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Québec-Canada 2019 (2e partie)


De nos jours, comment peut-on penser le Canada sans y inclure les nations autochtones, les Acadiens et les Québécois?
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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 26 juin 2019

Nous venons de vivre les festivités de la Fête nationale du Québec alors que nous serons bientôt dans celles de la fête du Canada. Pour certains de mes amis, cela semble incongru, un pays avec deux fêtes nationales que les gens célèbrent à une semaine d'intervalle. Je leur réponds bienvenue au Canada. Pays complexe aux appartenances multiples, le Canada est notre pays. Le Québec est notre patrie et même pour plusieurs, notre pays. Deux appartenances, deux fidélités qui tout au long de notre histoire commune sont souvent entrées en collision et ont donné lieu à l'existence de récits différents de notre expérience du passé.

Se souvenir, se remémorer notre passé commun n'est pas chose aisée. Nous sommes des collectivités nationales enfermés dans la même maison. Qui plus est, il serait faux de croire que notre expérience commune du passé ne se traduit que par l'histoire de deux peuples fondateurs. Nous sommes passés d'un narratif binational à un récit plurinational. De nos jours, comment peut-on penser le Canada sans y inclure les nations autochtones, les Acadiens et les Québécois (les Québécois étant entendus comme tous les habitants du territoire du Québec adhérant à une culture majoritaire francophone ayant des institutions particulières comme le Code civil ?) À l'aube d'une élection fédérale et de la fête du Canada, c'est un moment privilégié pour réfléchir aux questions fondamentales que sont : D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Quelques réflexions existentielles sur le Québec et le Canada en 2019. Deuxième partie et fin.

Le Canada divisé

Si la semaine dernière, le qualifiais le Québec d'apaisé, ce n'est pas la même histoire pour le Canada qui n'a jamais été aussi divisé. Ce n'est pas parce qu'il y aura des élections cet automne que ce pays est aussi divisé, c'est pour beaucoup à cause d'un héritage de son passé non réglé avec les Premières nations. Nous en sommes aujourd'hui à nous accuser de génocide à leur endroit. Ce n'est pas rien. La question du Québec et de la nation canadienne-française demeure elle aussi en suspens dans les limbes politiques du refoulé canadien alors que les questions nouvelles de la lutte aux changements climatiques divisent le Canada entre l'est et l'ouest quand ce n'est pas aussi parmi les populations selon des clivages générationnels.

L'idéal d'un Canada postnational, phare de la civilisation, généreux et accueillant pour tous les démunis de la terre est confronté à des divisions plus prosaïques. S'il est vrai que le Canada a de belles et grandes qualités et que la vie y est bonne, il n'en demeure pas moins que sa manie de procrastiner devant les enjeux majeurs de son avenir va finir par le rattraper avec des conséquences néfastes qui pourraient bien avoir comme sanction à terme, l'éclatement de ce pays.
Sans me transformer en prophète de malheur, je constate tout comme vous que les démocraties occidentales sont toutes frappées du même mal. Le vouloir-vivre ensemble et les meilleures intentions du monde vivent les attaques répétées de celles et ceux qui prônent l'individualisme, la fragmentation selon le genre, les préférences sexuelles, les appartenances religieuses et ethniques. Nous semblons avoir de plus en plus de difficultés à faire société ensemble selon l'expression du sociologue Joseph-Yvon Thériault.

Ré-imaginer le Canada

Il m'apparaît important qu'il faille tous ensemble, Québécois, Canadiens, Acadiens et Premières nations, ré-imaginer le Canada pour faire une meilleure place à chacun et pour donner un sens à notre vie démocratique en ce 21e siècle. Toutes les démocraties libérales contemporaines sont traversées par une impressionnante diversité sous les vagues d'immigration successives, ce qui mène à une diversité ethnoculturelle toujours plus complexe. Cette situation qui ne fera que s'accentuer au cours des prochaines années nécessite que nous imaginions un nouveau modus operandi pour aménager cette gestion de la diversité et les conflits qui en émergeront. Au Canada, la tâche est à la fois plus facile et plus complexe.

