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La poutre et la paille

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi 24 septembre 2025

Nos commentateurs et nos journalistes bien-pensants aiment bien tenir le rôle de donneurs de leçons en jouant les vertueux devant les dérives que l'on peut observer chez notre voisin américain. J'en suis. Quoi qu'il en soit, je trouve que l'on fait peu de cas du traitement que certains commentateurs réservent à la grande écrivaine québécoise Kim Thúy qui subitement, après avoir été l'enfant chérie de la nation, en devient un repoussoir. Cherchons à mieux comprendre ce qu'il en est.

Qui est Kim Thúy ?

Originaire du Vietnam, elle arrive chez nous avec les boat people à l'âge de dix ans et elle s'installe avec sa famille au Québec. Diplômée en traduction et en droit, l'écrivaine travaille d'abord comme couturière, interprète, avocate et propriétaire de restaurant. Elle a reçu plusieurs prix, dont le Prix littéraire du Gouverneur général 2010, et a été l'une des quatre finalistes du prix Nobel alternatif en 2018. Elle est chevalière de L'Ordre national du Québec, Chevalière de l'Ordre des Arts et des Lettres de la République française. Ses livres, dont les ventes s'élèvent à un million d'exemplaires, sont vendus dans 45 pays et territoires et sont traduits dans une trentaine de langues. Kim Thúy vit à Montréal et se consacre à l'écriture. Une série télévisée RU nous en raconte les péripéties. Il n'y a pas à dire, le Québec est fier de Kim Thúy et on la reconnaît comme l'une des nôtres, tout comme nous le faisons pour Dany Laferrière, ce grand romancier québécois d'origine haïtienne. Alors quel est le problème avec Kim Thúy me direz-vous ?

L'affaire Kim Thúy

L'incident commence lors d'une entrevue qu'elle accorde aux médias dans la foulée de la promotion de sa première pièce présentée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), qui aborde l'immigration au Québec. La romancière Kim Thúy mentionne qu'elle envisage de quitter la province dans la foulée des discours ambiants au Québec sur l'immigration et les immigrants. Voyons ce qu'elle a déclaré : « Mais durant les deux ou trois dernières années, il y a eu un changement. Et là, j'ai vu un changement dans le quotidien, dans mon quotidien. Et c'est là où, peut-être, je me suis donné en fait le droit d'en parler. » Elle ajoute : « Ça serait facile pour moi de rester dans ma tour d'ivoire, de juste me laisser aimer. C'est facile, mais. Mais quand je suis arrivée ici, à Granby, on m'a tellement aimé, on m'a aimé sans aucune attente, rien en retour. El là, je me dis : est-ce que je peux juste rester dans ma tour d'ivoire où j'ai le devoir de continuer ce geste d'amour que les Québécois m'ont enseigné, que les Québécois m'ont offert ? Et je dois continuer ce geste-là pour leur faire honneur. Et c'est pour ça que j'en parle. »

 

Kim Thúy est amoureuse du Québec et a la culture québécoise dans la peau. Elle le dit clairement : « C'est une culture qui est sous ma peau. Je suis ici depuis 47 ans. Pourquoi est-ce que j'en parle aujourd'hui ? Tout simplement parce que je dis : ce n'est pas nous. Et ce que je déplore, c'est le discours, comment on présente nos valeurs, notre façon de voir, alors que cette façon-là ne correspond pas avec la réalité. Ce n'est pas ce que je vis dans le quotidien, ce n'est pas ce que je vivais dans le quotidien, je vous dirais. »

Cette déclaration a valu à Kim Thúy de nombreuses critiques. Des lecteurs, des chroniqueurs ont assimilé sa déclaration à un crachat sur le peuple québécois ou encore à de l'ingratitude. Les nationaleux de tout acabit veille au grain et tiennent à ce que nous ayons un discours normé sur l'immigration qui stipule que nous avons trop d'immigrants. On dit à mots couverts que c'est à cause d'eux que nous vivons une crise du logement, qu'il y a un coût de la vie élevé et on se retient pour ne pas leur attribuer la crise des finances publiques. Le discours trumpien a rejoint le rivage québécois et nous en venons à nous couper de ce que nous sommes, soit une terre d'accueil généreuse et bienveillante. Je suis d'accord avec les inquiétudes exprimées par Kim Thúy quant aux changements de registre du discours sur l'immigration au Québec.

Ce que pense Kim Thúy ?

Qu'a pu dire la sympathique écrivaine québécoise d'origine vietnamienne qui a autant suscité de commentaires désobligeants ? En fait, c'est sa pièce Ấm qui est à l'origine de tout. Cette pièce qui est diffusée sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde. Ấm c'est l'histoire d'un couple, autour duquel s'articule la pièce. Lui, Jacques, un homme d'affaires québécois. Elle, Ành, une artiste d'origine vietnamienne. Venus de mondes qui peuvent sembler diamétralement opposés, les deux protagonistes nouent une relation amoureuse où chacun peut être soi. Et ce, malgré leur bagage, conscient ou pas. Voilà comment Kim Thúy présente sa pièce : « Avec cette pièce, j'ai voulu explorer cette zone vraiment pas neutre où la culture vietnamienne et la culture québécoise pouvaient se comprendre et vivre ensemble. Si deux personnes s'aiment, on pense que ça devrait aller tout seul, mais ce n'est pas vrai. Avancer ensemble requiert énormément de travail, d'écoute, d'humilité. Sinon, c'est impossible. »

La pièce plonge au cœur du débat sur l'immigration qui a cours au Québec. C'est l'une des scènes pivots de la pièce Ấm. Dans cette partie, Kim Thúy laisse voir que la question de l'immigration, qui est au cœur de la pièce, laisse place à un discours où les immigrants sont tannés de sentir que les immigrants sont devenus les souffre-douleurs responsables de tous les maux. Ce discours laisse percevoir que l'on envisage l'exil. Kim Thúy a alors déclaré qu'elle-même a vécu ce que son personnage appelle une « profonde peine d'amour avec [son] Québec. » Puis, elle ajoute : « C'est une vraie vérité, dit l'écrivaine. Je sais qu'en écrivant ces répliques, je marche sur une ligne... Un immigrant n'a pas le droit à la colère et au mécontentement. Il doit être reconnaissant. Il doit rester dans la gratitude, dans la reconnaissance, dans la joie d'être ici. Or, ce n'est pas parce qu'on dit qu'on n'est pas content qu'on n'aime pas le pays. Mais l'immigrant qui témoigne d'une insatisfaction se fait dire de retourner chez lui... »

La poutre dans notre œil

Quand j'entends le bruit des chemises déchirées des ministres du gouvernement Legault sur l'affaire de la contestation de la loi 21 à la Cour suprême, cette loi qui a légiféré sur la querelle des bouts de chiffon, je suis inquiet du discours ambiant sur l'autre. Ça me rappelle les sages paroles de Jésus rapportées dans l'Évangile selon Luc, 6, versets 41 à 45 : « Qu'as-tu à regarder la paille dans l'œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : « Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil », alors que toi-même ne voit pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d'abord la poutre de ton œil ; alors, tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l'œil de ton frère. »

En d'autres mots, avant de nous indigner de ce qui se passe au sud de nos frontières sous le président Trump, il serait utile d'analyser les discours qui ont cours chez nous. C'est cela l'histoire de la poutre et de la paille... 

 


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