Quelques centaines de réfugiés arriveront à Sherbrooke dans les prochaines semaines dans le cadre du plan d'accueil du premier ministre Justin Trudeau. Spécialiste en régionalisation de l'immigration, la professeure Michèle Vatz Laaroussi s'inquiète de la médiatisation entourant leur arrivée.
Compte tenu de toute cette attention médiatique dont bénéficient les Syriens, notamment en raison du petit Alan Kurdi retrouvé sur une plage, d'autres communautés déjà installées pourraient-elles éprouver une certaine forme de jalousie envers eux? Selon la professeure titulaire de l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke, oui.
Toutefois, difficile de prédire qu'il se produira des dérapages (comme le craignent certains) avec l'arrivée de plusieurs centaines de réfugiés syriens dans la région. Du moins, pas plus qu'avec les précédentes vagues de réfugiés. Il sera cependant impératif de faire en sorte que l'image que les Sherbrookois se feront des nouveaux arrivants ne sera pas figée.
« Il y a beaucoup de médiatisation, mais à nulle part on ne discute du fait que la population qui arrivera est hétérogène. Le risque, c'est d'avoir une image figée des nouveaux arrivants alors que le groupe est composé de toutes sortes de populations. Il faudra impérativement leur laisser le temps d'arriver et d'exprimer ce qu'ils sont. Ils pourront ainsi mieux prendre leur place. »
Selon la professeure, il sera important pour la société d'accueil de regarder les nouveaux arrivants tels qu'ils sont et tels qu'ils se montreront dans leur diversité religieuse et de capacités.
« Il faut absolument éviter la compétition et les fissions qui pourraient survenir entre les communautés culturelle. Il existe un risque dans la médiatisation dont n'ont pas bénéficié les réfugiés de l'Afrique sub-saharienne, par exemple. Il faudra redescendre sur terre lorsque l'effet d'annonce s'estompera. Les réfugiés syriens ne sont pas différents des vagues précédentes. »
Selon la professeure, le momentum est excellent pour pratiquer se parler en tant que communauté d'accueil. Surtout, tenir compte des difficultés d'intégration qu'on pu vivre toutes les vagues de réfugiés et éviter de permettre traitements de faveur et privilèges qu'on n'accordera pas aux suivants.
« Par exemple, beaucoup de réfugiés de l'ex-Yougoslavie n'ont jamais retrouvé d'emploi à la hauteur de leurs compétences, affirme Mme Vatz Laaroussi. Si les entreprises se disent ouvertes à offrir des postes aux réfugiés syriens, elles doivent l'être pour d'autres réfugiés et même des immigrants qui sont ici depuis longtemps et qui ont des difficultés à se trouver du travail. Si les Syriens n'auront pas à payer leurs frais de voyage, il faut profiter du moment pour décréter que dorénavant, les frais de voyage des autres réfugiés seront aussi couverts. »
Par ailleurs, Michèle Vatz Laaroussi affirme que les attentes vis-à-vis des Syriens sont loin d'être réalistes notamment en ce qui concerne l'emploi. En effet, ceux-ci devront tout d'abord et entre autres compléter un processus de francisation.
« Certains nécessiterons de plus des soins physiques, d'autres psychologiques et la grande majorité d'entre eux auront besoin de repos. Il faut se rappeler que la plupart des gens ont quitté leur pays sous les bombes, la violence, qu'ils vivaient dans des camps et en situation d'extrême précarité. J'étais surprise d'entendre parler d'emploi parce que lorsqu'on connaît la trajectoire des réfugiés, on sait très bien que l'emploi n'est pas pour tout de suite. »
Selon la professeure, le premier objectif des familles sera de stabiliser les enfants.
« Ils bénéficieront de l'aide sociale en arrivant et seront intégrés à un processus de francisation. Ils devront aussi se bâtir de nouveaux repères. Dans les écoles, les enfants devront pouvoir bénéficier des meilleures conditions d'accueil. Lorsque les enfants sont pris en charge, ça sécurise les familles. Ensuite, les parents prendront leur place », conclut professeur Vatz Laaroussi.