Pour la directrice de l'École de politique appliquée (EPA)
de l'Université de Sherbrooke, Isabelle Lacroix, le résultat de l'élection du
19 octobre a tout de fascinant.
« C'est d'autant plus fascinant parce qu'on manque d'explications
et ce, pour la deuxième élection fédérale consécutive », affirme Mme
Lacroix.
Selon elle, il y a clairement eu une nouvelle vague, cette
fois bien rouge, ponctuée de tendances plus ou moins marquées pour le candidat
local. La diversité politique qui marque l'Estrie est aussi intéressante et
apportera son lot de défis.
Un gain et une
continuité chez les conservateurs
Dans Richmond-Arthabaska, l'ex-maire de Victoriaville, Alain
Rayes, a été élu avec 31,6 % des voix. Luc Berthold, 35,4 % dans la
circonscription de Mégantic-L'Érable. Deux résultats, deux analyses.
Luc Berthold a bénéficié d'un sentier déjà battu puisqu'il succède
à Christian Paradis, une figure connue du Parti conservateur au Québec.
« Pour Rayes, c'est autre chose, explique Mme Lacroix.
Généralement, les électeurs votent pour un parti plus que pour un candidat. Ici,
c'est la notoriété de l'ex-maire qui aurait fait une grosse différence. En plus
d'être un des maires vedettes du Québec, sa réputation très positive a pu
l'aider à gagner. »
Il représentait aussi une nouvelle alternative pour ceux qui
sont conservateurs au niveau économique, mais plus progressifs à d'autres
niveaux.
« Alain Rayes proposait un compromis dans un dilemme
très difficile. L'idée d'un candidat conservateur aussi impliqué en environnement,
ça a certainement pu lui faire gagner des voix. »
Une vague libérale
autour de Sherbrooke
Sans rien enlever aux candidats locaux, Isabelle Lacroix
affirme qu'il y a eu un certain effet de vague dans les circonscriptions de
Compton-Stanstead (Marie-Claude Bibeau), Shefford (Pierre Breton) et
Brome-Missisquoi (Denis Paradis).
Si la notoriété de Denis Paradis a sans doute ajouté un
petit quelque chose dans le résultat, la vague est là.
« Les Québécois ont une relation d'amour-haine avec le
Parti libéral du Canada, explique Mme Lacroix. Ce qu'ils ont démontré hier,
c'est qu'ils ont une réaction très marquée contre le parti au pouvoir. Il y
avait cette volonté de rechercher une alternative et on pensait l'avoir trouvé
en 2011 avec le NPD, mais les résultats n'ont pas été au rendez-vous. »
Une réflexion s'impose
au NPD
Selon la politologue, jamais les sondages réalisés au cours
des quatre dernières années n'auraient permis de prédire cette débâcle du NPD.
Le parti a une sérieuse réflexion à mener sur les résultats du scrutin du 19
octobre.
« Le niveau de popularité du NPD au début de la
campagne était très positif. Ce qui est difficile, c'est de comprendre le
retournement et sur quoi il se base. La question du niqab? Les libéraux avaient
la même position. Pourquoi donc est-ce que le NPD a-t-il tant souffert? »
Le défi de Pierre-Luc
Dusseault
Selon Mme Lacroix, le député réélu dans Sherbrooke aura tout
un défi à relever puisque son niveau de pouvoir est « très, très faible. À
la limite, si Mme Bibeau n'est pas nommée au Conseil des ministres, elle fait
quand même partie du caucus du parti au pouvoir. Ça ne fait pas tout, mais
c'est un pouvoir que M. Dusseault n'a pas. »
Relégué au statut de deuxième opposition, le NPD ne jouira
plus de la même couverture médiatique non plus et son caucus n'aura que très peu
d'impact dans le quotidien gouvernemental.
« Sa seule alternative, c'est de voir s'il peut être un
acteur régional important qui réussira à mobiliser les forces. Les députés seront-ils
capables de travailler conjointement sur des dossiers régionaux importants?
Pierre-Luc Dusseault doit arriver à créer un momentum régional. »
Compte tenu de la diversité des allégeances politiques
placées dans les différents sièges de la région, professeur Lacroix estime que
tous les acteurs politiques devront miser sur la coopération pour faire avancer
leurs dossiers.
« La coopération, ce n'est pas naturel entre les
paliers de gouvernement. Là, on ajoute la diversité politique. Les défis seront
grands, mais pour celui ou celle qui réussira à se positionner comme agent mobilisateur,
qu'il soit un élu municipal, provincial ou fédéral, ce sera très payant. »