Plus facile parce que ce n'est pas d'aujourd'hui que ce pays est une terre d'accueil et d'immigration. Nous avons un vécu expérientiel qui a permis d'ériger en valeur la tolérance. Cela devrait nous aider à traverser les défis qui se poseront à nous dans cet avenir où le métissage des populations est le seul avenir prévisible. Plus complexe parce que le Canada réunit déjà quelques communautés nationales historiques dont il a été incapable de reconnaitre les droits collectifs. Je pense ici aux Premières Nations, aux Acadiens, aux Québécois et aux minorités francophones. Manifestement, le Canada constitue un microcosme de l'avenir des sociétés occidentales, un laboratoire d'expérimentation qui pourrait être utile aux autres démocraties libérales s'il parvient à trouver des moyens pour réussir là où plusieurs ont échoué et échouent encore.

La France et les États-Unis ne sont pas tout à fait des exemples à suivre par les temps qui courent en ces matières. Un livre récent publié chez les Presses de l'Université Laval sous la direction de Félix Mathieu et Dave Guénette intitulé : Ré-imaginer le Canada. Vers un État multinational, offre d'intéressantes perspectives d'actions tout en réfléchissant à son passé récent. (Félix Mathieu et Dave Guénette, Ré-imaginer le Canada. Vers un État multinational, Québec, Presses de l'Université Laval, 2019, 417 p.)

Des occasions ratées

Il faut rappeler ici, sans vouloir être la mouche du coche, que le Canada a à son palmarès de nombreuses occasions ratées notamment celles héritées des années 1960 et des années d'après-guerre où la reconnaissance de la dualité canadienne était chose quasi acquise par tous les partis politiques fédéraux. Le statut particulier du NPD, les deux nations du chef du Parti progressiste-conservateur, Robert Stanfield qui faisait office de remplacement du One Canada, One Nation de son prédécesseur John Diefenbaker et du fédéralisme coopératif et de l'asymétrie du premier ministre libéral Lester B. Pearson.
Ce qui a changé la donne c'est l'arrivée de Pierre Elliott Trudeau en politique fédérale. Il a combattu avec toutes ses énergies le dualisme culturel du Canada ainsi que l'asymétrie du Parti libéral du Québec.

Tous ces efforts de réconciliation ont été anéantis par Pierre Elliott Trudeau qui a combattu avec toutes ses énergies le concept de dualité pour le remplacer par celui du bilinguisme anglais et français. Le caractère communautaire (nation canadienne-française) a cédé la place dans la pensée trudeauiste à celui du multiculturalisme et à une société de droits individuels personnifiés par l'adoption de la Charte des droits et libertés.

Cela s'est concrétisé par le rapatriement unilatéral de la constitution en 1982 sans l'accord du Québec qui a refusé de signer cette nouvelle constitution canadienne et qui ne l'a toujours pas signé. Pierre Elliott Trudeau ne s'est pas arrêté en si bon chemin puisque même à la retraite il a joué un rôle très actif dans le sabordement de l'accord du lac Meech qui reconnaissait le Québec comme société distincte. Il a aussi combattu une version édulcorée de cet accord en dénonçant avec succès l'accord de Charlottetown. Cela ne signifie pas que Pierre Elliott Trudeau a gagné son combat. Le résultat du référendum de 1995 où le Québec est venu à 50 000 voix près d'électeurs de quitter le pays est la preuve irréfutable de l'échec de Pierre Elliott Trudeau sur le plan constitutionnel.

Aujourd'hui, encore rien n'est réglé dans le dossier constitutionnel et il existe toujours une mince possibilité pour que l'on puisse un jour s'entendre sur une réforme constitutionnelle qui fera un meilleur sort aux revendications historiques du Québec et à celles des Premières nations. Ce n'est cependant pas au programme politique de la prochaine campagne électorale.

Quand même : Bonne Fête Canada...


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