Les mots « économie » et « social » sont souvent des termes qui sont mis en opposition. Pourtant, il existe plusieurs compagnies pour qui être rentable économiquement et rendre service à la collectivité vont de pair. Elles sont ce que l'on appelle des entreprises d'économie sociale.
Au pont de bois, ébénisterie en est un exemple concret. Mise sur pied en 1998, cette ébénisterie, comme toute autre ébénisterie, concentre ses activités sur la production, la restauration, la finition et la vente de meubles. Cependant, ce qui distingue cette entreprise c'est plutôt son volet social.
En effet, en plus de produire des meubles, cette entreprise a également comme mission de former des gens pour le retour sur le marché du travail comme nous l'explique Benoît Fontaine, directeur général. « Nous offrons une formation de 26 semaines d'aide-ébéniste à une quinzaine de participants qui nous sont recommandés par Emploi Québec. 95% d'entre eux bénéficient de l'aide sociale ou ont peu de revenus, nous recevons aussi des immigrants. Nos formateurs accompagnent l'aide-ébéniste dans son cheminement socioprofessionnel pour favoriser son intégration et son maintient en emploi. Ils apprennent à fabriquer les meubles, s'occupent de la production. La formation comprend également une remise à niveau en mathématique, un cours de lecture de plan. Nous avons aussi le support du centre Saint-Michel, alors qu'un orienteur vient rencontrer les stagiaires, ils ont aussi des ateliers de recherche d'emploi, de rédaction de CV, etc.
Comme pour toute entreprise, réaliser des profits est une source de motivation importante pour Au pont de bois ébénisterie, mais le côté humain l'est tout autant.
« C'est très motivant, de voir l'évolution des stagiaires. Au début de la formation souvent, c'est plus difficile, ils ne sont pas toujours ponctuels et assidus, mais par la suite ils acquièrent des connaissances, ils prennent confiance, développent du respect et souvent à la fin, ils ne veulent plus partir », mentionne M. Fontaine.
L'économie sociale, un phénomène d'importance en Estrie
Selon un recensement réalisé dernièrement, on retrouve un peu plus de 300 entreprises collectives (coopératives, mutuelles et organismes à but lucratif ayant des activités marchandes) dans la région. Ces entreprises œuvrent à tous les niveaux de l'activité économique, autant dans l'agriculture et la foresterie que dans l'industrie de la transformation ou dans les services. Elles se répartissent dans une quinzaine de secteurs d'activité, dont les principaux sont les services aux familles et aux aînés, l'habitation, les services financiers, le commerce de détail, les loisirs et le tourisme, les arts et la culture de même que l'agriculture et l'agroalimentaire. Elles génèrent plus d'un demi-milliard de dollars en revenus annuels et maintiennent plus de 5 000 emplois. Cela représente environ 3,5 % des emplois en région. La moitié des entreprises d'économie sociale de la région existent depuis plus de 20 ans, ce qui démontre bien leur longue durée de vie et la stabilité de ce type d'entreprise.
Cette forme de commerce a pris de l'importance au cours des dernières années comme nous l'explique Cynthia Collette, coordonnatrice au Réseau des entreprises d'économie sociale de l'Estrie. « La formule d'entreprise d'économie sociale est de mieux en mieux connue et les modèles existants sont souvent répétés dans différents milieux pour qui cette forme d'économie répond mieux à leurs besoins, notamment lorsqu'il s'agit de projets collectifs. Par exemple, les habitants de plusieurs petits villages qui ont perdu leur épicerie ou encore leur station-service on décidé de se regrouper pour former une coopérative pour réimplanter ces services dans la municipalité. Dans ce cas-ci, l'objectif principal est de servir les membres de la collectivité, plutôt que de simplement engendrer des profits. Bien entendu, l'entreprise doit tout de même être rentable pour pouvoir se développer à long terme. Un autre exemple d'entreprise d'économie sociale est les marchés publics. Au début des années 2000, il n'y en avait que très peu et en 2011, on en comptait 13 en Estrie. L'économie sociale n'est pas un phénomène marginal, il s'agit d'une forme d'entrepreneuriat viable, qui maximise les retombées locales et que nous avons tout avantage à mieux connaître pour relever les défis du développement de notre région ».