On dirait un peu un lendemain de veille lors duquel on ne sent pas
bien. Vous savez, du genre : je n'ai pas été malade, mais ce
serait passé si je l'avais été... Ça vous ramène des
souvenirs ?
Mardi matin.
Lendemain d'une élection ne ressemblant à aucune autre que j'ai
vécue.
Il y a de tout, dans
une élection. Des lignes de parti trop répétitives. Des propos
généralement tellement nettoyés par les bonzes de communication
qu'ils en sont stériles.
Puis, dans chaque
circonscription, il y a des humains. Des vrais. Qui frappent vraiment
aux portes. Des gens qu'on sent tellement bien intentionnés. Des
gens qui, oui, nous représenterons s'ils sont élus, mais qui
recevront aussi leur bonne part d'insultes et de méchancetés dès
qu'un faux pas sera fait. Et il faut savoir que la notion de faux
pas est très personnelle à l'insulteur !
Une bien bizarre
d'élection.
Un Poilièvre qui
agit en grand seigneur pendant deux ou trois ans, qui nargue un
journaliste en lui mangeant une pomme sous le nez. Un Poilièvre
intransigeant, voire hautain, qui vient traiter les maires des villes
de la région de Québec de ci et de ça. Le même Poilièvre qui,
dans le dernier mois, a mis toute la gomme pour se montrer tellement
sympathique et empathique...
Quand le tapis
glisse sous nos pieds, on se débrouille comme on peut pour rester
minimalement en équilibre. Mais c'est rarement élégant. Ce ne le
fut pas tant dans son cas !
Une bizarre
d'élection.
Une élection dont
le pivot est le président américain. Un hurluberlu qui se crinque
lui-même dans l'ascension de l'émission de connerie !
Une bizarre
d'élection.
Un financier qui
débarque à la tête d'un parti moribond, mais qui réussit, ma
foi, par son calme inspirant, à séduire assez de monde pour
renverser une vapeur pourtant qualifiée d'irréversible à Noël...
Au lendemain de
cette bizarre élection, je sentais un "ben coudonc, c'est
pas si pire... » autour de moi.
Mon inquiétude
principale
Au-delà du résultat
quant au nombre d'élus, c'est une statistique autre qui me fait
peur.
La jeune génération,
celle des 18-30 ans, a résolument mis son clignotant vers la droite.
D'une part, cette
génération qui pensait au nous semble maintenant penser au je. Je
les sens animés d'une sorte de sauve-qui-peut pour survivre dans
une économie qui serre et resserre encore les ceintures, tellement
tout coûte cher. En tournant à droite, on s'accroche à la tirade
un peu naïve de Poilièvre qui sous-tend que quiconque travaille
fort aura sa maison, son char et de la bouffe en masse.
En plus, il règne
dans ce même secteur d'âge une sorte de colère qui était
sourde, mais qui semble s'exprimer plus fort. L'intolérance
semble de moins en moins tolérée chez les jeunes, comme en témoigne
l'actualité. La différence (culturelle, sexuelle et sociale)
redevient condamnable. Les pas en avant semblent se perdre.
Il flotte dans
l'air, il me semble, une sorte d'ambiance morose. Comme si les
appels à la tolérance avaient pris trop de place aux yeux de
plusieurs et qu'un mouvement de ressac s'amplifie.
Une sorte de cri du
cœur qui clame haut et fort : « Coupe mes taxes, pis donne-moi
du cash. Le reste, je veux rien savoir ! »
J'espère me
tromper.
Tout est bâti
autour de l'économie, de nos jours. Mes REER et les vôtres en
dépendent. Je comprends tout cela.
Dans cette bizarre
d'élection, tout s'est joué à deux. Sauf un peu, au Québec.
Une approche qui va
de centre-droite à droite.
La question qui me
turlupine : dans quelques années, aura-t-on encore la moindre pensée
pour les gens qu'on laisse derrière ? Et nos repères de
réussite sociale se limiteront-ils simplement à des ratios
économiques ?
Un bizarre de
lendemain de veille m'anime. Assez pour semer une sorte de
confusion. Mais pas assez confus pour ne pas rester alerte...
Clin d'œil de
la semaine
Chaque élection,
c'est pareil : la fusion des Progressistes conservateurs et du Reform
party montre le revers de son image à travers ses revers aux urnes...