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Le nerf de la guerre : l’information


L'ère des fake news est devenue prégnante dans la démocratie américaine. Cela n'est pas sans effet sur nous au Canada et au Québec. Plus que jamais, nous devons combattre les fausses vérités et chercher à rétablir la valeur de l'information et sa crédibilité.
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Photo : crédit photo: Politico.com; KellyAnn Conway
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 29 avril 2020

Plus que jamais, nous vivons dans un monde de communication, il y a peu d'efforts à consentir pour convaincre quiconque de cette réalité. Non seulement nous vivons dans un monde où communiquer c'est tout, mais jamais nous n'avons été aussi informés pour qui veut s'en donner la peine. Là où le bât blesse cependant c'est qu'être informé n'est pas nécessairement un gage de sagesse. Notre époque en témoigne bien.

Aujourd'hui, nous sommes capables d'obtenir en quelques clics des informations sur tout. Pourtant, jamais nous n'aurons été aussi peu bien informés. Ce paradoxe s'explique par bien des phénomènes dont font partie les nouveaux moyens de communication tels les réseaux sociaux, la perversion des codes, la perte de légitimité des institutions et la cerise sur le gâteau, la coexistence de fausses informations sous la forme des théories complotistes et de cette prétention insidieuse qu'il n'y a plus de vérités, mais des vérités. Réflexions libres sur l'information en 2020.

Les mondes alternatifs

Nous devons à la présidence de Donald Trump cette incursion massive dans le monde des faits alternatifs. Pris en flagrant délit de mensonge par la presse américaine sur le nombre présumé des personnes ayant assisté à l'investiture du nouveau président Trump, Kellyanne Conway a évoqué en janvier 2017 la réalité des faits alternatifs de l'expression anglaise alternative facts. C'est l'expression alors utilisée par la conseillère du président Trump, Kellyann Conway, lors d'une rencontre avec la presse, afin de décrire les arguments utilisés par son collègue Sean Spicer, alors porte-parole de la Maison-Blanche relatifs à l'importance de la participation publique lors de l'investiture du président Trump qui s'était déroulée la veille. Les propos de la conseillère du président interviennent après que la plupart des commentateurs politiques ont souligné que, durant toute sa campagne, Trump a recouru des mensonges grossiers et des propos calomnieux à l'égard de sa rivale Hilary Clinton (du président en titre Barack Obama), de la majorité des médias, de l'establishment, etc. ; ce qui ne l'a pas empêché d'être élu.

Ce changement radical de ton, ainsi que le fait qu'un homme politique puisse ouvertement et régulièrement remettre en cause la probité des journalistes, est généralement décrit par le concept « post-vérité ». L'ère des fake news est devenue prégnante dans la démocratie américaine. Cela n'est pas sans effet sur nous au Canada et au Québec. Plus que jamais, nous devons combattre les fausses vérités et chercher à rétablir la valeur de l'information et sa crédibilité. Il faut nous méfier du relativisme ambiant et des affirmations selon lesquelles toutes les vérités sont bonnes et tout le monde a une opinion aussi valable que ce soit un expert ou un citoyen lambda. Un citoyen lambda est une personne quelconque, par opposition à une personnalité connue ou à une élite politique, sociale ou culturelle.

L'exemple de l'étude sur le COVID-19

Si besoin est de nous en convaincre, nous pouvons en prendre la mesure en parcourant les résultats préliminaires d'une enquête canadienne sur les impacts psychosociaux liés à la COVID-19 menée par une équipe interdisciplinaire de l'Université de Sherbrooke dirigée par l'ex-directrice de la santé publique en Estrie, la Dre Mélissa Généreux et dont font partie les professeurs Gabriel Blouin-Genest, Marie-Erve Carignan, Marc D. David et Mathieu Roy. Équipe multidisciplinaire regroupant des chercheurs de six pays, cette étude vise à 1) analyser la perception macro de la population aux messages véhiculés par les autorités de santé publique et d'autres sources sur la pandémie et à 2) mesurer les effets psychosociaux de ces messages sur la population.

