Maintenant à l'affiche, le film Nelly met en lumière l'immense mal de vivre et l'esprit autodestructeur dans lequel était plongée l'auteure québécoise Nelly Arcan. EstriePlus s'est entretenu ce matin avec les comédiens et la réalisatrice Anne Émond, qui étaient de passage à Sherbrooke pour la première du film.
Nelly Arcan, née Isabelle Fortier. Une romancière talentueuse, profonde, sensible. Un être déchiré, tourmenté, égaré. Pour plusieurs, Nelly Arcan était le titre de ses bouquins; Putain, Folle. Facile de juger un livre (une personne) par sa couverture.
Nelly Arcan était complexe. Elle avait plusieurs facettes. C'est d'ailleurs ce qui a guidé la réalisatrice Anne Émond pour la structure du film Nelly. Le personnage, joué par Mylène Mackay, est divisé en cinq femmes. La fille, la prostituée, la junkie, l'amoureuse et l'auteure.
«C'est la recherche qui m'a guidée vers cette forme, explique Anne Émond. J'ai rencontré beaucoup de gens proches de Nelly pour qu'ils me parlent d'elle. Mais d'une personne à l'autre, le portrait qui m'était dressé d'elle était complètement différent. C'est comme si Nelly avait eu plusieurs vies. Et au fond, c'est vraie qu'elle a eu un parcours particulier; une femme qui a travaillé longtemps comme escorte et qui finit par publier dans une des plus grandes maisons d'édition française, c'est assez particulier et extravagant. »
Le fait de diviser l'histoire en cinq temps a permis à l'équipe d'avoir une plus grande liberté de création. «On n'avait pas à imiter Nelly Arcan dans le jeu. On a plutôt essayé de créer une œuvre et un personnage à partir de Nelly. Dans ce film, nous sommes au cœur des tourments de Nelly. Nous ne sommes pas en train de l'observer; nous sommes avec elle», précise Mme Émond.
D'ailleurs, lors des auditions, la réalisatrice ne cherchait pas nécessairement une comédienne au physique semblable à celui de Nelly. Mais après avoir auditionné une quarantaine d'actrices, son choix s'est arrêté sur Mylène Mackay. Cette jeune femme dans la vingtaine, peu connu du public, avait tout ce qu'Anne Émond recherchait, avec en prime un visage semblable à celui de la belle disparue.
Nelly, alias Mylène
Mylène Mackay avait 27 ans lors du tournage de Nelly (elle a 29 ans aujourd'hui). Bien avant cette opportunité au grand écran, la jeune femme connaissait et adorait l'œuvre de Nelly Arcan.
«J'ai eu un appel pour l'écriture d'Anne Émond, tout comme j'ai eu un appel très fort pour l'écriture de Nelly lorsque j'ai lu son premier roman, souligne l'actrice. J'ai toujours eu une admiration sans borne pour son écriture», souligne l'actrice.
Pour elle, pas question de passer à côté d'un si beau et grand rôle. «Je suis arrivée comme une bombe à l'audition. Je le voulais ce rôle!»
Et ce rôle, Mylène le campe à la perfection. Elle joue un texte violent, sombre et aux nombreuses facettes. Difficile, de jouer un rôle comme celui-ci? «Je suis hypersensible à tout et je suis quelqu'un d'assez intense dans la vie. Alors même si je n'ai pas vécu ce que Nelly a vécu, nos vies peuvent tout de même parfois se rapprocher. C'est une question d'abandon et de confiance. Faut dire que j'avais entièrement confiance en Anne.»
Anne Émond a rapidement saisi la force de Mylène. «Au-delà de son talent d'actrice, j'ai vraiment sentie qu'elle était forte. Il y a des scènes très dures, violentes et sexuelles. C'est difficile physiquement et mentalement, mais j'ai senti que Mylène était saine et qu'elle allait être capable d'aller dans ces zones-là. »
Nelly, la malheureuse
Si Nelly était obsédée par la beauté, ce n'est pas cet aspect qui retient le plus l'attention dans le film. «Dans ma première version de scénario, il y avait beaucoup de ça, explique Mme Émond. On la voyait entre autres chez son chirurgien et au gym. Mais je trouvais que ce n'était pas assez magique. On est au cinéma, et non pas dans un magazine à potins. Je ne tenais pas non plus à parler de choses qu'on savait déjà sur Nelly. Je tenais à prendre une autre approche.»
Le comédien Mickaël Gouin, qui interprète l'un des amants de Nelly, va aussi dans ce sens. «Le piège de beaucoup de biopics, c'est de voir des choses qu'on a déjà vues. On n'apprend rien de cette façon. Avec ce qu'Anne a fait, on apprend l'univers de Nelly et on découvre l'être humain derrière le personnage médiatique.»
Nelly Arcan s'est enlevée la vie en septembre 2009, à l'âge de 36 ans. Elle a écrit avant sa mort quatre romans, dont l'autofiction Putain, son premier roman (2001) qui l'a fait connaitre à travers tout le Québec et la France, particulièrement.
«Nelly est disparue, mais ses œuvres restent. Tout n'est pas fini. Il y a des milliers d'hommes et de femmes qui vont la lire. Je l'espère, du moins, car elle a laissé une marque », conclut Anne Émond.
