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Les passions déferlantes et le roi Charles 1er

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi 4 juin 2025

Vraiment, il faut se rendre à l'évidence. Trump s'infiltre partout dans nos vies. Dans nos campagnes électorales et dans nos vieilles discussions concernant la monarchie. Nous sommes constamment en réaction à Donald Trump et cela teinte tous nos débats. Cela a été le cas lors de la dernière visite du roi Charles 1er dans son royaume canadien. Il n'en fallait pas plus pour relancer les différends vieux comme la terre sur la monarchie et pour que les souverainistes de tout crin ressortent leurs discours misérabilistes et victimaires. Trump pour qui, selon les propos des libéraux, la visite du roi Charles a été organisée, n'a pas semblé apprécié en se faisant entendre sur les réseaux sociaux à propos du 51e État et du dôme d'or de défense. Faisons le point ensemble là-dessus si vous le voulez bien ce matin.

Corbo et Le destin du Québec

Commençons par vous résumer le dernier livre de l'ex-recteur de l'Université du Québec à Montréal, Claude Corbo, intitulé Le destin du Québec. Trois axes d'une histoire, publié aux Presses de l'Université de Montréal en mars 2025. Dans cet ouvrage, l'ancien recteur aborde les enjeux sociopolitiques et culturels qui jalonnent l'histoire du Québec. Dans une analyse approfondie, Corbo explore les questions identitaires, économiques et les dynamiques de pouvoir qui ont façonné la société québécoise depuis la Révolution tranquille jusqu'à nos jours. Ce livre se veut à la fois un diagnostic des défis contemporains et une réflexion sur l'avenir du Québec.

Au cœur de son propos, Corbo met en lumière l'évolution de l'identité québécoise. Il souligne que celle-ci est marquée par une dualité entre la culture francophone et la réalité d'un Québec multiculturel. Cette tension est exacerbée par des périodes historiques cruciales, tels que la montée du nationalisme québécois, les référendums sur la souveraineté et les évolutions démographiques qui ont modifié le paysage socioculturel du Québec. Corbo s'interroge sur la capacité du Québec à concilier ces différentes réalités et plaide pour une redéfinition de l'identité québécoise, intégrant à la fois l'héritage francophone et les contributions des autres communautés. Il plaide surtout le fait qu'il n'existe pas de troisième voie entre la souveraineté et le fédéralisme. Corbo défend fermement l'idée de la souveraineté pour le Québec, rejetant à la fois le fédéralisme actuel et toute tentative de créer une troisième voie, qui pourrait uniformiser les relations entre le Québec et le Canada. Pour lui, l'appartenance du Québec au Canada représente un frein à son épanouissement et à sa pleine réalisation en tant que nation distincte.

Corbo soutient que le fédéralisme canadien entrave la capacité du Québec à affirmer sa culture francophone de même que ses spécificités politiques et économiques. Il argumente que la structure fédérale impose des limites à l'autonomie du Québec, rendant difficile la prise de décisions adaptées aux besoins propres de sa population. Le maintien de cette association avec le Canada, selon lui, est un obstacle à la construction d'une identité forte et cohérente qui pourrait permettre au Québec de s'épanouir complètement. Corbo écarte également l'idée d'une troisième voie, qui proposerait une relation intermédiaire entre le Québec et le Canada, la qualifiant de solution dilatoire et illusoire. Il estime que cette option ne ferait que prolonger l'ambiguïté de la position du Québec sans résoudre les enjeux fondamentaux de souveraineté et d'autodétermination. Selon lui, seule la souveraineté pourrait libérer le Québec des contraintes du fédéralisme canadien et lui permettre de forger son avenir en toute liberté, garantissant la pérennité de son identité et de sa culture.

Le fédéralisme, un excellent système politique

Le discours de Corbo fait l'impasse sur les travaux de nombreux chercheurs qui postulent que le fédéralisme est l'un des meilleurs systèmes politiques pour répondre aux exigences d'un monde marqué par le déplacement massif des populations comme chez nous. Alain G. Gagnon qui dans un livre relativement récent Le choc des légitimités publié aux Presses de l'Université Laval en 2021 plaide pour que l'on repense le fédéralisme en fonction des nations qui la composent plutôt que les territoires qu'ils habitent. S'ajoute à cette myopie intellectuelle de Corbo sur des études comme celle de Gagnon, les discours misérabilistes et défaitistes des St-Pierre Plamondon et Bock Côté de ce monde.

Le discours défaitiste des souverainistes sur le Québec

Depuis la Confédération en 1867, le Canada a progressivement émis son indépendance de la couronne britannique. Le Statut de Westminster (1931) a permis au Canada de gérer ses affaires intérieures sans ingérence britannique, tout en le rendant responsable de ses décisions. Le rapatriement de la Constitution en 1982 a représenté une étape cruciale, car il a donné au Canada la pleine maîtrise de sa législation, même si l'on doit prendre note que jamais le Québec, la nation francophone plus que la province, n'a donné son accord à ce rapatriement. Le problème était et est toujours que le Canada ne reconnaît pas dans les faits l'existence d'une nation québécoise au sein du Canada, en dépit des efforts théoriques d'Alain G. Gagnon par exemple que j'ai cité auparavant. Cette émancipation politique devrait être perçue comme une occasion favorable pour avancer sur la voie de la réconciliation, de l'unité et de la prospérité partagée, tant pour le Québec, pour l'Acadie et pour les nations autochtones.

