L'auteur-compositeur-interprète sherbrookois Jim Corcoran était de la centaine de personnes qui ont assisté au Forum des états généraux des arts et de la culture de l'Estrie le 12 janvier. L'artiste est convaincu que (presque!) seule la passion peut faire avancer la culture d'une région.
« J'ai la certitude que la culture vit sur les interventions de personnes passionnées. Les intervenants de la culture doivent regarder sous la surface. En Estrie, il y a une effervescence extraordinaire, mais elle n'est pas évidente, concède Jim Corcoran. On doit inviter des artistes que les gens connaissent, bien sûr pour rentabiliser les salles, mais on doit aussi offrir les scènes à des gens qui méritent d'être connus. »
Corcoran n'a pas choisi sa carrière : un jour, quelqu'un lui a dit qu'il devrait écrire des chansons et se produire en public. Il l'a fait, c'était il y a quarante ans.
« La chanson, c'est l'enfant gâté des arts populaires, mais il existe tellement de disciplines, d'artistes qui ont besoin des intervenants pour les valoriser. Il est de la responsabilité de ces intervenants d'inclure ces artistes pour qu'ils puissent s'épanouir. Il faut aller les chercher et les encourager, comme on l'a fait un jour avec moi. »
Pour Jim Corcoran, tout passe d'abord par la passion : « Il y a quelque chose à découvrir ici. Le succès de la culture revient toujours à une ou deux personnes pleinement passionnées et ça, ça devient contagieux. Regardez Fred Pellerin, ça prenait quelqu'un de passionné pour qu'en France, on connaisse Saint-Élie-de-Caxton! »
Son conseil aux jeunes artistes : « Les reconnaissances qui m'importent peu sont celles du début de ma carrière quand les gens ont cru en moi. Elles sont venues d'ici. Éventuellement, oui, de Montréal et de Québec. Mais j'ai appris ce qu'était une chanson, un public, un discours, ici. La reconnaissance là où on est, c'est primordial », affirme-t-il.
Surtout, ne pas attendre les subventions. Selon l'artiste, il faut d'abord investir et s'investir dans sa carrière pour devenir bon dans ce que l'on fait.
« Une fois que tu seras bon, il y aura plein de gens qui voudront capitaliser sur ta carrière et les subventions arriveront. Mais si tu ne commences pas tout seul et que tu attends l'argent, c'est que tu ne crois pas assez en toi pour te lancer. Qu'est-ce que tu fais? Qu'est-ce que tu veux faire? Qui es-tu? On doit de forcer les artistes à être des artistes. »
La réciprocité entre éducation et culture
La directrice générale du Cégep de Sherbrooke et hôtesse du Forum des États généraux des arts et de la culture de l'Estrie, Marie-France Bélanger, affirme quant à elle que les établissements comme celui qu'elle dirige font des arts et de la culture le cœur de leur mission.
« Ils sont de formidables lieux de transmission de la culture. Nous y formons aussi une relève artistique qualifiée et allumée. Certains vont décider de faire des arts une carrière, d'autres en feront pour le plaisir et d'autres encore, prendront un autre chemin pour finalement y revenir plusieurs années plus tard. Ceux qui en feront une vie professionnelle peuvent même bénéficier de formation continue en région. »
Elle a d'ailleurs rappelé que seule l'Estrie permet aux musiciens de pratiquer leur art du primaire jusqu'à l'université, tout en bénéficiant des liens entre les ordres d'enseignement.
En retour selon elle, les arts et la culture jouent un rôle primordial en éducation, puisqu'ils « invitent les étudiants à enrichir leur développement personnel, à construire leur vision du monde, à nourrir leur esprit et à façonner leur identité. Une étude publiée en 2012 démontre que l'initiation à la chose culturelle est un facteur de réussite scolaire et sociale. »
Selon Mme Bélanger, l'étude aurait démontré que l'art à l'école contribuerait à diminuer le décrochage scolaire, améliorerait les résultats scolaires, le taux de diplomation et augmenterait les chances de réussite professionnelle, même chez les jeunes provenant de milieux moins favorisés.
« Cela en fait des citoyens engagés. On aurait aussi documenté une démonstration que la fréquentation des arts et de la culture augmenterait le taux de vote chez les gens, par rapport à ceux qui n'ont pas eu cette occasion, souligne-t-elle. Servons-nous des arts et de la culture comme un levier de développement et de cohésion sociale et un levier économique qui crée de la richesse et contribue à façonner notre identité collective. »