Sans surprise, les résultats préliminaires de l'étude nous indiquent, dit la professeure Marie-Ève Carignan, dans un communiqué publié sur le site du département de communication de l'Université de Sherbrooke que « l'on peut déduire que minimalement une personne sur dix au Canada fait une lecture complotiste de la pandémie actuelle. Quand on croise ces données entre elles, on remarque que les réponses associées au complot sont liées les unes aux autres. Elles forment une conviction organisée, marquée par la méfiance à l'endroit de la science et des autorités gouvernementales. »
Dans cette étude, on retrouve les faits saillants suivants :

• « 51,3 % des répondantes et répondants au Canada estiment que le coronavirus est un phénomène naturel.

• Dans des sondages incluant des questions similaires, administrés en mars 2020, 57 % des Français et 43 % des Américains estimaient que le coronavirus est apparu de manière naturelle.

• 52,7 % des répondantes et répondants sont conscients d'avoir été exposés à une nouvelle qui s'est révélée fausse au sujet du coronavirus.

• 38,4 % estiment que leur gouvernement leur cache des informations importantes entourant le coronavirus.

• 15 % estiment que l'industrie pharmaceutique est impliquée dans la propagation du coronavirus.

• 21,3 % estiment qu'il existe déjà un médicament contre le coronavirus.

• 7,8 % des répondantes et répondants québécois et 15,7 % des répondantes et répondants ailleurs au Canada estiment qu'il y a un lien entre la technologie 5G et le coronavirus (différence significative entre le Québec et le reste du Canada).

• Les personnes qui présentent plus de méfiance envers les autorités et appuient plus faiblement les consignes gouvernementales semblent adhérer davantage aux théories complotistes entourant le coronavirus.

• L'adhésion aux théories complotistes et aux fausses nouvelles semble plus élevée chez les plus jeunes et les non-universitaires, ce qui va dans le sens de ce que relève aussi le Conspiracy Watch. Les fausses nouvelles sont donc plus susceptibles de s'ancrer chez les jeunes.

• Les personnes qui s'informent davantage par les autorités officielles ou les médias traditionnels semblent moins adhérer aux théories complotistes. »

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que les théories du complot font des ravages et constituent dans cet exemple précis qu'est la pandémie une menace à notre sécurité. Il faudrait y penser avant de cautionner avec nos clics des théories toutes aussi loufoques les unes que les autres. S'il est apparent dans ce cas que cela n'ait pas de bon sens, pensez-vous que cela a plus de sens quand on voit les mêmes phénomènes dans nos débats de société ? Poser la question c'est y répondre. C'est notre responsabilité d'agir pour éviter la propagation de cette « infodémie » de notre époque.

Que faire alors ?

Source : YouTube.com

Mais dites-vous que faire alors ? On ne peut pas grand-chose contre cet envahissement de fausses nouvelles et de fausses théories qui viennent délégitimer nos institutions et détruire notre tissu social par lequel nous faisons société. Les autorités ont un grand rôle à jouer pour éviter la propagation de l'infodémie dans nos sociétés. Contrairement à la pandémie du coronavirus, nous avons déjà en main un vaccin pour combattre ce fléau, il s'agit de la transparence. Les autorités ont le devoir de considérer que la population est capable d'entendre la vérité sur les différents dossiers et d'avoir l'heure juste. Nous sommes à l'ère de la transparence et cela n'est pas un choix, mais c'est devenu un impératif de notre présent.

Comment ne pas être scandalisée dans un tel contexte du comportement irresponsable, par exemple, de nombreux élus de notre conseil municipal et de notre maire, Steve Lussier, qui s'amusent à dissimuler des informations sur Valoris ou encore les procès-verbaux des organismes paramunicipaux tels Destination Sherbrooke ? Le culte du secret est érigé en système à la Ville de Sherbrooke. On est rendu à bâillonner les bénévoles des conseils d'administration en cherchant à les intimider par des déclarations publiques. De tels comportements liés à des temps révolus ne sont pas appropriés pour combatte l'infodémie qui est le fléau de cette époque. Être un vrai démocrate c'est partager l'information en toute transparence en faisant confiance à l'intelligence des gens.

S'il est vrai que l'information doit être vraie et diffusée en toute transparence, que nous devons nous méfier et combattre les fausses informations et les théories du complot. Il n'en demeure pas moins vrai qu'aujourd'hui comme hier, l'information demeure le nerf de la guerre...


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