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Le Québec debout !

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 30 mai 2018

Haro sur le nationalisme pourrait-on-dire. Cette dernière semaine a donné lieu à toutes les exagérations quant au nationalisme québécois. Deux éléments viennent particulièrement en accréditer l'idée. Réflexions libres sur l'état des lieux du nationalisme québécois contemporain.

Des pièces à conviction

D'abord, il y a cette étude du Canadien d'origine tamoule Armanath Amarasingham sous l'égide de l'Institute for Strategic Dialogue de Londres. On y apprend que c'est à cause de « l'effet Drainville en quelque sorte » si l'on assiste à la montée de la radicalisation chez les jeunes musulmans au Québec. Plus encore, la présence de courants nationalistes au sein du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec crée un contexte favorable à un « mal-vivre ensemble » chez les nouveaux arrivants.

Puis, le dossier du journal Le Devoir de samedi dernier sur la révolution des théories des idées dans les sciences sociales consacre, avec la bénédiction de l'universitaire Marc Angenot et théoricien de l'histoire des idées, la mort du nationalisme : « Le nationalisme s'est effondré au Québec. Il était pourtant parti pour longtemps. L'explication générationnelle, dire que c'était un truc de baby-boomers et qu'il y avait une date de péremption, ça dit quelque chose, mais ça ne dit pas grand-chose ». Au fond, ce que dit ce dossier c'est que les sciences humaines et sociales sont aujourd'hui sous l'emprise de l'individualisme et de la « morcellisation » du social au détriment de cette idée du bien commun autrefois si forte notamment au Québec.

Cette diabolisation du nationalisme québécois s'écrit en même temps où s'accentue cette idée d'un humain individuel, citoyen du monde et dépourvu de racines. Cet homme nouveau d'aucun lieu et citoyen du monde. Le rêve du nouveau Canadien français de Pierre Elliott Trudeau. Pourtant, ce schéma d'analyse est tout faux. Il faut revenir aux écrits de notre grand intellectuel et sociologue Fernand Dumont pour s'en convaincre.

L'actualité de la pensée de Fernand Dumont

Fernand Dumont fut un des grands penseurs du Québec au 20e siècle. Titulaire de plusieurs diplômes dont des doctorats en sociologie de l'Université de Paris et de théologie de l'Université Laval, Fernand Dumont a été l'un des artisans de la loi 101 sur la langue française votée en 1977 par le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque.

L'apport de Fernand Dumont à la compréhension de notre monde s'inscrit dans les sentiers d'une théorie générale de la culture. Deux de ses principales idées cultes sont celle de la crise religieuse vécue par le Québec qu'il a diagnostiqué en 1968 dans le rapport Dumont et puis celle plus ancrée jusqu'à aujourd'hui de la crise de la culture québécoise qui se traduit par les concepts de culture première (ce que l'on sait et l'on apprend d'instinct de notre milieu) et de culture seconde (celle que nous apprenons et qui constitue une distanciation d'avec nos croyances d'origine).

Au cœur de la pensée de Dumont, il y a cette rupture entre tradition et modernité qui compose l'essentiel des débats du Québec contemporain au cœur même de l'agitation intellectuelle autour du nationalisme québécois et de son insertion dans le grand ensemble fédéral canadien. C'est pourquoi la pensée et l'œuvre de Fernand Dumont résonnent encore très fort dans nos débats actuels même si nous nommons les choses autrement et que peu connaissent vraiment la pensée dumontienne.

Même si nous sommes censés vivre dans un présentéisme étouffant et dans l'inactualité des débats, les vieilles problématiques de classes, de races, de genre et de pouvoir s'imposent toujours à nous.

L'histoire selon Dumont

Pour Fernand Dumont, l'Histoire avec un grand H est une tentative de comprendre le monde dans lequel nous vivons de façon scientifique. Une quête de subjectivité par la conscience. Un arrachement de la culture première vers une culture seconde permettant d'objectiver le monde et d'y donner un sens. Selon Fernand Dumont, l'histoire est un moyen privilégié pour dialoguer avec le vécu et pour donner un sens à nos vies. Cela est propice à créer un contexte pour fonder une solidarité entre les êtres humains. C'est cela pour Dumont l'histoire philosophique.

