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Notre histoire en archives : la Dominion Cattle Company, une saga de l’Ouest américain

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Photo : Partie d’un chèque de la Dominion Cattle Company, 1883. Archives nationales à Sherbrooke,fonds Dominion Cattle Company (P53, S3, D3).
Bibliothèque et Archives nationales du Québec Par Bibliothèque et Archives nationales du Québec
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Mardi 3 juin 2025

Notre histoire en archives : la Dominion Cattle Company, une saga de l'Ouest américain

Julie Roy, archiviste-coordonnatrice à Bibliothèque et Archives nationales du Québec

La Dominion Cattle Company, une entreprise d'élevage de bœufs fondée en 1882, est un bel exemple de fortunes engagées pour vivre les promesses de grandeur de l'Ouest américain. Elle exploite en effet deux ranchs à la frontière du Texas et de l'Oklahoma, le Day Ranch et le Box T Ranch.

La compagnie est fondée par William B. Ives, de Sherbrooke (originaire de Compton), son beau-frère Rufus H. Pope, de Cookshire, et quelques autres associés. Ces deux gentlemans gravitent dans l'entourage de grands hommes d'affaires riches et influents du comté de Compton, déjà aguerris dans l'élevage de races pures, telles les Longhorn, Hereford et Angus. Citons John Henry Pope, homme politique, entrepreneur ferroviaire, beau-père et père des fondateurs, ainsi que Matthew Henry Cochrane, industriel du domaine de la chaussure, propriétaire de l'immense ferme Hillshurst à Compton et fondateur de la Cochrane Ranche Company Limited dans l'Ouest canadien. Il n'en fallait pas plus pour leur donner la piqûre et éveiller en eux l'espoir le plus fou d'un investissement à succès, cette fois aux États-Unis. 

Couverture du Catalogue of Hereford and Aberdeen Angus Cattle, 1884. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Dominion Cattle Company (P53, S7, D2). En 1884, Ives a pour mission de mettre aux enchères, à Kansas City, 12 génisses et 2 bœufs de race Angus élevés par John Henry Pope de Cookshire.

Réel récit d'aventures du développement de l'Ouest américain, le fonds d'archives de la Dominion Cattle Company, conservé aux Archives nationales à Sherbrooke, livre les dessous de la vie des ranchers et des cowboys.

L'Ouest américain, lieu de cohabitation sous tension

Ce fonds d'archives reflète clairement les tensions causées par la cohabitation des ranchers, des colons et des Amérindiens. L'espace, aussi vaste que l'on peut imaginer, est sauvagement morcelé, et chacun revendique sa part pour des utilisations aux antipodes les unes des autres. L'installation de clôtures nuit au territoire de chasse des uns; le besoin de pâturage provoque des débordements sur les propriétés des autres; les colons construisent leurs petites cabanes ici et là, ces dernières n'offrant qu'un faible rempart de protection en cette période tumultueuse; l'accès aux points d'eau devient un sujet de dispute pour tous les groupes qui tentent de survivre. Bref, l'Ouest s'entredéchire. 

Croquis des clôtures à construire afin de séparer les ranchs K et Day, ce dernier appartenant à la Dominion Cattle Co., 1882. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Dominion Cattle Company (P53, S6, SS1, D2). Le croquis fait état des autres propriétaires en périphérie, des clôtures déjà présentes, des rivières Canadian et Wolf Creek au nord du Texas.

En juillet 1885, au cours d'un voyage entre Sherbrooke et le Texas, William B. Ives est immobilisé à Emporia, au Kansas, et s'apprête à se rendre plus au sud vers son prochain point d'arrêt : Dodge City, une ville frontalière avec l'Oklahoma par laquelle transite le bétail et où l'on doit affronter des périls de toutes sortes.

Afin de connaître le degré de danger lié à la présence amérindienne et de garantir sa sécurité, Ives envoie des télégrammes à ses relations de Dodge City. Les réponses de G. B. Cox, propriétaire du Dodge City Hotel, et de D. M. Frost, éditeur du journal Ford County Globe, sans être alarmantes, témoignent néanmoins d'une réelle tension : l'un se fait sécurisant, l'autre prend les rumeurs au sérieux et lui suggère de retarder sa venue de quelques jours. 

