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  CHRONIQUEURS / Vivement l'histoire

Notre histoire en archives – De rues commerciales et industrielles à artères culturelles


Par Gregory Savioz-Buck, stagiaire aux Archives nationales à Sherbrooke
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Archives nationales à Sherbrooke Par Archives nationales à Sherbrooke
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Jeudi le 8 septembre 2022

L'histoire de la ville de Sherbrooke peut se lire à travers ses nombreux bâtiments hétéroclites, qui témoignent de diverses époques. Dans le seul quartier du Vieux-Nord se côtoient des édifices de style vernaculaire américain, Regency, néogothique, Renaissance italienne, Queen Anne, Second Empire - et on en passe! Entre 1870 et 1910, commerces, industries et résidences sont construits dans ce quartier qui devient l'un des théâtres du passage vers une société industrielle et urbaine. Au fil des années, les besoins de la société changent, et certaines usines ainsi que des commerces déménagent ou cessent complètement leurs opérations. Ces derniers laissent derrière eux des bâtiments vacants en quête d'une nouvelle vie. Ce sont quelques-uns de ces édifices que nous vous présentons ici.

Rue Frontenac : ancienne Factory Street

 

L'usine Kayser vue depuis la rue Frontenac (vers 1945). Actuellement, le bâtiment loge le Manoir du Musée (Résidences Soleil), le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke, les Archives nationales à Sherbrooke, le ministère de la Culture et des Communications et l'Office de la langue française. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Chambre de commerce de Sherbrooke (P1, S6, SS10, D1, P18). Photographe : Roméo Duford.

En 1918, sur la rue Frontenac, Julius Kayser fait bâtir une usine de textile, la première au pays à fabriquer des bas de soie. Il s'agit également du premier bâtiment en béton armé à Sherbrooke. Grâce à l'utilisation de ce matériau, l'édifice peut être agrémenté de plusieurs grandes fenêtres. Celles-ci laissent entrer plus facilement la lumière du jour, ce qui permet de faire baisser les coûts de l'éclairage. En peu de temps, la Kayser se positionne comme un employeur important dans la ville. Vers 1935, 1200 personnes, surtout des femmes, y fabriquent des gants, des bas de soie et d'autres articles de lingerie. Selon les employés, il est bon de travailler à la Kayser. L'usine compte plus de 1000 travailleuses et travailleurs pendant la crise des années 1930, alors que la Dominion Textile à Sherbrooke, elle, doit fermer temporairement ses portes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Kayser adresse ses vœux de bonne année à ses employés au front, en plus de leur offrir chacun un chèque de 25 dollars et des cartouches de cigarettes. De plus, la compagnie organise chaque année des activités telles que des pique-niques et met en place des ligues sportives.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'usine de Julius Kayser fonctionne à plein régime. Cependant, quelques décennies plus tard, au cours des années 1970-1980, l'entreprise doit faire face aux aléas de la mondialisation ainsi qu'à la concurrence asiatique. La production et le nombre d'employés sont alors considérablement réduits. Au moment de la fermeture de l'usine en 1988, 150 personnes sont mises à pied.

En 1999, l'édifice est racheté par un groupe privé. Dès lors, les adolescents qui avaient pris l'habitude d'occuper ce bâtiment abandonné doivent trouver un nouvel endroit où passer le temps. Les Résidences Soleil investissent une partie du bâtiment. En 2002, le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke et les Archives nationales à Sherbrooke emménagent dans l'ancienne usine Kayser. C'est d'ailleurs dans ce bâtiment que cette chronique a été écrite! Le ministère de la Culture et des Communications ainsi que l'Office de la langue française ont également des bureaux dans l'établissement.

 

 

Rue Dufferin : ancienne Commercial Street

De gauche à droite : la Banque canadienne de commerce, la bibliothèque municipale et la Stanstead & Sherbrooke Mutual Insurance Company sur la rue Dufferin, à Sherbrooke (1964). Aujourd'hui, il s'agit respectivement du Musée des beaux-arts de Sherbrooke, du Musée d'histoire de Sherbrooke et de la firme Espace Vital Architecture. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias (P21, S2, D3263, P1). Photographe : Studio Boudrias.

En 1877-1878, le bâtiment de la Eastern Townships Bank s'impose sur la Commercial Street (actuelle rue Dufferin) avec son architecture Second Empire. Ce style, populaire à l'époque, projette une image de prospérité et de confiance. La Eastern Townships Bank disparaît en 1912, alors qu'elle est absorbée par la Banque canadienne de commerce. Depuis le 2 mai 1996, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke accueille dans cet immeuble de nombreuses expositions, au grand bonheur des amateurs d'art. La rue adjacente porte le nom de Bank, rappelant ainsi la première fonction du bâtiment.