Dans ce contexte, la frange nationaliste du Québec, dont certains membres continuent de revendiquer une victimisation par rapport à l'histoire, à parfois tendance à fermer les yeux sur les réalisations de la province. Ce nationalisme exacerbé peut conduire à une polarisation des communautés québécoises et canadiennes, bloquant ainsi tout dialogue constructif. Cette approche peut également restreindre la capacité des Québécois à envisager des rapports plus ouverts et plus inclusifs avec le reste du Canada.

Pourtant, une nouvelle vision pourrait émerger, une vision qui valorise la diversité au sein de la cohésion et qui reconnaît les torts du passé tout en restant ouverte à l'avenir. Le défi réside dans l'acceptation que le Québec fait partie d'un Canada plus large, tout en ayant ses spécificités culturelles et linguistiques. Cette acceptation permettrait de neutraliser les discours victimaires et de promouvoir un engagement constructif dans les processus politiques.

L'histoire du Québec et du Canada, avec ses ombres et ses lumières, est un héritage complexe qui mérite d'être examiné avec nuance. La stigmatisation et la victimisation qui peuvent découler d'une interprétation rigide du passé ne doivent pas occulter les avancées réalisées depuis l'émancipation politique du Canada. Le défi consiste à transformer le discours victimaire en une célébration de diversité, de partage et de coconstruction. En favorisant l'éducation, le dialogue et la réconciliation, le Québec peut non seulement embrasser la richesse de son histoire, mais également s'engager résolument sur la voie d'un avenir prometteur, conforme à une réalité objective qui reconnaît les contributions et les histoires de chacun. Le rappel de la déportation des Acadiens, de la conquête, de la répression des patriotes et du rapatriement de la constitution canadienne sans le consentement du Québec ne suffit pas à me faire baisser les bras et à ne pas rêver que nous soyons capables ensemble de remodeler en profondeur le Canada dans le sens d'un fédéralisme multinational.

La monarchie, Guillaume le Conquérant et le Québec

Je termine cette réflexion avec une idée qui viendra relativiser un peu les discours de nos nationaleux sur la monarchie. L'idée selon laquelle il existerait une filiation entre les Québécois francophones et les institutions britanniques, en raison de leurs origines normandes partagées avec Guillaume le Conquérant, est une thèse originale qui mérite réflexion. Bien que cette perspective ne soit pas fréquemment évoquée dans l'historiographie traditionnelle, elle permet de poser un regard renouvelé sur la relation complexe entre les Québécois francophones et les institutions britanniques. Il est vrai que Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, a profondément influencé la structure politique et juridique de l'Angleterre à partir de 1066. D'autre part, plusieurs ancêtres des Québécois francophones d'aujourd'hui sont issus de la Normandie et d'autres régions de l'ouest de la France. Peut-on pour autant parler d'une filiation institutionnelle indirecte, voire d'une affinité culturelle héritée ?

Je n'irai pas jusque-là, mais je crois qu'il y a un peu de nous, Québécois francophones d'ascendance normande, dans les institutions britanniques monarchistes que décrient nos leaders nationalistes. Guillaume le Conquérant, né en Normandie, a joué un rôle essentiel dans l'établissement d'un rapport de forces qui allait marquer l'histoire de l'Angleterre et, par extension, celle de la France et du Canada. En 1066, sa conquête de l'Angleterre a non seulement changé la dynastie régnante, mais a également introduit un substrat normand dans la culture anglaise, avec ses langues, ses traditions et ses institutions. C'est lui qui implante le recensement de tous les citoyens et qui crée l'impôt sur le revenu en quelque sorte.

Au fil des siècles, la Normandie, en tant que province française, a cultivé un lien culturel fort avec le Québec. Les colons français qui ont émigré vers la Nouvelle-France au XVIIe siècle portaient avec eux des éléments de leur héritage normand, influençant la langue, les pratiques et les valeurs qui caractérisent encore aujourd'hui la société québécoise. La langue française, dérivée des dialectes normands, s'est ancrée dans le Québec, survivant à la domination britannique qui s'est établie après la guerre de Sept Ans en 1763. Cependant, la présence britannique, symbolisée par les institutions monarchiques et les lois de l'époque, a introduit une dualité. Les Québécois francophones ont dû naviguer entre leur identité française et la nouvelle réalité dominée par l'Empire britannique. Cette tension a façonné des institutions uniques qui ont cherché à préserver la culture française tout en s'adaptant aux structures britanniques. Ainsi, les racines normandes des Québécois et l'héritage de Guillaume le Conquérant se mêlent aux institutions britanniques, créant une identité riche et complexe, reflet d'un métissage culturel unique à l'histoire du Québec. D'où les passions qui déferlent sur nous lors de la visite du roi Charles 1er...



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