Télégrammes de G. B. Cox et de D. M. Frost, 1885. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Dominion Cattle Company (P53, S5, D3 et D4). « En ce qui concerne les Indiens, vous serez parfaitement en sécurité pendant votre voyage. D. M. Frost »; « Rumeurs d'Indiens au sud [de la ville] non vérifiées. Attendez quelques jours. Geo B. Cox ».

 Ranchers et cowboys, des métiers dangereux

Le fonds d'archives de la Dominion Cattle Co. donne des détails cruciaux sur l'organisation de la vie dans les ranchs : la location de pâturages, les relations avec les autres propriétaires en périphérie, l'achat de bétail, l'installation de clôtures, le marquage des bêtes, l'état des rivières et des pâturages, le matériel nécessaire au travail des cowboys, etc. 

Liste du matériel pouvant être fourni aux employés, entre 1882 et 1886. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Dominion Cattle Company (P53, S6, SS1, D1). Le matériel lié au travail de cowboy (cheval, lasso, harnais, etc.) côtoie celui destiné à la cuisine et à l'hygiène personnelle (casseroles, ustensiles, baril d'eau, moulin à café, bassine, etc.).

La vie dans les ranchs est rude. Les accidents de travail ne sont pas rares et sont relatés dans les rapports  : des employés se retrouvent estropiés après avoir été encornés, piétinés ou avoir reçu des coups de sabots. De plus, dans l'état de proximité où les employés sont tenus (travailler ensemble et vivre ensemble, jour et nuit), les sangs s'échauffent et des querelles surviennent, parfois avec des conséquences extrêmes. En effet, dans les états financiers de 1883, une note manuscrite rapporte le meurtre de G.  C. Smith, aide-contremaître, à la suite d'une querelle avec un certain Thurman au ranch Day. 

Extrait des états financiers, août 1883. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Dominion Cattle Company (P53, S3, D2).

Une série de coups du sort

Enfin, le fonds d'archives de la Dominion Cattle Co. témoigne de la préoccupation des administrateurs au sujet des maladies et des intempéries qui affectent les troupeaux. L'inventaire des animaux est dressé tous les mois dans les états financiers, lesquels sont annotés pour expliquer les disparités.

En octobre 1883, les états financiers dénombrent la perte de 977 bœufs de trois ans, sans toutefois en expliquer les causes.

En mai 1884, une inscription manuscrite témoigne de la perte de 117 chevaux : « Died at Soghurn Farm from Texas itch, Loco poisoning, and severe cold weather. A combination of evils that nothing short of a special dispensation of Providence could overcome ». La Texas itch est une démangeaison causée par les mites qui serait originaire du Texas. La contagion entraînait la mort de bon nombre de bêtes, souvent des conséquences de plaies infectées parce qu'elles se grattaient contre les fils barbelés des clôtures. Quant à la Locoweed, c'est une plante toxique de l'ouest des États-Unis qui, consommée régulièrement, cause des dommages neurologiques irréversibles.   

En janvier 1886, une tempête de neige sans précédent précipite le déclin de l'élevage de bétail aux États-Unis. Seulement pour la Dominion Cattle Company, le froid intense tue 15 000 bêtes, une perte estimée à 375 000 $ (une valeur de 12,5 millions de dollars aujourd'hui)!

La fin de l'aventure

Malgré un bon départ en 1882, une entrée à la Bourse de Montréal en 1884, l'ouverture d'un bureau des ventes en Angleterre la même année et l'apport de sang neuf par la vente de parts auprès d'investisseurs anglais et écossais, la Dominion Cattle Company ne survit pas aux coups du sort répétés qui déciment les troupeaux. Les activités de la compagnie sont en déclin dès 1886 et la compagnie déclare finalement faillite en 1888.

C'est donc par l'intermédiaire de la juridiction des faillites de la Cour supérieure du district judiciaire de Saint-François que ces documents, en possession de William B. Ives, se sont retrouvés aux Archives nationales à Sherbrooke.

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Les Archives nationales à Sherbrooke sont situées au 

225, rue Frontenac, bureau 401 

819 820-3010, poste 6330 

archives.sherbrooke@banq.qc.ca 



« Décédés à la ferme Soghurn des suites de la Texas itch, d'un empoisonnement par la Loco, et d'une exposition à une température glaciale. Une combinaison de maux à laquelle nul ne pourrait survivre, à moins d'une dispense spéciale de la Providence. »


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