Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) Pierre Paradis abrogeait au début du mois d'août l'obligation pour les commerçants d'apposer l'étiquette « Produit du Québec » sur les fruits et légumes vendus en vrac dans les marchés et les épiceries. Une décision qui inquiète l'ensemble des producteurs agricoles du Québec, et plus particulièrement leur relève, qui craint de voir le fruit de ses efforts se fondre dans la masse.
La façon de faire du ministre dénoncée
Dans un communiqué publié le 25 juillet, le ministre annonçait son intention d'abroger l'article 18 du Règlement sur les fruits et légumes, issu de la Loi sur les produits alimentaires. En supprimant ces lignes, Pierre Paradis estimait enlever une contrainte aux commerçants pour faciliter la vente des légumes « moches » et ainsi, réduire le gaspillage alimentaire.
L'article indique que « Chaque colis doit porter à l'extérieur, en caractères apparents et indélébiles, les mentions suivantes: [...] l'expression «Produit du Québec» dans le cas d'un fruit ou légume produit au Québec; [...] le nom du pays d'origine ou, s'il s'agit d'un produit canadien, le mot « Canada » ou le nom de la province d'origine, pour un produit de provenance extérieure au Québec [...]. »
Le 10 août, un autre communiqué annonçait que le ministre reculait dans son idée d'abroger l'article, affirmant que « l'intention première de l'abrogation du Règlement sur les fruits et légumes frais était fort louable, soit de diminuer le gaspillage alimentaire en permettant, notamment, la vente de fruits et de légumes imparfaits. La disparition de la mention « Produit du Québec » est une conséquence malheureuse de cette abrogation que le ministre désire corriger. »
Une affirmation qui résulte d'une levée de boucliers des différentes associations agricoles du Québec qui dénoncent la façon de faire du ministre, estime le président de la relève agricole en Estrie, David Beauvais.
« Le ministre n'a pas consulté l'Union des producteurs agricoles avant de procéder et c'est pourquoi il doit reculer aujourd'hui. En plus, des détaillants se sont manifestés des derniers jours, affirmant que l'affichage « Produit du Québec » ne constituait pas une réelle contrainte pour eux, contrairement à ce qu'affirmait M. Paradis. Heureusement, il est revenu sur sa position », affirme David Beauvais.
En éliminant l'obligation d'indiquer la provenance des produits, le Syndicat de la relève agricole de l'Estrie (SYRAE) et la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) craignent entre autres que le ministre ouvre la porte toute grande à l'introduction de fruits et légumes en venus d'autres provinces ou pays dans le panier des consommateurs.
Autrement dit, les carottes moches en vente dans une épicerie de Sherbrooke pourraient provenir de l'Ontario, sans qu'un consommateur bien intentionné qui veut soutenir les fermes de sa région, ne le sache, ajoute M. Beauvais.
Un étiquetage encore trop permissif
Selon M. Beauvais, la partie est loin d'être terminée puisqu'en raison des lois actuelles, un pot fabriqué au Canada, qui vaut plus cher que les olives importées qu'il contient, peut être identifié comme un produit canadien.
« Les consommateurs ne vérifient pas toujours les étiquettes et on prend pour acquis, par exemple, qu'ils savent que les oranges et les ananas ne poussent pas au Québec. Les dispositions sur l'étiquetage des aliments doivent être resserrées, histoire de garantir au consommateur qui achète réellement un produit local si c'est son intention », ajoute-t-il.
Le tiers des initiatives agricoles pilotées par la relève sont en démarrage en vue de faire dans le maraîcher, le biologique et dans la plupart des cas, intégrer le réseau d'un marché de proximité. Heureusement, la tendance à la consommation locale est à la hausse. Mais il faut protéger ce fragile équilibre, estime David Beauvais.
« Le marché de proximité est restreint, fragile et toujours à la merci des producteurs qui exportent au Canada à moindre coût. Nos producteurs locaux sont toujours les premiers à écoper, malgré la qualité de leurs produits », conclut-il.