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Le voyou politique !

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 4 septembre 2024

On peut donner de nombreuses définitions au mot voyou. C'est parfois un délinquant, une personne peu recommandable, mais dans cette chronique, j'utiliserai le sens de garnement mal élevé pour définir ce terme. C'est ce que m'inspire Pierre Poilievre, le chef du Parti conservateur du Canada lorsque je l'entends. Je suis d'accord avec Jean-François Lisée qui écrivait récemment sur le réseau X : « Avec la normalisation de l'insulte, Pierre Poilievre tire le discours politique canadien vers le bas. » Ce qui en soi est une fort mauvaise idée lorsque l'on veut être le premier ministre du Canada. Heureusement qu'au Québec, nous sommes vaccinés contre ce genre de discours politique que généralement nous n'apprécions pas. Réflexion sur le phénomène Pierre Poilievre.

Qui est Pierre Poilievre ?

Si je me fie au propos d'Andrew Lawton qui a publié en mai dernier chez Southerland House, une biographie du personnage sous le titre : Pierre Poilievre, A Political Life, Poilievre est une véritable bête politique qui n'a jamais fait autre chose que de la politique dans sa vie d'adulte. Il peut bien reprocher à Jagmeeth Singh de penser à sa pension plutôt qu'aux Canadiens, mais comme je l'ai entendu sur les ondes de Radio-Canada, « il sera impossible pour Poilievre de tenir un party de départ à la retraite avec ses collègues puisqu'il sera le seul de sa cohorte. » N'empêche que nous l'aimions ou pas, ce personnage politique au vocabulaire truffé d'insultes et qui a un mépris pour les médias, il caracole bien loin devant les libéraux dans les sondages et il semble inévitable que le Canada vive son moment Poilievre. Le Québec risque de ne pas être de la fête, mais le Canada demeure tout de même notre pays et nous devons nous intéresser à ce personnage politique qui deviendra vraisemblablement le premier ministre du Canada lors des prochaines élections.

Faire amende honorable : Poilievre n'est pas un mini-Trump

Malgré mon aversion pour le personnage politique que représente Poilievre et des valeurs qu'il promeut, je me dois de faire amende honorable sur mes textes antérieurs. À plusieurs occasions, je l'ai qualifié de mini-Trump. Ce n'est pas tout à fait exact. L'émergence de Pierre Poilievre au sein de la scène politique canadienne a suscité des comparaisons avec Donald Trump, l'ancien président des États-Unis. Les deux hommes partagent des caractéristiques qui, à première vue, semblent les rapprocher : un style de communication flamboyant, une rhétorique populiste et une capacité à mobiliser des bases électorales passionnées. Cependant, il serait simpliste de considérer Poilievre comme un simple mini-Trump, car son parcours, ses idées et le contexte politique canadien dans lequel il évolue nécessitent une analyse plus nuancée.

L'une des premières ressemblances entre Poilievre et Trump réside dans leur préférence pour un style de communication directe et décomplexée. Poilievre n'hésite pas à déclamer ses opinions avec force, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur des scènes publiques. Cette approche séduit de nombreux électeurs qui se sentent délaissés par le langage politique traditionnel, souvent perçu comme trop technique et éloigné des préoccupations quotidiennes.

Cependant, alors que Trump misait sur des slogans accrocheurs et un discours émotionnellement chargé, Poilievre semble s'orienter vers une rhétorique plus axée sur les enjeux économiques. En critiquant l'inflation et en mettant l'accent sur la nécessité de réduire les impôts, il s'efforce de se présenter comme le champion des Canadiens ordinaires, tout en empruntant les techniques de marketing politique qui ont fait le succès de Trump.

Bien que Poilievre exhibe certains traits communs avec Trump, plusieurs éléments différencient les deux hommes. D'abord, leur parcours politique ne peut pas être comparé. Pierre Poilievre a fait ses armes au sein du Parti conservateur du Canada, occupant divers postes ministériels avant de devenir chef du parti. À l'inverse, Trump est d'abord un homme d'affaires et un outsider qui n'avait aucune expérience politique avant de se présenter en 2016. Cette différence dans le parcours peut influencer leurs visions et leurs approches respectives des politiques publiques.

De plus, le contexte politique canadien et américain diffère grandement. Alors que Trump a réussi à galvaniser une base électorale enracinée dans un mécontentement face aux élites politiques et médiatiques, le Canada présente une culture politique plus centriste, où les électeurs ont tendance à privilégier des discours modérés. Pierre Poilievre doit donc naviguer dans un paysage où les divisions idéologiques ne sont pas aussi marquées qu'aux États-Unis.

Les enjeux de la Politique canadienne

Un autre aspect à considérer est le type d'enjeux politiques auxquels Poilievre tente de répondre. Tandis que Trump se concentrait sur des thématiques telles que l'immigration, le nationalisme et le protectionnisme économique, Poilievre se focalise sur des problèmes qui touchent directement le quotidien des Canadiens. L'inflation, la crise du logement et le coût de la vie sont des sujets qui occupent une place centrale dans son discours. En partie, cela peut être attribué à une différence dans les préoccupations des électorats, les Canadiens étant généralement plus sensibles à la gouvernance économique et sociale.

Au-delà de la politique économique, Poilievre a également fait appel à des valeurs conservatrices traditionnelles, cherchant à renouer avec une base plus large tout en restant fidèle aux principes du parti. Cela indique une stratégie politique différente de celle de Trump, qui a souvent vilipendé les institutions et les conventions établies par son comportement anti-establishment.

L'influence des Médias sociaux

Un autre point de similarité réside dans l'utilisation stratégique des médias sociaux. Tout comme Trump, Poilievre utilise Internet pour contourner les médias traditionnels et atteindre directement les électeurs. Cette technique lui permet de présenter sa version des faits sans filtre et de mobiliser ses partisans autour de sa cause. Néanmoins, bien que les médias sociaux aient eu un rôle crucial dans l'ascension de Trump, leur impact au Canada pourrait être relativement limité par le contraste des réalités socioculturelles et médiatiques.

Pas un mini-Trump, mais un voyou politique

En fin de compte, bien que Pierre Poilievre présente certaines caractéristiques similaires à celles de Donald Trump, notamment en matière de style de communication et de capacité à toucher à des sentiments populistes, il serait erroné de le réduire à un mini-Trump. Le contexte politique canadien, les enjeux socio-économiques et son parcours personnel sculptent une trajectoire différente. Pierre Poilievre incarne une certaine frénésie politique au Canada, mais son avenir dans la scène politique dépendra largement de sa capacité à se distinguer – tant des méthodes que des contenus – par rapport à ses homologues américains.

Les électeurs canadiens finissent souvent par trancher sur la base d'une multitude de facteurs, et Poilievre devra répondre à leurs attentes tout en restant fidèle à une vision conservatrice qui pourrait le départager de son homologue américain. En somme, son avenir politique repose sur sa capacité à allier un discours populiste avec des propositions concrètes et réalistes, qui répondent véritablement aux défis contemporains du Canada. Néanmoins, sa propension à insulter ses adversaires politiques et afficher son mépris pour les représentants des médias en font un cas à part dans l'histoire politique canadienne. Si l'analyse sommaire, honnête et objective, oblige à renoncer à faire de Pierre Poilievre un mini-Trump, il n'empêche que le fait qu'il soit un véritable voyou politique résiste à l'analyse. Je me rétracte. Pierre Poilievre n'est pas un mini-Trump, c'est un voyou politique...


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