Par crainte de voir leur industrie s'écrouler par un
Partenariat transpacifique (PTP) qui négligerait d'inclure le système de
gestion de l'offre canadien, les producteurs de lait, d'œufs et de volailles de
l'Estrie ont manifesté mercredi soir à Ascot Corner.
Le système de gestion de l'offre au Canada fait en sorte que les producteurs ne produisent que les volumes nécessaires pour répondre à la demande des consommateurs. On évite de créer des surplus qui devraient être écoulés à perte. Le prix du marché prime dans cette gestion et les producteurs ne bénéficient d'aucune subvention gouvernementale, contrairement à plusieurs pays du monde, dont plusieurs qui négocient actuellement les termes du PTP.
La crainte d'une ouverture de 10% du marché
« Il y a actuellement une rumeur qui circule comme quoi
le Canada permettrait une ouverture du marché laitier de 10%. On n'en sait pas
plus, ce sont des rumeurs, affirmait mercredi soir le vice-président des
producteurs de lait de l'Estrie, Marcel Blais. Ce qui certain, c'est que ça
nous ferait mal. Ça commence par 10% et ça finira à quoi? »
Les producteurs québécois se sont déjà fait avoir avec l'accord de libre-échange avec l'Europe.
« On est sceptique quant à l'engagement de M. Harper parce que l'accord avec l'Europe a ouvert la porte à
17 000 tonnes de fromage, alors qu'on nous promettait des impacts mineurs. Les producteurs sont inquiets, il n'y a aucun
plan pour nous rassurer. »
Plus tôt cette semaine, le gouvernement du Québec a assuré
son soutien pour protéger la gestion de l'offre dans le cadre des négociations
du PTP. D'ailleurs, les ministres québécois Jacques Daoust et Pierre Paradis
ont été dépêchés à Atlanta, où se déroule la négociation impliquant une
douzaine de pays.
M. Blais affirme que la production et la transformation de l'industrie
laitière représentent environ six milliards de dollars chacune en retombées. 10%
de moins signifierait donc 1,2 milliards de dollars en moins dans l'économie
canadienne. Une catastrophe, pour M. Blais.
La relève est
inquiète
Les frangins Maxime et Maude Fontaine sont la sixième
génération de production laitière de la Ferme Fontabel de Weedon. Le patrimoine
dont ils ont hérité est menacé par une brèche à la frontière qui ferait entrer
du lait américain dans le marché québécois.
Pour Maude, « les manifestations de cette semaine servent
à démontrer qu'on est forts et unis partout au Québec. »
Selon Maxime, il faut conserver la gestion de l'offre et
être plus rigide sur l'entrée de produits américains sur le marché. Selon le
jeune producteur, toute brèche aura des conséquences majeures et le contrôle
des produits deviendra très difficile.
Mais encore plus important encore, il faut protéger cette
stabilité des prix du lait qui permet aux producteurs de survivre, année après
année.
« Si les prix du lait tombent, on ne pourra pas avoir d'entreprises
rentables et transférables aux générations futures. On veut un prix stable, que
les fermes sont humainement accessibles », affirme la jeune femme.
Car les producteurs de lait ont déjà subi un dur coup cet
été en raison d'une baisse de 15 % des prix du lait. À la Ferme Fontabel,
l'impact a été notable.
« On a perdu environ 5000 $ par mois. Ajoutez
encore un autre 10 %, et on aura beaucoup de difficultés », explique
Maxime.
« Actuellement, on est à dix sous de moins l'hectolitre
par rapport à l'an dernier. Les chutes de prix, ça freine notre expansion, ça
nous empêche de nous moderniser et d'être compétitifs », conclu Maude.
Gustavo Labrador se
positionne (enfin?)
La manifestation s'est tenue en marge d'un débat entre les
candidats de la circonscription de Compton-Standstead. La libérale Marie-Claude
Bibeau, la bloquiste France Bonsant et le néodémocrate Jean Rousseau ont
réitéré leur engagement à protéger la gestion de l'offre au Canada.
« Je répète ce que le gouvernement dit depuis longtemps :
nous allons protéger la gestion de l'offre. Nous croyons que l'industrie laitière
est vitale et nous allons continuer de travailler là-dessus. Nous avons signé
plus de 35 accords de libre-échange, nous avons toujours protégé la gestion de
l'offre et nous allons continuer à le faire. »Le candidat conservateur, Gustavo Labrador, affirmait
mercredi que son parti avait toujours protégé le système et qu'il continuerait
de le faire.
Selon lui, les craintes des producteurs seraient non fondées
puisqu'il n'a rien entendu sur des intentions de laisser sur la table 10% du
marché.