L'histoire qui s'interroge sur elle-même. Il y a aussi l'histoire des historiens comme la définit Raymond Aron dans son livre Dimensions de la conscience historique : « Comprendre les acteurs, expliquer les événements, élaborer des unités historiques conformes à l'articulation de la réalité, découvrir, s'il y en a, les grandes lignes du devenir auquel est soumise soit l'humanité dans son ensemble, soit chaque unité historique. » (Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique, Paris, Plon, 1964, p. 91 cité par Julien Goyette, Temps et Culture. Fernand Dumont et la philosophie de l'histoire, Québec, Presses de l'Université Laval, 2017, p. 18).

Pour Dumont, ces deux façons d'aborder l'histoire sont en confrontation dynamique. Pour lui, il y a des rapports qui s'insinuent entre l'histoire des historiens et l'histoire des philosophes comme le note Julien Goyette : « Dans l'historiographie, le philosophe découvre les carences de sa propre lecture historique; elle fait naître en lui le remords de tout ce qu'il a dû gommer et déformer pour en arriver à ses fins. Inversement, l'historien reconnaît dans l'histoire du philosophe ce que ses récits à lui faillissent souvent à atteindre ou à rendre explicite, soit un avènement de sens. Toujours, en effet, la philosophie de l'histoire lui remet sous le nez son incapacité à se déprendre tout à fait de l'interprétation de l'événement. Cette tension entre événement et avènement, croix de la théorie dumontienne de la culture, trahit deux relations concurrentes au fait historique. » (Julien Goyette, op. cit. p. 20)

Cela semble complexe, mais en fait c'est simple. Dumont note une tension toujours présente entre les faits que l'on découvre et leur interprétation pour leur donner un sens et les rendre utiles et malléables pour la vie démocratique. Cela signifie bien sûr que l'objectivité parfaite dans le domaine des sciences humaines n'est pas celle que l'on retrouve dans les sciences et, c'est pourquoi il peut y avoir tant de débats autour d'une production culturelle comme celle de la CBC, Canada : The Story of Us. Ce qui ne signifie pas pour autant que cela ne doit pas susciter de débats, car l'histoire ainsi advenue devient un ciment important de la vie d'une société et les représentations que nous en véhiculons sont déterminantes dans la vie quotidienne de tous. Fernand Dumont l'explique bien dans son autre concept faisant état de la tension constante entre mémoire et histoire.

La mémoire intangible et fuyante

Pour Fernand Dumont, la mémoire appartient à la culture première et à la tradition alors que l'histoire, le récit construit de nos vies, est liée à la modernité et à la culture seconde qui, je l'ai écrit plutôt, est une appropriation rationnelle de notre vécu en comparaison avec d'autres. La mémoire est préalable à la vie démocratique et elle est toujours intangible et fuyante. La crise de la culture québécoise générée dans le sillon de l'abolition des traditions et du triomphe de la modernité a pour conséquence de mener à l'oubli et au renoncement à ce que nous avons été et à ce que nous sommes.

L'histoire devient, lorsque son récit est agréé et partagé par un grand nombre, la mémoire de notre temps. Elle constitue le moyen privilégié pour unir la distance entre la culture première et la culture seconde et pour présider à l'organisation du vivre ensemble dans les sociétés modernes. Bref, suivant la pensée dumontienne, il est faux de prétendre que l'on peut occulter le particularisme au profit de l'universel sans perdre notre âme. C'est pourquoi il est légitime de défendre la singularité du Québec et de défendre ce que nous sommes. Le dernier bastion de francophones en Amérique et cela sans aucune honte. Le nationalisme n'est pas une tare, mais un actif. Privilégions un Québec debout!


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