Ce n'est pas tout le monde qui a le réflexe de signer l'endos de sa carte d'assurance maladie ou encore, de partager sa volonté en ce qui concerne le don d'organes et de tissus. Pourtant, de simples gestes comme ceux-là peuvent faire une grande différence dans la vie d'une personne en attente d'une greffe. Parlez-en à Martine Ouellet, Marie-Pier Savaria, Benoit Lefebvre et Michel Carpentier, qui ont tous été témoins de cette grandeur d'âme.
Hugo, 21 ans, a demandé à sa famille en 2004 d'avoir une discussion concernant le don d'organes. « Il se demandait pourquoi il y avait des gens qui laissaient mourir leurs organes au cimetière ou qui les brulaient tandis qu'il y en avait d'autres qui demandaient juste un organe, raconte Martine Ouellet, mère d'Hugo. Il trouvait que c'était égoïste. On avait la même incompréhension. »
C'est à ce moment que la famille d'Hugo a compris son intérêt pour le don d'organes et de tissus. Le 1er novembre 2004, Hugo se dirigeait au travail pour entamer sa dernière semaine de stage en électromécanique lorsqu'il est entré en collision avec un camion. Résultat : fracture de l'os de la joue droite et traumatisme crânien sévère.
Après plusieurs jours à l'hôpital, la situation n'allait pas en s'améliorant. Les parents d'Hugo ont donc décidé ce qui était le mieux pour leur fils. « Hugo voulait être donneur d'organes et on le savait, poursuit Mme Ouellet. On ne pouvait pas l'empêcher de réaliser son dernier désir. C'est la dernière chose qu'on pouvait lui donner. »
À l'époque, la mort cérébrale ne pouvait être déclarée puisqu'il y avait peu de protocoles en vigueur. Hugo est ainsi devenu un donneur de tissus en donnant ses cornées à deux personnes aveugles qui voient aujourd'hui. « Il avait de magnifiques yeux bleus, se rappelle Mme Ouellet. Le don d'organes est une décision qui appartient aux familles et aux donneurs, souligne-t-elle. Hugo restera toujours à nos yeux un super héros. »
Vivre à travers d'autres amis
Justin, 8 ans, aimait le hockey et être avec ses amis. Il appréciait l'école et parlait presque trois langues. Très tôt, ses parents Benoit Lefebvre et Marie-Pier Savaria ont décidé d'aborder le sujet du don d'organes à la maison.
« Lorsqu'on a reçu le renouvellement de la carte d'assurance maladie de notre fils, Justin a décidé de signer le document avec les initiales de ma conjointe, confie le père de Justin, Benoit Lefebvre. Il voyait déjà l'importance qu'un jour, s'il arrivait quelque chose, il pourrait avoir une deuxième vie en aidant quelqu'un. »
La famille de Justin avait cette joie de vivre et une panoplie de projets en tête. Le 17 juin 2017, suite à un accident de piscine, tout a basculé. « C'était une journée ensoleillée et Justin allait à la fête de son meilleur ami, se rappelle M. Lefebvre. On a reçu un appel d'urgence après un bête accident de piscine. Notre fils a été transporté à l'Hôpital de Fleurimont pour recevoir les soins. »
Malheureusement pour la famille, Justin n'est jamais revenu complètement à lui-même, et son cœur n'est jamais reparti de lui-même. Les derniers tests neurologiques ont déclaré la mort cérébrale du petit bonhomme. « On est passé par plusieurs émotions, confie le père de Justin. Puisqu'on en avait parlé avant, on savait que Justin, après ce verdict, allait vivre à travers d'autres amis. »
Suite à son décès, le petit Justin a donné son cœur, ses deux reins et son foie. Il a sauvé quatre petits enfants en bas de huit ans. « Il est notre héros, souligne M. Lefebvre. Il l'est aussi pour ses deux frères. »
En octobre dernier, Justin Lefebvre a reçu la Médaille du Lieutenant-gouverneur pour ses dons. Depuis cet accident de piscine, les parents de Justin ont mis sur pied la Fondation Justin Lefebvre pour redonner au suivant et aider les familles de l'Estrie qui sont moins bien nanties.
« Le message qu'on souhaite passer, c'est qu'il faut parler du don d'organes et de tissus en famille, assure M. Lefebvre. Il faut le prévoir. Demain matin, on redirait oui à cette décision. »
Un organe pour la vie
Michel Carpentier a reçu il y a 15 ans une greffe du foie. Il se rappelle le choc, l'incompréhension et les sentiments d'impuissance qu'il a vécus lorsqu'il était en attente de son organe. « Je me revois essayer d'expliquer à ma famille ce qui m'arrivait, se rappelle-t-il. Je me souviens de l'espoir qui a pris place. Nous espérions tellement que quelqu'un ait cette grandeur d'âme qu'est le don d'organes. Nous espérerions tellement que quelqu'un ait signé sa carte et qu'il ait fait connaitre ses volontés auprès de sa famille. »
Aujourd'hui, 15 ans plus tard, M. Carpentier se sent privilégié d'être encore en vie. « Sans ce don de vie, je serais décédé, indique-t-il. Je ne peux m'empêcher de penser aux personnes toujours en attente et qui vivent avec de l'inquiétude et de l'espoir.»
Le don d'organes représente pour M. Carpentier une loterie. « Au lieu de gagner 1000 $ par semaine à vie, on gagne un organe pour la vie, soutient-il. Contrairement aux autres loteries, il faut avoir la combinaison des six chiffres et du chiffre complémentaire pour gagner. S'il manque un chiffre, vous devinez la suite... »
Le foie de Michel Carpentier a 38 ans et il se porte bien. « Je veux témoigner que le don d'organes, ça marche, assure-t-il. J'en suis la preuve vivante et je ne mourrai pas d'une maladie du foie. Je vous supplie de poser des gestes qui redonnent la vie. Signez votre carte, faites connaitre vos intentions et demandez à ce qu'elles soient respectées. »
La Semaine nationale du don d'organes et de tissus se déroule jusqu'au 28 avril. Les professionnels de la santé souhaitent que la population prenne le temps de s'arrêter pour discuter de cette démarche qui peut sauver de multiples vies.
