« Quand je me
regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. »
La phrase est convenue. Entendue et répétée à maintes
reprises. À en perdre son intérêt, même.
Je la ramène aujourd'hui parce qu'elle se base sur un
principe de guidance dans nos vies. Pouvoir se comparer, peu importe les
sujets, est devenu presque vital. Dans une société dirigée par la performance
et la consommation, on a besoin de repères pour donner un sens à notre vie.
Les entreprises multiplient les indicateurs pour évaluer
leur positionnement. Sans eux, une impression de grand vide s'installe. Dans
notre société, nous sommes aussi de petites entreprises. On compte sur nous
pour performer et pour consommer, l'apport de chacun faisant tourner la machine
qui est le moteur de l'économie.
Toute est dans toute.
C'est ainsi que, dès la naissance, on parle de notre bébé
comme faisant partie de tel percentile par rapport à sa croissance. Déjà, la
place qu'il prendra est mesurée.
Je sais, je sais... Les percentiles sont utiles pour pouvoir
agir, le cas échéant, sur une anomalie X ou Y.
Mais l'image demeure.
Repères et précieux
repères
Je me rappelle mes cours d'histoire avec mon bon vieux prof
Robert Milot au secondaire. Il était question de dates et de contextes
historiques, bien sûr, mais il était surtout question des humains qui
gravitaient dans ces sociétés.
Partout et tout le temps, un point demeure, dans ma
compréhension : le statut qu'on occupe en société détermine notre qualité de
vie et, parfois, notre simple survie dans le système en place.
C'est vrai pour les sociétés communistes et les sociétés
capitalistes et démocratiques. Et toutes les autres, au passage ! Naître dans un contexte ou l'autre vient donc
déterminer des repères qu'on n'a pas choisis.
Mais il y a aussi les précieux repères. Ceux qui sont basés
sur des valeurs auxquelles on choisit d'adhérer. Et qui viennent déterminer le
sens plus profond de nos vies. Ainsi, s'il n'est pas rare qu'une personne bien
nantie agisse positivement sur son entourage (avec des valeurs d'entraide et de
partage, par exemple), il est aussi très fréquent qu'une personne ne possédant
rien ou presque arrive à construire un quotidien équitable et solidaire dans
son entourage immédiat.
Précieux repères que ces derniers...
Environnement et vie
Mais, dans tout ça, il y a ce que nous vivons ici et
maintenant.
Et ça se polarise.
D'un côté, il y a ceux qui sont grugés par une anxiété plus
ou moins latente par rapport aux conséquences de notre rythme de vie. De notre
surconsommation. De notre performance quotidienne.
Ceux qui ne peuvent vivre la journée d'aujourd'hui en
faisant abstraction des journées à venir.
À l'autre bout du spectre, il y a ceux qui vivent
maintenant, sans se soucier des conséquences de quoi que ce soit. Ne
sommes-nous pas libres, après tout ?
Ceux qui ne peuvent plus concevoir que l'item qu'ils
achètent en ligne ne soit pas livré dans les 24 heures suivantes. Ceux qui se
procurent un vélo électrique pour sur performer dans les pistes cyclables et
ainsi démontrer leur supériorité. Ceux qui n'hésiteraient pas à frapper un
autre automobiliste pour une place perdue dans le trafic quotidien.
Vous voyez le genre.
Et il y a tous les autres. Ceux qui gravitent au centre,
tendant parfois d'un bord, parfois de l'autre.
À quand l'égalité ?
Jamais. Sauf, peut-être, lors des grandes catastrophes
naturelles qui ne manqueront pas de nous frapper collectivement au train où
vont les choses.
C'est là que l'image en titre frappe fort. Ceux qui s'en
font aujourd'hui pour ce qui arrivera demain et ceux qui se disent « bof, j'ai
rien qu'une vie à vivre, faque... »
L'anxiété, malgré ses tares et ses inconforts, me semble un
meilleur guide et, surtout, un meilleur semeur de précieux repères...
Clin d'œil de la
semaine
« Le communisme, c'est l'exploitation de l'Homme par
l'Homme. Le capitalisme, c'est le contraire ! »
- Yvon Deschamps