Le 30 octobre dernier, le secrétaire général de
l'ONU, en visite au Népal, nous avertissait que la fonte des glaciers
affecterait plus d'un milliard de personnes, que ceux du Népal avaient perdu
plus de tiers de leurs glaces depuis une trentaine d'années et que le phénomène
s'accentuait.
Plus concrètement, il expliquait que les glaciers
alimentent en eau douce dix des systèmes pluviaux les plus importants du monde,
particulièrement dans le Sud-est asiatique fournissant directement et
indirectement à des milliards de personnes de la nourriture, de l'énergie, de
l'air pur et des revenus.
« Je suis ici sur le toit du monde pour crier,
arrêtez cette folie ». » Les glaciers reculent; Il faut arrêter cela. Nous nous
devons de mettre fin à l'ère des combustibles fossiles », ajoutait-il.
Et plus près de nous.
Cette déclaration intervient quelques jours après
que le gouvernement canadien eut exempté de la taxe carbone tous les
utilisateurs de l'huile à chauffage pour une période de trois ans.
Cette mesure était assortie d'une augmentation de
la subvention accordée aux propriétaires qui transformeraient leur système de
chauffage en un système de thermopompe électrique. Elle bénéficierait
principalement aux consommateurs des Maritimes. Il faut ajouter que l'huile
chauffage est le combustible le plus émetteur de GES sur le marché.
Je n'avais pas terminé ma réflexion sur les
conséquences de cette mesure sur les émissions de GES du Canada que la première
ministre de l'Alberta, Danielle Smith, la dénonce et menace de ne pas remettre
les revenus de la tarification sur le carbone au gouvernement fédéral si
celui-ci n'exempte pas les Albertains de cette taxe, suivi aussitôt de Scott
Moe, premier ministre de la Saskatchewan. Les citoyens de l'Ouest se chauffent
très principalement au gaz naturel. Pour sa part, le chef du Parti conservateur,
Pierre Poilièvre, en profite pour réitérer sa demande d'abolition pure et
simple de la taxe carbone au Canada, suivi de Doug Ford de l'Ontario.
Soulignons ici que la taxe carbone ne s'applique
pas au Québec, ni à la Colombie-Britannique, qui ont toutes deux des systèmes
distincts de plafonnement des émissions de GES sur leur territoire. De plus,
les systèmes de chauffage au Québec sont très principalement alimentés par
l'hydroélectricité donc renouvelable.
Quelques jours plus tard, la majorité des
gouvernements provinciaux décrie aussi la mesure et demande que l'exemption
s'applique à tous les combustibles fossiles de chauffage dont le gaz naturel.
Puis, lundi le 6 novembre, le chef du Parti
conservateur présente un motion à la Chambre des communes demandant au
gouvernement d'étendre cette exemption aux autres formes de chauffage
résidentiel. Le Bloc québécois s'allie au Parti libéral alors que, curieusement,
le NPD se range du côté des Conservateurs, la motion est rejetée à 186 voies
contre 135.
Quelle courte vue sur le défi colossal qui nous
attend.
Vu sous l'angle de la lutte aux changements
climatiques, on constate clairement que cette préoccupation n'est pas la
priorité, je dirais même qu'elle est carrément négligée de la part des partis
conservateurs des provinces canadiennes de l'Ouest.
De toute évidence, l'urgence d'agir lancée par le
secrétaire général de l'ONU sur la fonte des glaciers n'a aucunement fait
partie de la réflexion de ces partis politiques. Pas davantage que l'Arctique
canadien se réchauffe plus rapidement que l'ensemble du climat mondial et que
nos glaciers commencent aussi à disparaître.
Quelques jours plus tard, le commissaire fédéral à
l'environnement, dans son rapport du début novembre, nous informe que, sans de
nouvelles mesures, le Canada ratera sa cible visant à réduire ses émissions de
GES de 40 % par rapport au niveau de 2005 d'ici 2030. Le commissaire insiste
sur l'efficacité de la taxe sur le carbone et préconise son renforcement au
cours des prochaines années. La taxe sur le carbone est considérée au niveau
international comme une mesure phare.
Pierre Poilièvre, s'il était élu, abolirait cette
tarification et « mettrait cet l'argent dans nos poches » au lieu de l'affecter
à la lutte aux changements climatiques.
On sera ainsi un peu plus « riches »
individuellement pour voir évoluer la fonte des glaciers, pour être témoins des
supers feux de forêt, pour subir des tempêtes extrêmes, des inondations
désastreuses, pour voir surgir des virus émanant de la fonte du pergélisol. Et
que ferons-nous de ces quelques dollars supplémentaires dans nos poches lorsque
les sécheresses sévères affecteront les nappes phréatiques et que la montée des
océans saliniseront les eaux douces et j'en passe. Et combien nous coûteront
les nécessaires adaptations à ces conséquences.
SVP. De
la collaboration au lieu de la confrontation.
C'est désolant de constater le caractère
strictement partisan des partis conservateurs. On devrait plutôt exiger que nos
chefs politiques s'aboutent au plan de lutte pour réduire les GES. Qu'il
encourage les bons coups, qu'ils dénoncent les bavures tout en proposant des
mesures alternatives de réduction au lieu de saboter ce qui fonctionne bien.
C'est évident que les plans de lutte au changement
climatique doivent être rigoureusement évalués et corrigés au fur et à mesure
de leur application. Mais on n'a pas encore mis la main sur un « guide de
l'utilisateur » qui nous viendrait d'une civilisation d'une autre planète ayant
réussi avec succès une telle opération.
Yves Nantel
Novembre 2023