Lors de son assemblée générale du 23 mai dernier, l'AGEMDELCUS s'est prononcée contre la loi 78 et a cautionné l'utilisation de la désobéissance civile pacifique par ses membres.
Les membres réunis en assemblée générale ont adopté à l'unanimité une proposition condamnant cette loi spéciale, qui force la suspension des sessions et impose des pénalités très sévères aux individus et associations qui y contreviennent. Contestée, cette loi brime non seulement la liberté d'expression en posant des conditions au droit de manifester, mais elle porte aussi gravement atteinte à la liberté d'association, notamment en retirant aux associations étudiantes le droit de faire respecter des mandats de grève adoptés démocratiquement. D'une part, les amendes extrêmement salées imposées aux membres, aux exécutants et aux associations étudiantes elles-mêmes sont si démesurées qu'elles les mettent de facto hors d'état de fonctionner. D'autre part, le pouvoir accordé aux institutions d'enseignement de retirer les cotisations étudiantes - qui forment l'essentiel des budgets des associations - empêche plus directement encore les associations de mener à bien leurs mandats ainsi que leurs missions les plus fondamentales.
Ayant un budget d'environ 2000 $ par trimestre, l'AGEMDELCUS ne peut assumer de tels coûts. Rappelons que l'amende minimale pour une association étudiante est de 25 000 $ pour une première infraction. Une telle amende nous empêcherait de mener nos activités les plus fondamentales, celles qui consistent notamment à subventionner des colloques, des conférences et des présentations organisées par nos membres. C'est donc la mission académique de l'association qui s'en trouve affectée.
Ceci étant dit, les membres de l'AGEMDELCUS réunis en assemblée générale ont décidé de prendre les risques nécessaires pour combattre la loi 78, que ces risques soient collectifs ou individuels. Vous trouverez en annexe une liste de personnes qui ont accepté d'afficher clairement leur opposition à la loi et appellent à y désobéir de manière pacifique (d'autres personnes pourraient s'y ajouter prochainement).
Désobéissance civile
Les membres ont également explicitement et unanimement cautionné l'utilisation de la désobéissance civile pacifique pour combattre la loi 78. Ceci a été fait en toute connaissance des risques qui pesaient sur les individus et sur l'association.
L'association étudiante s'est basée sur la définition suivante de la désobéissance civile, inspirée des textes de penseurs tels que Henry D. Thoreau, Jürgen Habermas et Ràmon Soriano :
« La désobéissance civile repose sur le refus de reconnaître la légitimité morale d'une loi et, par conséquent, implique le refus de se soumettre aux sanctions prévues pour une infraction en vertu de cette loi; elle prend la forme d'une contestation publique de cette loi, entièrement pacifique par définition, et s'exerçant sur une base rationnelle et volontaire. »
Nous invitons donc nos membres ainsi que toute la communauté sherbrookoise à désobéir à la loi 78 par le biais de manifestations pacifiques, comme ce fut le cas lors des arrestations de vendredi et de lundi derniers. Nous soulignons au passage le courage exemplaire des 50 personnes arrêtées lors de ces deux manifestations.
Brutalité et mensonges de la part du SPS
L'AGEMDELCUS dénonce également la force excessive utilisée par le Service de police de la Ville de Sherbrooke lors de ces deux manifestations. En effet, plusieurs membres se sont montrés surpris du déploiement de l'escouade antiémeute alors qu'aucun geste de violence ni grabuge n'avait été commis.
Nous tenons à souligner que les actions des policiers participent toujours au climat qui règne lors d'une manifestation. Lors de la manifestation du vendredi 18 mai, où 14 personnes ont été arrêtées, les policiers ont chargé brutalement sur les manifestants et leur ont lancé des bombes sonores alors que les manifestants sortaient du parc Jacques-Cartier. Ce sont ces gestes qui, en créant un climat de panique, ont mis en péril la sécurité du public. Ce n'est pas le résultat d'une quelconque « hostilité » de la part des manifestants.
« Se promener à 200 dans un parc, est-ce que c'est hostile? demande Geneviève Bruneau, membre de l'AGEMDELCUS présente à la manifestation. Chanter Harmonium, est-ce que c'est hostile? À l'inverse, est-ce que s'habiller en robot et charger des manifestants c'est hostile? Est-ce que lancer des bombes sonores et des bombes fumigènes c'est hostile? »
Quant à la manifestation du lundi 21 mai, 36 personnes - dont un membre de l'AGEMDELCUS - ont été arrêtées par la police alors qu'elles étaient assises sur le pavé, scandant des slogans pacifiques. Elles sont les premières à être arrêtées en vertu de la loi 78 et font face à des amendes de 1000 $.
Les membres de l'AGEMDELCUS ont d'ailleurs tenu à dénoncer les mensonges et abus de langage qui sont malheureusement trop fréquents dans les communications des différents services de police. Lorsque des confettis sont assimilés à un « engin pyrotechnique » et qu'un manifestant est ainsi accusé d'avoir utilisé une arme contre un policier, nous croyons que cela relève de la malhonnêteté la plus pure et la plus grave.
Nous rappelons d'ailleurs aux journalistes et organismes médiatiques qu'il faut rester critiques par rapport aux communications des services policiers. La rigueur journalistique ne se limite à présenter les paroles de l'un suivies des paroles de l'autre : il faut vérifier les faits.
Rappel historique
Les membres présents à la conférence ont également présenté un bref rappel historique des différents mouvements sociaux québécois qui ont mené à des lois répressives semblables, notamment avant la Crise d'octobre.
En 1969, le maire de Montréal, Jean Drapeau, avait adopté des règlements qui empêchaient les gens de manifester. Les gens ont exprimé autrement leur colère... malheureusement, en tuant un ministre. Jean Charest devrait en tirer une leçon : s'il veut attiser la colère et encourager la violence, c'est en adoptant des lois spéciales qu'il le fera.
À l'inverse, la désobéissance civile a mené à la reconnaissance des droits des syndicats. Le conflit chez United Aircraft a notamment mené à l'adoption de la loi anti-scabs. Nous espérons qu'en désobéissant à la loi 78, nous obtiendrons maintenant la reconnaissance des droits des associations étudiantes et de la légitimité de nos mandats de grève.
Avec environ 200 membres selon les sessions, l'Association générale des étudiantes et des étudiants en maîtrise et doctorat en lettres et communications de l'Université de Sherbrooke (AGEMDELCUS) est la plus importante association étudiante des cycles supérieurs de la Faculté des lettres et sciences humaines. Ses membres sont en grève générale illimitée depuis le 2 mars.
Source : Olivier Robichaud, responsable des communications du comité de grève de l'AGEMDELCUS