Sauver les réseaux privés de télévision

Ce n'est pas la première fois que je prends la plume pour défendre les médias. J'ai jadis été à l'origine d'un mouvement en Estrie pour défendre Radio-Canada. Je me suis insurgé contre les compressions dans les salles de rédaction de Télévision Quatre-Saisons et chaque fois, je dis qu'il faut préserver la diversité et la pluralité des médias d'information. Aujourd'hui, la situation est pire que jamais. Même si je peux me réjouir de l'engagement du Premier ministre libéral Mark Carney d'augmenter le financement de Radio-Canada, je suis un peu perplexe devant le silence des gouvernements devant l'effacement de nos grands médias. C'est le temps de l'action avant qu'il ne soit trop tard.

La déperdition du réseau TVA

L'annonce de la mise à pied de 30 employés par le Groupe TVA cette semaine souligne une crise qui touche de plein fouet l'industrie des médias traditionnels au Québec et au Canada. Cette décision s'ajoute à une série de réductions d'effectifs qui se chiffrent désormais en centaines, témoignant d'un combat inégal entre les médias traditionnels et les géants du numérique, tels que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). De plus, l'indifférence croissante des jeunes générations envers les médias traditionnels aggrave la situation. On peut aimer ou pas le côté sensationnaliste du traitement de la nouvelle de TVA et du Groupe Quebecor, mais ces médias ont tout de même une place importante au Québec et dans sa culture. Nous devons prendre la parole pour que nos gouvernements agissent énergiquement pour sauver nos réseaux privés tout en finançant adéquatement nos réseaux publics en télévision comme Télé-Québec et Radio-Canada. Quelles sont les solutions qui doivent être envisagées ?

Des pistes de solutions

Pour préserver un réseau privé de télévision et assurer la pérennité des médias au Québec et au Canada, un ensemble de mesures stratégiques doit être mis en place par les gouvernements, les médias eux-mêmes, ainsi que par les acteurs privés et publics. Il faut d'abord renforcer le Cadre Réglementaire en protégeant le contenu local.

Des mesures règlementaires...

L'une des premières mesures à envisager est la mise en place de mesures règlementaires visant à protéger et à promouvoir le contenu local. Cela pourrait inclure des quotas de contenu canadien pour les plateformes de diffusion. Les GAFAM, qui détiennent une part de marché de plus en plus importante dans la diffusion audiovisuelle, doivent contribuer au financement du contenu local. Par exemple, l'instauration d'une taxe sur les revenus publicitaires générés par les géants du numérique au Canada pourrait financer la création de contenu local.

Les gouvernements doivent également envisager de soutenir les médias émergents qui représentent un nouveau modèle économique plus adapté à l'ère numérique. Cela pourrait passer par des subventions et des aides financières pour les entreprises médiatiques en démarrage qui produisent des contenus originaux et innovants. Des initiatives pourraient être mises en place pour encourager les collaborations entre médias établis et nouveaux acteurs du numérique.

Du financement...

Un fonds gouvernemental de soutien aux médias traditionnels pourrait être créé pour aider à compenser les pertes engendrées par la transition numérique. Ce fonds pourrait fournir des subventions qui aident les entreprises médiatiques à investir dans de nouvelles technologies, à former leur personnel aux compétences numériques et à produire des contenus adaptés aux nouveaux formats de consommation.

Les gouvernements devraient envisager d'offrir des incitations fiscales aux médias traditionnels qui investissent dans la transformation numérique. Par exemple, des crédits d'impôt pour l'innovation pourraient encourager les entreprises à développer des applications numériques, des plateformes de diffusion en continu, ou encore des contenus adaptés aux jeunes publics.

De nouveaux modèles économiques...

À l'heure où les utilisateurs privilégient les contenus à la demande, les médias traditionnels doivent envisager de repenser leur modèle économique. L'adoption de modèles d'abonnement, similaires à ceux de Netflix, pourrait permettre aux entreprises de générer des revenus récurrents tout en offrant du contenu exclusif qui attire les jeunes auditeurs. Les stratégies de contenu pertinent et engageant sont cruciales pour capter l'attention d'un public qui consomme largement en ligne.

Les médias doivent adopter une approche de diversification des revenus en explorant les occasions favorables telles que le marchandisage, la vente de contenu en ligne ou encore l'organisation d'événements. Ces initiatives peuvent créer des sources de revenus supplémentaires qui aident à maintenir la viabilité financière tout en consolidant la relation avec l'auditoire.

Se réinventer...

La création de contenu qui attire les jeunes publics est essentielle. Les médias traditionnels doivent évoluer en produisant des formats courts, engageants et adaptés aux plateformes numériques, comme les réseaux sociaux. Les balados, les vidéos courtes et les séries en ligne sont des moyens efficaces de capter l'attention d'un public moins enclin à consommer la télévision traditionnelle.

Les médias peuvent également envisager des partenariats avec des influenceurs et des créateurs de contenu. En collaborant avec des figures populaires auprès des jeunes, les médias peuvent créer une connexion authentique avec ces publics et les inciter à s'intéresser au contenu traditionnel. Ces collaborations peuvent être intégrées dans des programmes de contenu ou des émissions, augmentant ainsi la portée et l'attractivité des contenus.

Nous éduquer...

Les gouvernements et les médias eux-mêmes devraient mener des campagnes de sensibilisation sur l'importance des médias traditionnels dans la société. Souligner le rôle essentiel que jouent ces médias dans la démocratie, l'information de qualité et la diversité des opinions est crucial. Ces campagnes pourraient inclure des initiatives éducatives dans les écoles pour promouvoir la consommation de médias de qualité.

Une autre solution consiste à intégrer des programmes de formation aux compétences médiatiques dans les systèmes éducatifs. Cela permettrait aux jeunes de mieux comprendre le fonctionnement des médias ainsi que de leur valeur et les inciterait à s'engager davantage avec les contenus de qualité qu'ils produisent. Des programmes dédiés à la critique des médias et à la sensibilisation aux fausses informations pourraient également renforcer la confiance envers les médias traditionnels.

Innover...

Pour rester compétitifs devant les GAFAM, les médias traditionnels doivent investir dans les technologies numériques. De la réalité augmentée aux applications de diffusion en direct, les technologies émergentes peuvent transformer l'expérience utilisateur et attirer de nouveaux publics. Par exemple, les médias pourraient développer des applications interactives qui permettent aux utilisateurs de s'impliquer davantage dans le contenu.

L'utilisation d'analyses de données pour mieux comprendre les préférences des publics est essentielle. En utilisant les données pour personnaliser le contenu et améliorer l'expérience utilisateur, les médias peuvent mieux répondre aux attentes de leur public et capter de nouveaux segments de spectateurs.

Une nouvelle synergie...

Les médias traditionnels peuvent bénéficier de collaborations avec d'autres acteurs du secteur, que ce soit d'autres médias, des entreprises technologiques ou des organisations communautaires. Ces alliances peuvent favoriser le partage de ressources, de talents, d'idées et permettre de développer des projets novateurs qui rejoignent un public plus large.

Créer des consortiums entre différents médias pour mutualiser certaines ressources, comme la production de contenu ou les infrastructures technologiques, peut également réduire les coûts. Ces consortiums pourraient permettre aux petites et moyennes entreprises médiatiques de rester compétitives tout en s'adaptant aux défis numériques.

Il n'y en aura pas de facile