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Le passé dévore l’avenir!

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Au moment où le nouveau gouvernement libéral s'apprête à faire part aux Québécoises et aux Québécois du remède de cheval qu'il entend administrer au Québec pour que celui-ci retrouve le chemin de la prospérité économique et le retour à l'équilibre budgétaire, une littérature économique de plus en plus abondante et sérieuse nous renseigne sur l'état actuel des choses et des raisons qui fondent l'inégalité des revenus chez nous comme ailleurs.

Incursion dans le monde des sciences économiques...

1 % de riches contre 99 % de la population qui s'appauvrit

Rassurez-vous, je ne suis pas l'un des membres d'Occupy Wall Street même si j'endosse le même vocabulaire. Contrairement à l'idée trop répandue, le concept du 1 % contre le 99 % n'est pas issu du mouvement de mobilisation Occupy Wall Street, mais des études sérieuses de l'économiste Thomas Piketty et de plusieurs de ses collègues notamment Anthony Atkinson et Emmanuel Saez. Dans un livre publié en 2013 aux Éditions du Seuil intitulé Le capital au XXIe siècle, l'auteur nous livre en mots simples une analyse pénétrante des raisons et mécanismes économiques qui fondent les inégalités entre les pays et les individus.

Le livre de Piketty a reçu un accueil extraordinaire aux États-Unis où il a été publié aux Presses de l'université Harvard en 2014. Il est rapidement devenu un « Best-Seller ». Étrange néanmoins qu'un discours qui explique les inégalités sociales remporte tant de succès au pays où ces inégalités sont les plus évidentes et les plus marquantes.

La thèse de Piketty

À l'aide d'une puissante fresque historique colligeant des données de plus de deux siècles puisées dans les comptes nationaux de la France et de l'Angleterre et faisant de même pour les États-Unis pour le 20e siècle, l'auteur renouvelle le discours économique en « focusant » son attention sur les inégalités de revenus. Dans le cadre de cet ouvrage monumental, Piketty a aussi étudié les économies de 20 pays, dont le Canada.

Sa conclusion est simple. Laissons Piketty nous la partager :

« la leçon générale de mon enquête est que l'évolution dynamique d'une économie de marché et de propriété privée, laissée à elle-même, contient en son sein des forces convergentes importantes liées notamment à la diffusion des connaissances et des qualifications, mais aussi des forces divergentes puissantes, et potentiellement menaçantes pour nos sociétés démocratiques et les valeurs de justice sociale sur lesquelles elles se fondent. La principale force déstabilisatrice est liée au fait que le taux de rendement privé du capital r peut être fortement et durablement plus élevé que le taux de croissance du revenu et de la production g. » (p. 621)

Le capitalisme financier l'ogre qui fabrique les inégalités

En d'autres mots, Piketty nous fait une démonstration convaincante que le rendement du capital financier qui est détenu par une minorité s'accroît de façon exponentielle eu égard au capital relié au travail et à la rente issus des investissements productifs. On retrouve la preuve que le cancer du capitalisme industriel est bien le capitalisme financier. On y apprend aussi avec intérêt que le taux de croissance moyen des économies ne peut pas durablement s'établir à plus de 1 % par année, ce qui n'est pas rien et que tout cela est fragilisé par le défi du développement durable et la décroissance de la population.

Piketty l'exprime clairement : « L'inégalité r > g implique que les patrimoines issus du passé se recapitalisent plus vite que le rythme de progression de la production et des salaires. Cette inégalité exprime une contradiction logique fondamentale. L'entrepreneur tend inévitablement à se transformer en rentier, et à dominer de plus en plus fortement ceux qui ne possèdent que leur travail. Une fois constitué, le capital se reproduit tout seul, plus vite que s'accroît la production. Le passé dévore l'avenir » (p. 621)

Le Québec et le 1 %

Lors du mouvement Occupy, de nombreux commentateurs québécois avaient argumenté que notre société vivait bien sûr des inégalités, mais qu'elle était plus juste que les autres économies avec lesquelles nous sommes pourtant en concurrence. Le fameux modèle québécois. Et bien cela est vrai et le demeure toujours. Un autre ouvrage publié il y a quelques semaines chez Fides, sous la direction d'Alain Noël et de Miriam Fahmy, avec le concours de l'Institut du Nouveau Monde, intitulé Miser sur l'égalité en témoigne.

Dans un article de ce livre, Jean-Michel Cousineau fait la démonstration que la distribution et la redistribution des revenus au Québec par les paiements de transfert, l'impôt sur le revenu, les politiques de tarifs et les programmes sociaux permettent aux gens d'ici de vivre une plus grande égalité des revenus, mais cela ne vient pas du tout faire disparaître la tendance irrésistible de fond que met à jour l'étude de Piketty. (p. 37-49)

Dans l'introduction du même ouvrage, Alain Noël affirme que le Québec « ... a relativement bien résisté à la hausse des inégalités » (p 26) comparativement à la majeure partie des économies des pays de l'OCDE et de toutes les grandes provinces du Canada, mais que les « progrès ont été inégaux. »

Agir pour le bien commun

Dans les prochaines semaines, soyons attentifs aux discours que nous tiendra le gouvernement Couillard par l'intermédiaire de ses principaux ténors économiques que sont les ministres Martin Coiteux et Carlos Leitao. Écoutons-les pour constater si l'existence des inégalités de revenus et la taxation des rentiers du capital seront dans leur discours. J'en doute.

Ces économistes de grands talents ont été formés selon les théories économiques classiques et néo-classiques. Traditionnellement des approches ne faisant aucune place aux inégalités sociales et économiques dans leurs modèles. Il n'est pas étonnant qu'une pétition circule au Québec issue des associations d'étudiants en économie pour revendiquer une plus grande diversité des cursus de cours dans nos universités en économie. Les associations étudiantes plaident pour une plus grande collaboration entre toutes les sciences humaines et sociales. C'est dans l'air du temps!

Chose certaine, le 1 % des plus riches qui s'enrichissent plus rapidement avec leurs rentes du capital que les 99 % qui doivent vivre de leur travail ont tout à gagner d'une politique d'austérité budgétaire et du ralentissement des dépenses de l'État et les 99 % de la population continueront de s'appauvrir et de voir leur planète mourir à petit feu au gré de l'appât du gain de ce puissant 1 %. Le passé dévorera l'avenir...

Lectures recommandées :

Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Paris, éditions du Seuil, 2013, 632 p.

Alain Noël et Miriam Fahmy, Dir, Miser sur l'égalité : l'argent, le pouvoir et la liberté, Montréal, Fides, 2014, 271 p.


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