité et sur les défis collectifs
auxquels nous sommes confrontés.
Le roman de Le Gall
Dans son roman Dernières nouvelles de Rome et de
l'existence, Le Gall transcende le simple récit pour explorer les dimensions
sombres et complexes de notre rapport à la politique, à l'existence même. Son
œuvre se présente non seulement comme une critique aiguisée de notre société,
mais également comme un miroir où se reflète le pessimisme ambiant qui habite
de nombreux citoyens devant les enjeux politiques actuels.
La première impression qui se dégage de la lecture de Le
Gall est celle d'un profond malaise. L'identité, la culture et les valeurs sont
mises à rude épreuve par des circonstances sociopolitiques de plus en plus
floues et de plus en plus incertaines. En évoquant le contexte politique dans
lequel évoluent ses personnages, Le Gall met en lumière une logique implacable
: plus les gouvernants s'éloignent des préoccupations des citoyens, plus ces
derniers sombrent dans le désespoir et l'incompréhension.
Ce détachement du pouvoir a des effets dévastateurs sur la
confiance populaire, et il ne faut pas être grand clerc pour voir que cette
thématique trouve un écho dans les mouvements sociaux qui secouent le monde
entier aujourd'hui.
Des personnages désabusés, des électeurs qui choisissent de
ne plus s'intéresser aux élections. Pire encore, ils votent pour des populistes
dans l'espoir d'un changement radical. Tout cela apparaît comme une scène de
théâtre où se produisent de tristes avatars d'un système qui a échoué à
stimuler des réflexions constructives.
Le cas du Québec
La situation politique du Québec, à l'heure actuelle, semble
plus que jamais marquée par un climat de pessimisme. À l'instar des réflexions
de Jean Le Gall dans son roman, cette atmosphère pesante n'est pas simplement
le reflet d'une conjoncture passagère, mais d'une dynamique profondément ancrée
dans le paysage sociopolitique.
Les incertitudes quant à l'avenir du Québec au sein du
Canada, les scandales comme celui de la SAAQ, nos échecs, comme dans Lion
électrique et Northvolt, la crise du logement, l'inflation et l'absence de
réponses simples à des problèmes complexes sont la toile de fond de notre
pessimisme et ils alimentent les populismes de toute nature. Nous en venons à
ne plus croire au véhicule de la politique pour assurer notre avenir. Voilà le
sujet du roman de Le Gall. En appliquant la grille de lecture offerte par Le
Gall, nous pouvons mieux comprendre les défis auxquels nous faisons face et
envisager des pistes d'espoir pour l'avenir. Nous pouvons aisément voir dans la
politique québécoise contemporaine les signes d'un pessimisme ambiant. Les
citoyens semblent de plus en plus désillusionnés face à des gouvernements qui,
malgré les promesses, peinent à répondre aux préoccupations réelles de la
population. Nous assistons régulièrement à une divergence entre les discours
des politiciens et les réalités vécues par le commun des mortels. Cet
éloignement génère un sentiment d'abandon chez les électeurs, où les décisions
semblent prises sans égard au bien commun, ami devenu un cliché illustrant le
décalage entre le pouvoir et le peuple.
Le récent débat sur des enjeux tels que la santé,
l'éducation et la crise climatique témoigne de cette déconnexion. Les
gouvernements semblent souvent plus préoccupés par leur image publique que par
des solutions concrètes. Ce cynisme ambiant fragilise davantage la confiance
envers les institutions, ouvrant la porte à un pessimisme qui devient presque
systématique.
Cela se manifeste également par une montée des populistes,
où certains politiciens exploitent la peur pour construire leur discours. Cette
stratégie s'enracine dans un terreau désespéré nourri par l'angoisse économique
et les inégalités croissantes. Les électeurs, déçus par l'élite politique, se
tournent vers des alternatives radicales, dans l'espoir d'un changement rapide
et significatif, même si le prix à payer pourrait être l'augmentation de la
division sociale.
Le Gall nous invite à
réfléchir...
Il est temps que les citoyens prennent conscience de leur
pouvoir. Si un grand nombre d'entre eux expriment un faible intérêt pour la
politique, il reste des milliers d'autres qui aspirent à un changement. La clé
réside sans doute dans cette capacité à transformer le pessimisme en une force
motivante, un catalyseur pour revigorer le débat politique. Cela commence par
des discussions constructives, un retour à des forums où les opinions
divergent, mais où le respect et la volonté d'avancer ensemble prévalent.
Dans ce contexte morose, une renaissance est non seulement
souhaitable, mais réalisable. Les observateurs politiques, à l'image de Jean Le
Gall, nous invitent à envisager un avenir où le pessimisme n'est plus un
obstacle, mais un élément stimulant pour le débat démocratique. Les mouvements
sociaux qui cycliquement émergent - que ce soit pour davantage de justice
sociale, pour la lutte contre le changement climatique ou pour l'égalité entre
les genres - témoignent d'un désir collectif de changement.
En fait, ces mouvements peuvent servir de remparts contre
l'apathie, en redonnant un sens d'urgence et de pertinence à la politique. Les
citoyens, en s'organisant collectivement, peuvent faire entendre leur voix et
influer sur les décisions politiques, rendant ainsi le pessimisme réducteur
désuet. Les jeunes générations, en particulier, semblent prêtes à défier les
normes établies et à promouvoir des solutions innovantes et inclusives, bien
qu'elles soient souvent confrontées à un système qui semble infléchi contre
elles.
Dans ce contexte, il est impératif de garder l'esprit
critique et de dépasser les schémas traditionnels de pensée. L'appel de Le Gall
nous pousse à envisager un monde où le pessimisme, plutôt que d'être un verrou,
devient un levier pour la transformation. À l'image des personnages de Le Gall,
qui doivent faire face à l'adversité tout en cherchant des pistes de repli, le
Québec, dans toute sa diversité, doit également trouver la force de se
redresser. En redéfinissant notre rapport à la politique et en remettant
l'ambition humaine au cœur des débats, nous pouvons ensemble transformer les
ombres du pessimisme en éclairages d'un avenir prometteur. La question demeure
: serons-nous capables d'opérer ce changement ? Il est temps de choisir. Sans
choix, nous nous retrouverons devant un impossible rêve...