Seul fabricant de barils en acier inoxydable destinés à entreposer le sirop d'érable, Bruno Carrier, propriétaire de l'entreprise Barinox, les fabrique depuis treize ans en format de 34 gallons. Il les vend aussi bien au Québec, qu'en Nouvelle-Angleterre, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
«C'est plus de 200 000 barils qu'il faut remplacer pour faire suite à la décision de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ). L'organisme, après avoir étudié la question, oblige les acériculteurs à utiliser ceux qui sont fabriqués à Weedon. Ces contenants répondent à des critères très exigeants de la FPAQ, dont celui de ne pas avoir de recoins qui ne pourraient être nettoyés. Le lissé de nos barils fait en sorte qu'un bon lavage les rend stérile. Il n'y reste plus de résidus qui pourraient contaminer les prochaines récoltes», déclarait-il.
«Le gouvernement américain exige qu'au Vermont, dès le printemps prochain, les acériculteurs changent les barils en acier galvanisé ou peinturé à l'époxy, et ceux de plastique par les produits Barinox. Au Québec, l'utilisation de ces barils se fera plus graduellement», ajoutait-il.
Carrossier de formation, M. Carrier a développé son expertise de fabricant de barriques lorsqu'il a travaillé dans une usine sherbrookoise qui assemble des barils du même genre. Ces derniers étaient destinés à emmagasiner l'eau lourde radioactive des centrales nucléaires. Ils sont enfouis au fond de mines désaffectées où on espère qu'ils dureront plusieurs milliers d'années. Son travail de cultivateur, qu'il a exercé pendant 10 ans, lui a enseigné l'art de créer ses outils, et à en faire l'entretien. Ces expériences de premier ordre lui ont permis de concevoir certains outillages pour son entreprise.
M. Carrier fabrique, avec sa dizaine d'employés, entre 12 000 et 15 000 barils par année à partir de feuilles d'acier inoxydable qu'il importe du Kentucky et de l'Illinois. Il n'achète pas celles qui viennent de Chine. De plus, la traçabilité des matériaux utilisés est très importante dans les politiques d'import/export. Les bouchons et les embouts filetés proviennent de la Nouvelle-Orléans et de la région de Chicago.
Il faut deux heures pour fabriquer un tonnelet à partir des feuilles d'acier inoxydable. Les soudures au TIG, qui fusionnent les deux lèvres de la plaque devenue cylindre, assurent une étanchéité impeccable et une surface polie, où les bactéries qui pourraient nuire à la qualité du sirop n'ont aucune prise. Le TIG est un procédé de soudure à l'arc où une électrode non fusible, combinée à l'action de l'argon, est utilisée pour transformer une mince bande d'acier en plasma. En refroidissant, les deux bords sont fusionnés contrairement à la soudure ordinaire qui nécessite un ajout de métal en fusion pour réunir deux pièces à souder. Le TIG procure un lissé exceptionnel.
Pour fabriquer un baril, il faut de 35 à 40 opérations différentes: façonner le couvercle, y installer l'embout qui recevra le bouchon, souder la feuille d'acier en cylindre, la consolider en y faisant deux bosses, adapter le fond et le dessus et ainsi de suite. Lorsque le baril est tout assemblé, les employés doivent en vérifier l'étanchéité et enfin, ils le lavent pour qu'il soit prêt à l'usage.
M. Carrier, afin d'augmenter la production et d'en assurer une meilleure qualité, vient d'acheter une nouvelle soudeuse TIG. Comme la nécessité crée l'outil, il a dû en inventer plusieurs pour en arriver à produire des barils haut de gamme qui sont tous numérotés. Certains même sont identifiés au nom de l'acheteur. Ce travail d'embossage se fait avec une presse et des caractères mobiles, comme dans le bon vieux temps de la typographie. En construisant un appentis neuf, attaché au corps de l'usine, il vient de résoudre un problème important de rangement. C'est plus de 300 000 $ qu'il a investi dans son entreprise qui a le vent dans les voiles.
En plus de contenir du sirop d'érable, les barils de M. Carrier sont utilisés pour entreposer des huiles essentielles, des acides comme l'acide nitrique et même du vin. L'entrepreneur est conscient que, pour l'instant, il a le monopole. Aussi, voit-il à ce que sa production soit parfaite afin de contrer les effets d'une concurrence qu'il sent poindre à l'horizon. Il projette embaucher de nouveaux travailleurs, et il prévoit agrandir dans un avenir rapproché afin de satisfaire à la demande.
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À gauche, Bruno Carrier pose devant la nouvelle soudeuse TIG qu'opère Claude Gagné. L'entreprise de Weedon, qui fournit du travail à une dizaine d'employés, fabrique entre 12 000 et 15 000 barils par année.