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Les mots qui blessent…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 28 mars 2018

La semaine dernière, lors d'une journée ensoleillée, ce qui est propice pour aller dehors et se voisiner, j'ai rencontré un gamin d'une dizaine d'années, il est en 6e année au primaire.

Après des salutations convenues, il m'a demandé ce que j'avais fait récemment. Je lui ai alors dit que j'avais assisté à un spectacle fantastique qui rendait hommage au poète anarchiste Léo Ferre. Il m'a demandé de lui dire ce que c'était un poète anarchiste. Bonne question me dis-je. Ma réponse fut la suivante : « c'est quelqu'un qui joue avec les mots, en fait de la musique pour chercher à faire des humains des êtres libres ». Réponse comme une autre.

Quelle ne fut pas ma surprise de l'entendre me dire : « moi je devais faire un exposé oral sur la démocratie et avec ma mère j'ai regardé une période de questions de l'Assemblée nationale. Les députés ne sont surement pas des poètes, ils se disent des gros mots et se chicanent toujours. » Exploration de l'univers des mots dans notre espace public politique.

Le poète Léo Ferré

Le spectacle du chorégraphe Paul-Pierre Savoie Corps, amour et anarchie qui veut rendre hommage à l'œuvre de Léo Ferré est un pur délice pour les yeux et les oreilles. Avec le concours des danseuses, danseurs, musiciennes, musiciens, chanteuses et chanteurs de grands talents, Pierre-Paul Savoie a concocté un spectacle de très grande qualité. En moins de deux heures, le spectateur est atteint par la poésie des mots de Ferré qui ne veut rien d'autre que de rendre la dignité à nous les humains et qu'à briser les chaînes qui nous empêchent d'être vraiment libres.

Ainsi en est-il des paroles d'Aragon mis en chanson par Ferré : « C'était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d'épaule Le pièce était-elle ou non drôle Moi si j'y tenais mal mon rôle C'était de n'y comprendre rien. »

Mieux encore, les paroles de la chanson de Ferré intitulée Les poètes : « Ce sont de drôl's de typ's qui regardent les fleurs Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme Ce sont de drôl's de typ's qui chantent le malheur Sur les pianos du cœur et les violons de l'âme Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes Que la littérature accrochera plus tard À leur spectre gelé au-dessus des poubelles Où remourront leurs vers comme un effet de l'Art lls marchent dans l'azur la tête dans les villes Et savent s'arrêter pour bénir les chevaux Ils marchent dans l'horreur la tête dans des îles Où n'abordent jamais les âmes des bourreaux. »

Les mots de Léo Ferré nous font du bien. Ils nous réconcilient avec le pire de nous-mêmes.

Parfois, ces mots rassurent comme dans Il n'aurait fallu, autre poème d'Aragon : « Un front qui s'appuie À moi dans la nuit Deux grands yeux ouverts Et tout m'a semblé Comme un champ de blé Dans cet univers Un tendre jardin Dans l'herbe où soudain. La verveine pousse Et mon cœur défunt Renaît au parfum Qui fait l'ombre douce. »

Ferré a été un géant de la seconde partie du 20e siècle. Surréaliste, il a aussi mis en scène en écrits et en chansons de nombreux auteurs classiques français comme Aragon, Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire. Ferré a été un poète marquant de son époque et un artiste éclectique. Il a fait appel à un vocabulaire étendu et il a joué avec les mots créant de nombreux néologismes tout en jouant avec la connotation et le sens des mots. Léo Ferré était un artiste des mots et les mots étaient ses armes.

Les mots sont des armes

On comprend que les mots peuvent être des armes puissantes. Ce sont avec les mots que nous construisons nos relations avec autrui. L'utilisation et le choix des mots dans l'espace public, nous le dirons jamais assez souvent, est une responsabilité pour chacun de nous. Quand on écrit par exemple une chronique comme je le fais dans ce média qu'est EstriePlus, nous avons la responsabilité de bien choisir les mots pour exprimer clairement notre pensée ou pour signifier nos désaccords avec d'autres idées que nous discutons. Cette responsabilité est directement proportionnelle au rôle que nous occupons dans l'espace public. Ainsi, un journaliste a un devoir envers les faits, un commentateur doit toujours respecter les opinions contraires aux siennes même s'il a le droit d'exprimer son désaccord. Tout est dans le ton. Les mots sont des armes qu'il faut manipuler avec soin. Les politiciennes et les politiciens qui nous représentent sont à mes yeux les principaux responsables de la bonne tenue de nos débats démocratiques, car c'est l'essence même de leur travail.

Les dérapages verbaux dans l'espace politique

La semaine dernière, nous avons eu droit à des dérapages verbaux inacceptables à l'Assemblée nationale du Québec. Je pense notamment aux attaques du ministre des Finances Carlos Leitão à l'endroit de la Coalition avenir Québec et toutes les autres qui ont suivi tant du premier ministre Couillard que du ministre de l'Immigration ou de Pierre Moreau sur la misogynie de la CAQ. À peine croyable. Ici, je ne veux pas défendre la Coalition avenir Québec, même si j'avoue la trouver de plus en plus intéressante comme alternative à l'actuel gouvernement. Je ne veux que défendre un principe : le respect en démocratie des faits et de l'intelligence de la population du Québec.

Pour vous en convaincre, voici une citation que je juge comme l'une des meilleures déclarations d'un membre de la classe politique. Celle-ci a été faite au lendemain de l'attentat à la Mosquée de Québec : « Les mots prononcés, Les mots écrits aussi ne sont pas anodins. À nous de les formuler. À nous de les choisir. Ils peuvent unir, guérir. Ou. Diviser et blesser. À nous de choisir. » Vous savez quelle femme ou quel homme politique a dit ces mots? Pour vous aider, je vous cite un autre discours de la même personne : « Depuis des années, certains partis politiques, dont la CAQ, font du racolage pour dire aux gens : Nous, on est contre les étrangers, les immigrants. Si vous votez pour nous, c'est ça qui va arriver. Ces propositions sont déplorables. En fait, elles sont rétrogrades pour le Québec ».

L'auteur de ces mots c'est notre premier ministre Philippe Couillard. Pouvez-vous réconcilier la deuxième citation avec la première? Moi non. Ou bien on croit ce que l'on dit et que les mots ont de l'importance. Alors on se gouverne en conséquence et on utilise ces armes avec parcimonie pour unir, rassembler, débattre, échanger, mais pas pour diviser, blesser, polariser et mentir. Monsieur Couillard, quand cesserez-vous d'utiliser les mots qui blessent...


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