Stéphane Venne a commis le texte de la chanson. La
magnifique Renée Claude lui a donné vie. Pas à Venne, mais bien au texte !
Il s'en est passé des choses depuis 1970. Je décortique ici
la chanson.
On part...
C'est le début d'un
temps nouveau
La terre est à
l'année zéro
1970. On sort de la Révolution tranquille. Avec les grands
gestes malhabiles et surdimensionnés qu'on fait pour se dépêtrer des fils
d'araignée qui semblent nous entourer la tête quand on les croise en marchant,
les gens se libèrent. La lumière luit au bout du tunnel.
Tout est possible. Liberté n'était pas encore une marque de
yogourt, dirait l'autre.
La moitié des gens
n'ont pas 30 ans
Les femmes font
l'amour librement
Effectivement, en 1970, j'avais 9 ans. L'âge médian était
d'un peu plus de 25 ans. L'avenir était à nous. En 2021, l'âge médian était de
45 ans.
L'amour libre
s'affichait de plus en plus. Plus besoin de se marier pour penser caresser un
ou une partenaire. Les plus fervents croyants dénonceront la chose, évidemment.
Au début des années 1980, plusieurs prétendront même que le SIDA est une
punition de Dieu pour manquement grave à un enseignement divin.
C'est pratique, la religion, pour rendre les situations
complexes bien plus simples.
Les hommes ne
travaillent presque plus
Le bonheur est la
seule vertu
Vers les années 1979-1980, j'écoutais, dans ma rutilante
Honda Civic 1976, des reportages de sociologues et penseurs qui prédisaient une
société de loisirs. Une société où la recherche de sens prendrait effet dans le
déploiement du train-train quotidien de personnes ayant beaucoup de temps
libres.
« Ah! Bon? », Que je me disais alors, plus interrogatif
qu'affirmatif.
La performance s'est imposée encore plus dans les années
subséquentes, au point de rendre le burn-out à la mode.
Les couleurs se
mêlent sur la peau
C'est le début d'un
temps nouveau
J'imagine qu'il s'agit de l'ouverture au vaste monde
matérialisé par l'Expo 1967. Une société de loisirs dans laquelle la couleur de
la peau ne serait qu'une caractéristique comme une autre, sans enjeux, sans
racisme, sans crainte de la différence.
Au fond, on se disait que tout le monde convergerait vers
nous et vivrait exactement comme nous. Ou que rien ne nous dérangerait. C'est
selon.
On commence à se
parler d'un poème
On commence à parler
doucement
À se dire je t'aime
sur je t'aime
Et ça donne les plus
beaux enfants
Et ça donne les plus
beaux enfants
Et ça donne les plus
beaux enfants
Répéter la phrase 3 fois, c'est déjà 1.5 fois de trop! Les
plus beaux enfants, peut-être. Mais pas plus de 1.5 par famille en moyenne.
On connaît les
détours du tour du monde
On a des yeux de
cinérama
Nos âmes sont
devenues des ballons-sondes
Et l'infini ne nous
effraie pas
Le rêve d'un monde global où toutes et tous se comprennent.
Où personne ne cherche à imposer sa façon de penser ou de voir.
Un monde où personne n'a quoi que ce soit à craindre.
Le bonheur est la
seule vertu
Le Larousse définit la vertu comme ceci : Disposition
spirituelle à agir avec persévérance en accord avec la loi divine.
Le bonheur était notre nouveau dieu. Que pouvait-il arriver?
J'arrête ici et je me demande simplement : mais qu'est-ce
qui est arrivé?
La société de loisirs n'est pas là. La pression de
performance éclipse la plupart des loisirs qui, eux, coûtent assez cher
l'unité!
C'est l'économie qui est la seule vertu, de nos jours. Les
bien petits pas qu'on avait réussi à imprimer sur le sable de la plage
environnement s'effacent maintenant au rythme de nos reculs au nom de
l'économie. Parce qu'une économie qui marche, c'est le bonheur qui est présent
chaque jour. D'ailleurs, on en vient à mesurer le bonheur à grands coups
d'indicateurs prenant place sur un tableau statistique. Quoi de plus crédible?
Les couleurs de la peau nous ont rappelé que l'humain est
bien petit dans beaucoup de ses réactions. Qu'on vit très bien avec les
différences entre les humains... quand il n'y a pas de différences!
Se loger est en train de passer d'un droit à un privilège.
Alors, où en est ce début d'un temps nouveau qui promettait
le paradis avant la fin de nos jours?
Et que faut-il faire? Revenir en arrière? Revenir à une
place rigide de la religion qui dicte nos actions? Un mouvement se dessine en
ce sens de plus en plus chez les Québécois dits de souche. Le papa sort et
rapporte l'argent à la maison et la maman prend soin de ses petits et de son
mari dans l'esprit d'un Dieu aussi surveillant que bienveillant!
Le temps nouveau n'existe plus. Il n'aura duré que le temps
d'une chanson.
Mais des droits et libertés ont émergé. Il faut s'y
accrocher. Faire l'inverse serait reculer de façon importante. La société n'est
pas une formule magique. Une fois les droits et les libertés établis, c'est la
responsabilité partagée qui doit s'appliquer. Quand ça ira encore globalement
plus mal, on réagira. Ce sera la catastrophe, mais c'est là qu'on finit par
réagir collectivement, semble-t-il.
La chanson en titre de chronique en est une bonne. L'air
nous reste en tête. Faites le test!
Mais le début d'un temps nouveau n'est pas réalité. C'est un
rêve que je fais, éveillé.
Clin d'oeil de la
semaine
Décortiquer la chanson Agadou serait moins impliquant, je
pense...