Cette chronique n'est ni pro ni anti CAQ.
Elle est simplement dubitative. Où s'en va la CAQ ? Où s'en
va-t-on, nous, au fait ?
Comme vous, je jette un regard relativement attentif à la
commission d'enquête sur ce qui est un scandale : les dépassements de coûts de
SAAQClic. Je dis relativement attentif parce que, jusqu'à un certain point, je
dois regarder ailleurs pour ne pas tomber dans un cynisme total.
C'est comme un gâteau à étages, cette affaire-là. Je sentais
un minimum de pertinence dans les témoignages dans les premiers étages du
gâteau. Les employés de la SAAQ qui ont déployé les preuves de gestes posés
pour lancer des alertes. Jusque-là, ça allait.
Plus les étages s'empilent dans la hiérarchie du gâteau et
plus la technocratie gagne du terrain. Les dirigeants disent se fier à des
indicateurs qu'ils recevaient et qui étaient au beau fixe. Leur tableau de bord
ne lançait rien d'inquiétant nulle part.
La gestion contemporaine plaide pour la multiplication des
indicateurs et la complexification des tableaux de bord. Mais elle plaide aussi
pour une gestion carrément détachée du plancher des vaches, pour emprunter
l'expression populaire. C'est à croire qu'aucun indicateur ne venait prendre la
mesure des sommes engagées et dépensées. À peine des questions du bout des
lèvres, justes pour dire qu'on a posé des questions... Le problème, c'est que
plus les étages montent et plus, on s'approche des dirigeants et des ministres,
et moins les gens concernés se souviennent de quoi que ce soit.
« Sauvez-vous vous-même ! » semble le mode de
fonctionnement.
Et après ça, M. Legault souhaite se reconnecter avec la
population.
Retour en arrière
Je me souviens qu'en 1973, alors que j'avais 12 ans, est
survenue une chose marquante dans mon imaginaire d'ado ayant un intérêt pour la
politique.
Robert Bourassa était au pouvoir et avait déclenché des
élections anticipées cette année-là. En poste depuis 1970, l'année de la crise
d'Octobre, Bourassa mettait en place le projet de la Baie James. Il tente le
tout pour le tout et déclare des élections pour raffermir sa position
électorale. Il gagne sur toute la ligne ! 102 députés élus sur 110. Bien que
passant de 7 à 6 députés, le parti Québécois reçoit un vote sur trois au
Québec. Le jeu des sièges des députés élus ne reflète pas le pourcentage des
votes reçus. C'est rarement le cas, d'ailleurs.
Mais la Chambre est résolument acquise au parti Libéral.
Pourquoi ce retour en arrière ?
Parce que je trouve que la situation de la CAQ est un peu
semblable. Le gouvernement de François Legault a vécu et traversé l'épreuve de
la Covid avec une approbation populaire assez bonne. Cette approbation se
conjuguait avec une déroute des Libéraux, une instabilité chez Québec Solidaire
et sur un Parti Québécois qui se reconstruisait.
Voilà qu'en 2022, la CAQ est réélue avec une très écrasante
majorité de sièges.
Mon constat est le suivant : deux des gouvernements ayant la
grande majorité des sièges à l'Assemblée nationale ont complètement perdu les
pédales !
En 1976, Robert Bourassa s'est senti obligé de déclencher
des élections après seulement 3 ans au pouvoir et il a perdu son pari le 15
novembre, cette année-là.
Le gouvernement Legault a annoncé, en début d'été, un
remaniement à l'automne. C'est assez long pour semer la zizanie et
l'incertitude. Mais on ne le sent pas du tout en contrôle.
Quoi retenir de tout ça ?
Que la démocratie a besoin de s'exprimer pendant quatre ans.
Pas aux quatre ans. Qu'une opposition solide est nécessaire pour garder tout le
monde sur le bout des pieds. Et surtout qu'une trop grande majorité entraîne une
perte de concentration sur les enjeux réels.
J'ai hâte de voir la suite.
Et j'ai hâte de voir comment on fera pour éviter le piège de
devenir des cyniques chroniques.
Clin d'œil de la
semaine
« J'annonce le renouveau des renouveaux ! Une dynamique
nouvelle qui renversera la vapeur. Un remaniement ministériel qui viendra
effectuer en moins d'un an ce qui n'a pas été fait dans les sept dernières
années !
Ah ! Oui, j'oubliais, tout est nouveau, sauf les joueurs sur
la glace...