La sentence de flagellation que subit le prisonnier d'opinion Raïf Badawi provoque inévitablement des séquelles psychiques majeures.
Le blogueur saoudien a reçu le 9 janvier dernier 50 coups de fouet sur la place publique. C'est au total 1 000 coups de fouet que recevra Raïf Badawi au cours des vingt prochaines semaines à moins d'un revirement de situation majeur.
« Toute atteinte à notre corps est une atteinte à notre psychisme. Toute maltraitance physique est traumatisante. Elle peut entrainer un traumatisme psychique important ainsi qu'un stress post-traumatique », explique Garine Papazian-Zohrabian, psychologue et professeure agrégée au Département de psychopédagogie et d'andragogie de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal.
La sentence de 1 000 coups de fouet est une maltraitance extrême qui peut engendrer des conséquences psychiques d'autant plus préoccupantes. En effet, la professeure indique que dans ce cas précis, la personne rencontre en quelque sorte la mort parce qu'elle pense que son corps ne supportera pas autant de coups de fouet.
Autre élément aggravant dans le cas de Raïf Badawi est le fait que les coups de fouet seront portés sur une longue période de temps : « lorsque la violence est faite de manière répétitive, il y a une angoisse et un stress permanents que ressent la personne. Ce qui fait que la situation est plus traumatisante », ajoute Mme Papazian-Zohrabian qui a travaillé en Arménie avec Médecins sans frontières après la guerre et une douzaine d'années au Liban en tant que psychothérapeute.
Une injustice qui ne fait aucun sens
Être torturé pour avoir promu la liberté d'expression est une injustice profonde qui ne fait aucun sens pour le commun des mortels. Le sentiment d'injustice est un facteur aggravant au traumatisme : « La personne se dit qu'elle ne mérite pas cette sentence, qu'aucun humain ne mérite d'être flagellé. La personne ressent qu'on la prive de sa pensée, qu'on la prive de sa liberté d'expression », poursuit la psychologue.
Selon Mme Papazian-Zohrabian, Raïf Badawi devra trouver un sens à ces événements : « Il faut qu'il arrive à trouver un sens à tout ce qu'il a vécu et il devra faire le point avec le passé pour trouver son intégrité et être cohérent avec lui-même. Il doit continuer à croire en ses actions et en la liberté d'expression. Ça pourra lui donner une certaine force et être un facteur atténuant pour le traumatisme. »
De nombreux organismes internationaux travaillent avec des victimes de torture pour les aider à se réhabiliter. Le travail est long et périlleux, mais nécessaire, assure la professeure qui a travaillé notamment en situation de guerre et de post-guerre. « Il va surement avoir des cicatrices corporelles et psychiques importantes. À sa sortie de prison, les plaies psychiques seront très ouvertes. Il faudra nécessairement une psychothérapie et un accompagnement », conclut Garine Papazian-Zohrabian.