En 1885, on construit le Bureau de la poste et des douanes, le premier bâtiment fédéral de Sherbrooke. Ce dernier adopte le style architectural de son voisin, ce qui donne le ton à la rue, où se brassent les affaires de la ville à l'époque. Au cours des années 1930, les lieux deviennent trop exigus pour les besoins de la population grandissante de Sherbrooke. Le bureau de poste doit donc quitter le prestigieux bâtiment de la rue Dufferin. Au milieu des années 1950, l'édifice est réaménagé afin d'accueillir les nombreux rayons de livres de la bibliothèque municipale, qui y resteront jusqu'en 1991. Cette même année, la Société d'histoire de Sherbrooke (l'actuel Musée d'histoire de Sherbrooke) emménage dans les locaux détenus par la Ville de Sherbrooke, ce qui lui permet d'organiser des expositions et d'ouvrir un centre d'archives. En 1992, c'est au tour de la Société de généalogie des Cantons-de-l'Est de s'installer dans une partie du bâtiment.

La Stanstead & Sherbrooke Mutual Fire Insurance Company est l'une des premières compagnies d'assurance contre les incendies au Québec. Fondée en 1835 à Hatley, elle s'élargit jusqu'à Sherbrooke en 1844. Vers 1890, elle s'établit à son tour sur la Commercial Street; mais ce n'est qu'en 1901 que se terminera la construction de l'édifice où elle loge. Si les caractéristiques architecturales de ce dernier contrastent avec celles des deux bâtiments précédents, ses colonnes et pilastres, son toit plat et sa balustrade richement décorée lui donnent une personnalité unique qui justifie amplement sa sauvegarde.

Jusqu'en 1973, la Stanstead & Sherbrooke Mutual Fire Insurance Company occupe la quasi-totalité du 295, rue Dufferin. Seul un appartement luxueux partage l'immeuble avec la compagnie. En 2004, la firme Espace Vital Architecture investit les lieux, puis d'autres entreprises s'y installent également, dont un assureur et un centre de yoga.

L'histoire de Sherbrooke aux XIXe et XXe siècles est marquée par un développement industriel et commercial important. En effet, la ville se positionne comme la plaque tournante de l'économie des Cantons-de-l'Est. Son patrimoine bâti, très différent d'un quartier à l'autre, est nécessairement marqué par cette période. Témoins d'autres époques, les bâtiments qui survivent le mieux aux aléas du temps sont ceux qui réussissent à s'inscrire dans le présent. Pour ce faire, il faut que leur mission première laisse place à des vocations contemporaines. Nous vous avons présenté ici quelques exemples sherbrookois de bâtiments anciens qui ont passé l'épreuve du temps, mais cette ville est loin d'être un cas unique, au grand bonheur des amateurs d'histoire, d'art et d'architecture.

À Dunham, le bâtiment qui abrite aujourd'hui la Brasserie Dunham a été construit en 1865. Il a servi de relais de poste, puis d'hôtel avant de devenir une usine de fabrication d'équipement pour la production de sirop d'érable.

À Cowansville, l'un des plus vieux bâtiments de la ville, construit en 1874 par la Eastern Townships Bank, est devenu le Musée Bruck. Ce dernier propose des expositions d'art permanentes et temporaires, en plus d'être le point de départ du circuit patrimonial du Chemin des Cantons, qui parcourt les paysages et les édifices du patrimoine américain et britannique des Cantons-de-l'Est.

Et vous, connaissez-vous des bâtiments qui ont eu droit à une seconde vie?

Ces archives vous intéressent? Prenez rendez-vous avec nous :

 

Les Archives nationales à Sherbrooke sont situées au

225, rue Frontenac, bureau 401

819 820-3010, poste 6330

archives.sherbrooke@banq.qc.ca

 

 

Sources

BALADO DÉCOUVERTE, « L'ancienne usine Kayser », Balado découverte, baladodecouverte.com/circuits/1073/poi/12161/l-ancienne-usine-kayser (consulté le 1er mars 2022).

BILAN DU SIÈCLE, « Fermeture d'une usine de la Dominion Textile », Université de Sherbrooke : Bilan du siècle, bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/20528.html#:~:text=Pr%C3%A9textant%20la%20baisse%20de%20profits,600%20travailleurs%20de%20l'usine (consulté le 21 mars 2022).

CHEMIN DES CANTONS, « Région de Brome-Missisquoi », Chemin des Cantons, www.chemindescantons.qc.ca/fr/routes/region-brome-missisquoi.php (consulté le 21 mars 2022).

FORGUES, Daniel, « Dans l'ombre du Musée des beaux-arts », La Tribune, 4 mai 1996, p. A2.

ICI L'INFO, « La petite histoire des grandes entreprises de Sherbrooke : Kayser », Radio-Canada OHdio, ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/Par-ici-l-info/segments/entrevue/188843/histoire-kayser-sherbrooke (consulté le 2 mars 2022).

KESTEMAN, Jean-Pierre, Guide historique du Vieux Sherbrooke, Sherbrooke, La Société d'histoire de Sherbrooke, 2001[1985)], 263 p.

KESTEMAN, Jean-Pierre, Peter SOUTHAM et Diane SAINT-PIERRE, Histoire des Cantons-de-l'Est, Québec, Les Presses de l'Université Laval, coll. « Les régions du Québec », 1998, 830 p.


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