Les banquettes arrière des autopatrouilles du Service de police de Sherbrooke sont confortables. Je n'avais pas imaginé.
En fait, oui, j'avais imaginé. Mais dans ma perception, elles étaient plutôt en plastique, pas douillettes et pas du tout confortables. Tout le contraire. En tout cas, celle sur laquelle je me suis retrouvée il y a une semaine l'était.
Vous vous dites sans doute que si je me suis retrouvée sur cette banquette c'est sans doute parce que j'ai fait quelque chose de mal et que je ne méritais pas qu'elle soit confortable... mais détrompez-vous...
En fait, ce soir-là, les rôles ont été inversés. La seule personne qui aurait vraiment dû se retrouver sur cette banquette n'y était pas. Deux innocents y ont été à sa place.
Je rentrais à la maison jeudi soir après une soirée à la Fête du lac. Tranquille, à pied, à jeun. À quelques pas de chez moi, j'ai été témoin d'un accident.
Un chauffard complètement inconscient roulait à sens inverse dans un sens unique. Sans faire d'arrêt, sans même ralentir à l'intersection, il a embouti une voiture de taxi qui circulait tranquillement sur la rue transversale.
La collision a été violente, mais pas assez pour freiner le conducteur qui avait visiblement quelque chose à se reprocher. Il a reculé et pris la fuite à toute vitesse.
J'ai donc accouru pour voir si tout le monde à l'intérieur du taxi était correct. Que le chauffeur qui semblait secoué, mais ok. J'ai ensuite couru, couru pour tenter de mémoriser le plus de détails possible sur le conducteur et la voiture qui venaient de prendre la fuite.
Homme, dans la fin trentaine peut-être, cheveux foncé, pas de lunette, chandail blanc, voiture grise pâle, petite, quatre portes, une américaine, mais qui a des allures de Toyota Echo. J'ai eu beaucoup de difficultés à voir la plaque d'immatriculation. Il est reparti en trombe. Je pense avoir aperçu le H23. Une chose est certaine du moins, le devant de cette voiture est magané. Elle a perdu quelques morceaux lors de l'impact qui a laissé de lourdes traces.
Je suis revenue vers mon chauffeur de taxi pour m'assurer à nouveau de son état. Il était très sonné. Pourquoi, parce qu'en me voyant, il m'a serrée fort dans ces bras, sans même penser que c'était la première fois que nous nous voyions et qu'on ne se connaissait ni d'Ève, ni d'Adam. Mais je pouvais comprendre.
On a jasé un peu. Il a appelé les policiers qui étaient débordés à vider le parc Jacques-Cartier.
Il était, à ce moment, minuit 50. Moi, je devais aller me coucher. Je me levais 2 h 30 plus tard pour me rendre au travail. Mais même si je savais que la nuit serait courte, je n'avais aucune envie d'aller au lit! Je voulais que les policiers arrivent le plus vite possible et qu'on retrouve cet énergumène qui avait pris la fuite.
Pour Milenko, le chauffeur de taxi, et sa voiture, il était trop tard, mais il ne fallait pas qu'il y ait d'autres victimes. Pourquoi il avait pris la fuite... Pourquoi il roulait à cette vitesse. C'était inquiétant. Comme j'étais quasi la seule témoin de cet accident, je voulais juste les aider à retrouver ce con, ce malade.
Il en a fallu du temps avant que les policiers arrivent. Le chauffard avait fait un méchant bout... il était trop tard.
Heureusement, moi, mon souvenir était frais dans ma mémoire.
Et quand j'ai enfin pu faire ma déclaration par écrit sur la banquette de cette autopatrouille, je me suis vraiment dit que c'était injuste. Ce n'est ni moi, ni Milenko qui devions nous retrouver à cet endroit, mais celui qui venait de détruire la voiture de taxi, qui venait de se faire terminer le quart de ce travailleur qui connaissait une bonne nuit et de lui enlever la paye qu'il allait faire dans la semaine!
Jusqu'aux dernières nouvelles, ils n'ont pas retrouvé le chauffeur. Mais si, par pur hasard, avec avez les détails que je viens de vous donner, vous pensez savoir où se trouve celui qui a perturbé un peu mes plans et ma nuit jeudi soir dernier, vous pouvez communiquer avec le Service de police de Sherbrooke au 819-821-5555.