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Le scandale d’un livre

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 11 janvier 2023

Jamais je n'aurais imaginé que je doive un jour consacrer une chronique pour dénoncer la censure du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec à l'endroit d'un livre. Le premier ministre de ce gouvernement, François Legault, nous avait habitués à ses recommandations de lectures, mais jamais il ne nous a fait part de sa liste de livre mis à l'index. Chronique sur le ridicule ordinaire...

Le livre à l'index...

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Ce livre dont il est question est celui publié par les éditions Fides. Il est sur les tablettes des librairies depuis le 12 octobre dernier, il s'intitule Le garçon aux pieds à l'envers se présente comme un roman jeunesse, où l'amitié entre des adolescentes est mise à rude épreuve dans une enquête aux frontières du paranormal. Le dernier ouvrage de l'écrivain François Blais est une œuvre publiée à titre posthume, car son auteur étant décédé à l'âge de 49 ans, quelques semaines après avoir terminé l'édition finale de cet ultime roman, en mai dernier.

Or, voilà que quelques jours avant Noël, dans un geste sans précédent dans le monde du livre au Québec, la Direction nationale de santé publique a envoyé par l'entremise de ses directions régionales, un avis à tous les milieux de l'éducation signé par la sous-ministre de la Santé pour leur demander de ne pas promouvoir ni de proposer la lecture du livre Le garçon aux pieds à l'envers, de François Blais. De la censure c'est comme cela qu'il faut appeler cet avis. Lorsque quelque chose ressemble à un chien, que cela a quatre pattes, une queue et qu'il aboie c'est un chien. Jamais je n'aurais cru que le gouvernement du Québec se mettrait à l'heure de la censure. Nous avons déjà à composer avec la culture woke dans nos universités, faut-il en ajouter par notre gouvernement ?

Le cas de censure le plus célèbre et qui a fait les manchettes dans notre histoire c'est de mémoire l'interdiction sous le gouvernement de Maurice Duplessis ,par le Bureau de la censure de l'époque l'interdiction du film français les Enfants du Paradis de Marcel Carné, d'après un scénario de Jacques Prévert. Celles et ceux qui s'intéressent à la question de la censure au Québec peuvent consulter avec profit l'excellent Dictionnaire de la censure au Québec de Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever publié chez Fides en 2006. En ce qui concerne le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec c'est sa troisième intervention à propos d'une œuvre de fiction. Il avait fait des interventions concernant le film d'Yan England 1 :54 en 2016 et sur la série Reasons Why en 2017.

Pourquoi interdire un livre ?

Les motifs de l'interdiction de ce livre par les autorités publiques québécoises sont pour le moins scabreux. Il est vrai que son auteur s'est lui-même suicidé et que ce roman jeunesse a été publié à titre d'œuvre posthume. Cela est-il suffisant pour justifier l'interdiction d'un livre dans une société comme la nôtre ? Poser la question c'est y répondre.

Le contenu de ce livre constitue-t-il une invitation au suicide ? Je ne peux vous le dire avec certitude, car je n'ai pas lu ce livre. Je me fie cependant aux commentaires de nombreux internautes sur les réseaux sociaux et cela ne me semble pas une avenue qui expliquera la décision du ministère. On peut comprendre la sensibilité des autorités de la santé publique à la question du suicide chez les jeunes. Après tout, c'est un drame terrible qui frappe de trop nombreuses fois des familles. Néanmoins, il faut exercer son jugement et rien si ce n'est des élucubrations de bureaucrates ne semble justifier une telle interdiction et l'usage de la censure. Il est vrai que depuis la pandémie, les autorités publiques ont été envahies par un sentiment d'omnipuissance qui fait en sorte que l'on ait très peu de considérations pour les droits et les libertés des gens. Avec l'émergence en force dans notre société de la culture woke américaine, cela créé un contexte favorable à des errements comme celui que je décris dans cette chronique. Cela doit cependant être dénoncé avec force et vigueur. La censure n'a pas sa place dans notre société.

Censurer la littérature, un non-sens

Il n'y a pas de sens à censurer la littérature. Dans les derniers mois, j'ai lu plusieurs romans qui pour une raison ou une autre pourraient faire l'objet de censure de la part des autorités de la santé publique. Dans une œuvre qui deviendra magistrale, le romancier français Éric-Emmanuel Schmitt, dans La traversée des temps qui comptera huit tomes, trois ont été publés jusqu'à présent, raconte l'histoire de l'humanité. La Traversée des temps est un cycle romanesque. Selon son auteur, l'objectif de cette œuvre est de « raconter l'histoire de l'humanité sous une forme purement romanesque, entrer dans l'histoire par des histoires. » Des personnages immortels traversent 8 000 ans d'histoire des civilisations, en commençant au moment du déluge. Imaginez cette fresque où des animaux tous aussi effrayants les uns que les autres dévorent des humains, où des Dieux vengeurs s'acharnent sur les humains, où des humains commettent des crimes abominables, où des tyrans relèguent les femmes au rang d'esclaves sexuelles, où des meurtres sont commis avec de nombreux outrages. Doit-on interdire cette série de romans au Québec ?

Pensons plus près de chez nous à l'œuvre de David Goudreault où dans sa trilogie La bête à sa mère un adolescent séparé de sa mère suicidaire commet les crimes les plus ignobles. La direction de la santé publique devrait-elle interdire cette œuvre aussi et surtout de demander aux écoles de ne plus recevoir David Goudreault comme conférencier ?

On voit bien le ridicule de la position de la Direction de la santé publique dans le cas du roman posthume de François Blais. Je sais que les vacances des fêtes ont fait perdre le fil de l'actualité à plusieurs, mais je suis étonné que ce fait divers ne suscite pas plus d'indignation. La censure c'est inacceptable. Le premier ministre Legault devrait recommander la lecture de ce livre pour faire contrepoids à la bêtise de sa bureaucratie, le ministre Christian Dubé devrait réagir. Surtout, le Dr Boileau devrait demander à sa machine de faire marche arrière. Censurer un livre est un fait inacceptable dans notre société démocratique.

Nous ne pouvons tolérer dans une société libre et démocratique que l'État se permette de jouer aux censeurs selon des principes qui ne sont connus que de ce dernier. Un roman, une œuvre de fiction est créée pour laisser libre cours à l'imagination de celles et ceux qui la partagent. Nous devons faire confiance à l'intelligence et à l'esprit critique des gens même s'ils sont jeunes. Si on juge bon d'interdire un livre parce que son auteur s'est suicidé, nous interdirons quoi demain ? Et voilà l'histoire du scandale d'un livre...


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