Le Mont Orford, joyau naturel des Cantons-de-l'Est, fait de
nouveau l'objet d'une vive attention. Situé au cœur d'un parc national
prisé pour ses paysages et ses activités de plein air, ce massif
québécois est aujourd'hui au centre de spéculations sur un potentiel
virage touristique à grande échelle. Bien qu'aucun projet officiel de
casino n'ait été annoncé, la crainte d'une dérive vers un modèle de
divertissement de type « Las Vegas » refait surface chez les acteurs
environnementaux et citoyens.
Plusieurs indices suggèrent
une volonté de renforcer l'attractivité économique du site. La
Corporation Ski & Golf Mont-Orford a annoncé un investissement de 20
millions de dollars pour moderniser ses installations, développer des
activités estivales comme le vélo de montagne, et améliorer l'accueil
des visiteurs. Cette stratégie de diversification s'inscrit dans un
contexte plus large, où le jeu en ligne connaît aussi un essor notable
au Canada.D'ailleurs, pour un aperçu des tendances actuelles, consultez informations ici.
Un précédent douloureux : la tentative de privatisation de 2006
L'histoire
récente du Mont Orford est marquée par une controverse majeure. En
2006, le gouvernement libéral de Jean Charest avait tenté de vendre une
partie du parc national à des intérêts privés, en vue d'un développement
immobilier. Cette annonce avait alors provoqué une vaste mobilisation
citoyenne, réunissant écologistes, élus locaux et artistes, autour de
la coalition SOS Parc Orford. Selon Le Devoir, dans son édition du 21
juin 2006, la pression populaire avait fini par porter ses fruits : le projet avait été abandonné, et la montagne restituée à son statut protégé.
Ce
souvenir reste vif. À peine le mot « casino » circule-t-il dans les
cercles de discussion que les associations locales s'activent. Le groupe
« Sauvons Orford », né dans la foulée des précédentes mobilisations, a
déjà fait savoir qu'il suivrait de près toute initiative visant à
implanter un établissement de jeux dans le secteur. Selon Radio-Canada,
dans son reportage du 28 mai 2025, les membres du collectif dénoncent un
« modèle touristique dépassé, importé d'une autre époque », et
craignent un impact irréversible sur la biodiversité.
Un modèle touristique sous tension
L'évocation
d'un éventuel casino « style Vegas » renvoie à un modèle de
développement fondé sur l'hyper-divertissement : jeux d'argent, hôtels,
spectacles, restauration à grande échelle. Une approche que plusieurs
observateurs jugent aujourd'hui en décalage avec les aspirations
écotouristiques et locales.
Même à Las Vegas, cette formule montre
des signes d'essoufflement. La ville cherche désormais à se
repositionner sur des offres moins dépendantes du jeu, en raison de la
stagnation des revenus liés aux machines à sous et des préoccupations
environnementales croissantes, notamment sur la consommation énergétique
et l'accès à l'eau.
Dans ce contexte, transposer un tel modèle au
cœur d'un parc naturel québécois suscite de nombreuses réserves. Les
chiffres de Tourisme Cantons-de-l'Est indiquent par ailleurs une
progression continue du nombre de visiteurs depuis 2022, tirée par les
sports de nature et les événements culturels. Selon le bilan de l'été
2023 publié par Tourisme Cantons-de-l'Est, la région a accueilli environ
10 millions de visiteurs annuellement, ce qui la place au quatrième
rang des régions les plus visitées au Québec. Pour plusieurs acteurs
locaux, cela confirme que le site n'a pas besoin d'un casino pour
séduire.
Une vigilance environnementale permanente
Le parc national du
Mont-Orford abrite une biodiversité précieuse. Il joue aussi un rôle
écologique régional important comme corridor faunique entre les parcs
voisins. L'intensification des aménagements, quelle que soit leur forme,
pose la question de l'impact cumulé sur les écosystèmes.
Bien que
rien n'ait été officiellement annoncé concernant un projet de casino,
toute transformation d'envergure dans un parc national comme celui du
Mont-Orford serait, en vertu des lois québécoises en vigueur, soumise à
des évaluations environnementales encadrées. Les principes de
conservation à long terme sont au cœur de la mission de la Sépaq, gestionnaire du parc, ce qui impose des exigences strictes pour tout développement touristique.
Économie locale et équilibre territorial
Le débat n'est pas uniquement écologique. Il touche aussi à l'identité et à la dynamique sociale du territoire.
L'hôtellerie indépendante, les entreprises de plein air et les
résidents permanents redoutent que des investissements trop ambitieux ne
bouleversent l'équilibre local, avec une hausse des prix, une pression
accrue sur les infrastructures et une perte du caractère paisible du
lieu.
À ce jour, aucune déclaration officielle n'a été faite par
la Société des casinos du Québec (Loto-Québec) concernant l'Estrie. Le
sujet d'un nouveau site n'a pas non plus été abordé publiquement par le
gouvernement. Mais la méfiance s'installe : les précédents ont laissé
des traces, et les citoyens veulent être consultés en amont de toute
transformation d'envergure.
Une hypothèse qui soulève déjà des résistances
On
ne peut pas parler de réalité concrète pour autant, le « casino du Mont
Orford » est aujourd'hui une hypothèse qui reflète des tensions bien
réelles entre développement et protection. À défaut de documents
officiels ou de projets déposés, c'est la mémoire collective, marquée
par les luttes passées, qui fait surgir cette crainte. Pour certains, la
vigilance est une précaution nécessaire ; pour d'autres, elle traduit
une méfiance légitime envers les décisions prises sans consultation.
L'avenir
du Mont Orford dépendra de la capacité des décideurs à respecter
l'équilibre fragile entre attractivité économique et responsabilité
environnementale. Ce territoire mérite mieux que des spéculations : il
mérite un débat ouvert, informé et ancré dans les réalités locales.