Ce n'est pas Renée Martel, l'artiste, qui s'est adressée aux personnes venues l'entendre récemment à la salle communautaire de Weedon. C'est la femme fragilisée, écorchée par les épreuves de la vie qui tente à petits pas chaque jour de s'éloigner du gouffre qui a failli lui coûter la vie à quelques reprises. Consciente qu'elle se dirige dans la bonne voie, Renée Martel a espoir que les jours meilleurs sont devant elle et invite les gens à se battre. Chaque individu a une force en lui qu'il ne soupçonne pas, lance-t-elle en guise de message.
L'invitée s'est adressée aux gens dans le cadre de la Semaine de la santé mentale à l'invitation de l'organisme régional Virage Santé mentale. Visiblement mal à l'aise au début de son allocution, Renée Martel mentionne «il est plus facile de parler de la carrière que de la femme. Je vais parler de mes dix dernières années». Cet exercice n'a pas semblé facile, à quelques reprises, l'invitée faisait une pause afin de laisser passer l'émotion et la douleur qui la traversaient. Cela ne l'a pas empêché d'aller jusqu'au bout de son message.
«On ne peut parler de santé mentale sans parler d'alcoolisme et de toxicomanie. Pour moi, la santé mentale, c'est quand la raison se déconnecte. On agit de façon qu'on ne se reconnaît plus. J'ai des qualités, mais j'ai énormément de difficultés, comme être humain, à traverser les chocs». Renée Martel raconte les différentes épreuves qui l'ont terrassée, fait en sorte qu'elle plonge surtout dans l'alcool, mais également la toxicomanie. Un accident de ski alpin qui la handicape à la jambe gauche la clouant en fauteuil roulant pendant un an, l'annonce d'une maladie pulmonaire obligeant l'ablation de la moitié d'un poumon et le décès de son père dans une période rapprochée «ça m'a jetée à terre pour vrai. J'ai fait une énorme dépression et je suis retombée dans l'alcool après 17 ans d'abstinence».
En pleine dépression, l'invitée raconte qu'elle se sépare en 2000 de son conjoint croyant que c'était sa faute. Résultat, elle sombre davantage et fait une tentative de suicide en 2002 croyant que c'était la meilleure chose à faire. Même séparé, le couple vivra à proximité l'un de l'autre dans des résidences différentes. Mme Martel entreprend une thérapie. Par la suite survient un grave accident d'automobile et s'ajoute l'annonce par son ex-conjoint, âgé de 65 ans, qu'il avait une blonde de 35 ans. «Comment voulez-vous vous battre contre une jeune femme de 35 ans? Je me disais: tout le monde me lâche, même mon mari. J'ai fait une tentative de suicide. C'est une amie qui m'a appelé pendant que j'étais en train d'essayer. J'ai passé deux mois en psychiatrie à l'hôpital. J'étais médicamentée au «max». Aujourd'hui, je ne prends aucun médicament, même pas une Tylénol».
L'amour Mme Martel raconte avec émotion la rencontre de son plus récent amour qui aura une fin tragique. «J'ai revu l'homme, Bruno. On était passionnés, amoureux fous. Bruno avait un problème, il était toxicomane». L'invitée mentionne avoir connu un monde d'enfer, mais à la fois des moments heureux inoubliables. Elle raconte comment son amoureux lui a été d'un secours. «C'est lui qui m'a aidé à revenir dans le métier. C'est à lui que je le dois». Par contre, différentes épreuves ont également fait que son conjoint de coeur a sombré dans la toxicomanie pour se retrouver à la Maison Jean Lapointe. Elle ajoutera avoir vécu des moments pénibles en 2007-2008 avec le divorce de son mari et l'annonce que le père de son fils a un cancer en phase terminale. «Pendant que je divorçais le 8 juillet, Bruno me demandait en mariage le 17 juillet et j'ai dit oui. J'ai passé le plus bel été de ma vie. Pour une raison que je ne saurai jamais, il a rechuté le 9 septembre; ça a duré une semaine. Le 16 septembre, les ambulanciers l'ont trouvé mourant sous un arbre. Il avait essayé de se suicider. Le mardi, il m'appelle à 11 h 20 pour me dire, ils m'ont donné congé. C'est un homme désemparé et en colère qui revient à la maison». Mme Martel expliquera sa détresse en attendant son homme qui devait rentrer, pour apprendre par la suite qu'il s'est donné la mort. «Après l'enterrement, je me suis achetée de l'alcool et tentée de me suicider. C'est ma fille qui m'a appelé pour me demander ce que je faisais. Je lui ai dit que j'essaye de me pendre et tu me déranges. Les ambulanciers sont venus me décrocher». Par la suite, Mme Martel a continué de vivre un enfer cherchant à se réconforter dans l'alcool, perdant tout contact avec la réalité. «Ça a duré huit mois et demi. Je ne me lavais pas, ne mangeais pas, ne savais pas quel jour on était. Quelqu'un m'a apporté en maison de thérapie. Quand j'ai fait cette thérapie, j'ai dit je vais essayer de vivre. J'ai constaté qu'il y avait plein de monde qui voulait m'aider, mais moi, je ne voulais pas. J'ai essayé, tranquillement, mais vraiment tranquillement pas vite. Je suis venue à bout de me sortir du trou. J'ai fait des petits pas. Je ne suis pas bien loin du trou, mais je m'en éloigne chaque jour. J'ai retrouvé la raison, recommencé à vivre, recommencé à voir mes enfants. J'essaie de trouver un équilibre, ce n'est pas facile, mais ça va un peu mieux chaque jour. Là, j'ai de l'espoir», de conclure l'invitée sous une salve d'applaudissements.
Photo : C'est parfois la voix étouffée par l'émotion que Renée Martel a raconté sa vie des dix dernières années.