La remarque est venue comme ça, en jasant de tout et de
rien.
« Non, mais pour vrai, depuis qu'on demeure dans notre
nouveau quartier, on découvre une nouvelle vie ! » Pis, pour vrai, on croise
deux parcs et il y a toujours beaucoup de monde. Un mélange de cultures
différentes s'y retrouve ! »
Je retiens trois choses de cet énoncé tout court.
D'abord, les mots « pour vrai » qui reviennent deux fois.
C'est une drôle d'habitude d'utiliser le « pour vrai » en débutant une phrase.
Comme pour signifier que cette fois-là, c'est important. Que ça compte vraiment.
Et non, ça ne veut pas dire que les phrases qui ne commencent pas par « pour
vrai » sont moins vraies !
Puis, le fait que déménager de quartier nous ouvre les yeux
à des réalités nouvelles. C'est ainsi. La personne qui me parlait vivait
presque qu'à la campagne, à une extrémité de la ville. La voilà maintenant au
cœur de l'action. De son propre aveu, ça fait drôle de côtoyer tant de monde.
J'ajoute, pour ne pas semer de confusion, que la remarque sur le nombre de
communautés culturelles n'était en rien négative. Un simple constat. Comme
quand on constate qu'il fait soleil.
Tout cela étant dit, la troisième chose que je retiens du
court énoncé est la plus importante à mes yeux.
Des gens de communautés culturelles diverses qui se
retrouvent au parc. En fait, des gens au parc...
Voici le chemin de ma
petite réflexion.
J'avais quatre ans quand mes parents ont déménagé notre
famille dans le quartier universitaire. Jusque-là, j'habitais sur la 7ᵉ avenue
Nord. Comme on n'avait pas de voiture et que papa travaillait à Hydro
Sherbrooke, le choix du quartier s'imposait.
C'était en 1965. Quand on parcourt le quartier, surtout la
partie entre les rues Galt ouest et de l'Université, on parle essentiellement
de bungalows tous bâtis sur le même modèle. Certaines variantes s'appliquent,
bien sûr, mais le développement de l'époque était fait comme ça.
Chacun son lot, comme on le disait, et chacun sa haie de
cèdres.
Dans les années 1970, je devais demander la permission à mes
parents pour aller jouer au parc le soir. Maman craignait le repère de « bums »
et voulait protéger son garçon ! Mais le
jour, on y allait pour se baigner, se balancer. Passer le temps. « Chiller »,
diraient les ados de maintenant.
Des fois, à la plage publique du parc Marin, on voyait des
gens à des tables à pique-nique pour prendre un verre et se rafraîchir un brin.
C'est plus tard, au tournant des années 1980, qu'il s'est
mis à pleuvoir des piscines et des aménagements de cour arrière plus complets
et sophistiqués. Aller au parc devenait bien accessoire. Il y avait des petits
parcs privés à toutes les deux ou trois maisons, alors !
Le chacun son lot, chacun sa haie de cèdres venait de
s'enrichir de chacun sa piscine et chacun des jeux dans la cour.
L'urbanisme du temps déroulait les terrains comme on déroule
un tapis. Un modèle de société se forgeait.
Un modèle dans lequel les moins bien nantis utilisaient les
parcs en famille.
Les gens dans les
parcs et l'urbanisme
Le fait de ne pas aller dans les parcs s'est incrusté en
nous comme un élément culturel. Le chacun-pour-soi a gagné en importance.
Tout cela pour arriver à ma réflexion par rapport au constat
de mon interlocutrice. Je me dis que c'est peut-être, justement, une question
de culture que de sortir pique-niquer dans les parcs menés les jours de
semaine.
Des gens qui s'installent dans un parc, c'est une
démonstration de collectivité. Une preuve qu'on n'est pas seul sur son île
entourée de cèdres !
Si c'est le cas et qu'il y a une influence culturelle dans
cette vision des choses, pourquoi ne pas se laisser influencer en route ?
Le problème de la différence culturelle, c'est qu'elle peut
faire peur un peu. La magie de cette différence, c'est que dès qu'on établit un
vrai contact, la peur s'estompe et les rires s'installent généralement.
Souvent, c'est simple de même.
J'espère qu'on en tiendra compte dans la réflexion
qu'effectuent les employés et les élus municipaux sur le déploiement
urbanistique. Plutôt que de céder aux grandes tendances des grands marchés,
pourquoi ne pas dessiner une ville plus interactive ?
Après tout, le modèle de développement urbain a une
influence sociale majeure.
Et re-après tout (!), c'est en voulant suivre les tendances
qu'on a polarisé les zones commerciales, forçant ainsi l'usage de l'automobile
pour faire quoi que ce soit. Pas optimal, à mon oeil !
Bon. Il fait chaud. On va au parc?
Clin d'œil de la
semaine
Trump a bombardé l'Iran et a remercié Dieu en
conférence de presse. Je ne crois pas que celui-ci ait daigné répondre...