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Du sang sur les mains…

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Photo : Rien ne sera plus comme avant au Québec. La mort de six personnes dans une mosquée à Sainte-Foy au Québec vient de déchirer le voile de notre innocence.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 8 février 2017

C'est arrivé. L'inimaginable est parmi nous. Il est nous. Le Québec est victime de sa candeur. Nos propos incendiaires sur les réseaux sociaux, notre insécurité proverbiale et la culture du spectacle des médias poubelles auront eu raison de nos valeurs.

Depuis l'attentat d'un fou furieux, d'un inadapté, d'un imbécile nourri à même les idées à la mode de droite. Rien ne sera plus comme avant au Québec. La mort de six personnes dans une mosquée à Sainte-Foy au Québec vient de déchirer le voile de notre innocence.

Nous sommes tous coupables de notre candeur et de nos grandes gueules médiatiques. Honte à nous! Honte à ce Québec anxieux! Honte à ce Québec frileux qui a peur de l'Autre. Nous avons tous du sang sur les mains. Les excuses ne suffiront pas. Il faut donner un solide coup de barre et accepter une fois pour toutes que le Québec de notre enfance peuplé de gens semblables à nous ne revivra jamais. Retour sur l'attentat terroriste d'un Québécois de souche canadien-français...

D'abord les victimes...

La première pensée que nous devons avoir devant un événement aussi tragique c'est à l'endroit de Québécois de confession musulmane en train de prier un dimanche soir de janvier. Des hommes qui étaient des actifs pour le Québec, mais aussi des pères, des oncles, des amis, des amants et des époux. Des victimes innocentes que la folie d'un homme a fauchées. Nommons-les : Azzidine Soufiane, Abdelkrim (Karim) Hassanne, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Mamadou Tamou Barry et Ibrahima Barry. Nos plus sincères condoléances à leurs familles et à leurs amis. Le Québec est en deuil de ces Québécois morts inutilement, assassinés sauvagement et lâchement par l'un des nôtres. Honte à nous!

Puis l'intolérance insidieuse...

Qui de nous peut se vanter de ne jamais avoir fait preuve d'intolérance? Que racontions-nous sur les réseaux sociaux à propos des accommodements raisonnables? Qui de nous ne s'est pas un jour indigné devant ces gens qui refusaient de vivre comme nous, selon nos lois? Combien sommes-nous à trouver que les femmes revendiquent trop et exagèrent en matière de respect eu égard au harcèlement sexuel? Qui n'a pas fait un commentaire désobligeant un jour sur les gays, les trans?

Cela se fait surtout en privé. On le dit sous forme de blague, mais au fond on exprime une sourde intolérance envers les gens qui sont différents. On regrette cette époque où nous étions tous similaires. Plusieurs n'aiment pas cette époque de diversité, de différence et de pluralisme.

Nous pensions que nous, Québécois, étions immunisés contre la violence. Nous sommes un peuple pacifique après tout et toute la planète sait que nous sommes très tolérants, pour l'égalité entre les hommes et les femmes et contre la violence sous toutes ses formes. Depuis le dimanche 29 janvier 2017, ces vérités sont devenues des illusions. Un mensonge à nous-mêmes. Le voile de notre innocence vient d'être levé. Notre rêve éveillé de vertu vient de se fracasser sur les récifs de la réalité. Nous sommes des humains ordinaires. Grand bien nous fasse...

J'ai mal à mon Québec qui mérite mieux que cela. Mon Québec est courageux, généreux, pluraliste et accueillant. Dans mon Québec, il n'y a pas de place pour l'intolérance, les préjugés. Nous ne sommes pas un pays d'insultes, mais plutôt des gens de parole, notre maison doit être la maison de tous les humains comme nous l'a souvent chanté Gilles Vigneault.

Parlons des causes possibles...

Pas facile de disserter sur les causes de cet acte terroriste de l'un des nôtres. Un jeune homme universitaire et scolarisé. Il ne confirme pas l'analyse habituelle des jeunes malfrats ou de petits délinquants. D'une bonne famille, il était sous l'emprise d'idées détestables que l'on retrouve à droite comme parfois à gauche contre les immigrants, les femmes et je ne sais quoi encore. Admiratif de Marine Le Pen et de Donald Trump, il a décidé de tuer des innocents parce qu'ils étaient des musulmans. Un crime haineux. Un acte terroriste. Les victimes ne sont pas que ces malheureux assassinés injustement, mais nous tous, les Québécois et aussi les habitants de la ville de Québec. La honte s'est abattue sur nous.

Il n'y a pas une seule cause possible à un tel geste. D'ailleurs, nous ne le saurons peut-être jamais. Néanmoins, la qualité de nos échanges démocratiques est en cause de façon certaine. On ne peut passer sous silence le discours de la classe politique qui de l'ADQ de Mario Dumont de la CAQ de François Legault et de la Charte du PQ. Ni le discours médiatique des radios poubelles, des chroniqueurs comme les Martineau ou encore des commentaires de madame et monsieur tout le monde sur les réseaux sociaux. L'intolérance envers les Québécois de confession musulmane a augmenté depuis les dernières années dans la foulée des débats sur les accommodements raisonnables et des attentats terroristes des islamistes radicaux, ces « fous d'Allah ». Les Charkaoui de ce monde contribuent aussi par leurs discours à créer un climat propice à de tels débordements.

Bref, les causes sont nombreuses, mais la plus importante de toutes est surement le problème du Moyen-Orient. Aussi, les guerres américaines en Irak et le financement des mouvements extrémistes par l'Arabie Saoudite. L'élection de Donald Trump à la présidence américaine ne vient qu'exacerber les choses.

Et la suite des choses...

Nous ne pouvons rien faire aujourd'hui pour éviter ces assassinats. Nous sommes néanmoins capables de faire mieux dans l'avenir. La première chose que nous devons faire c'est de se rappeler que les mots ont un sens et que nous avons le devoir quand nous nous exprimons de chercher à utiliser des mots qui nous raccordent plutôt que ceux qui nous divisent. S'ouvrir à la différence et écouter avec respect les arguments des uns et des autres contribueraient à la construction d'un espace de dialogue plus en harmonie avec ce que nous voulons être. Donc, s'exprimer avec un sens des responsabilités et dans le respect.

Un autre défi c'est la conception que nous nous faisons de l'être humain. Dans la foulée du triomphe du néo-libéralisme et des droits individuels, nous en sommes venus à considérer l'humain comme un concept de droits plutôt que comme un être enraciné dans une histoire et une culture. Je ne suis pas d'accord avec toutes les idées de Mathieu Bock-Côté, mais il nous fait entrevoir ces enjeux avec perspicacité dans son dernier essai publié chez Boréal intitulé : Le nouveau régime. Essais sur les enjeux démocratiques actuels.

Dans ce livre, Bock-Côté met en scène « un nouveau régime fondé sur l'homme et la Cité, celle d'un homme coupé de toutes racines, de toutes appartenances, soucieux uniquement de son bonheur et de ses droits d'individus, celle d'une cité qui cesse de se voir et d'agir comme une communauté politique et culturelle pour n'être plus qu'un rassemblement de consommateurs semblables à tous les consommateurs de la planète. » Je ne partage pas toutes les idées de cet auteur et chroniqueur du Journal de Montréal, mais son propos mérite réflexion. Il faut renouer avec notre humanité.

C'est Albert Camus qui écrivait : « Nous vivons dans la terreur parce que la persuasion n'est plus possible, parce que l'homme a été livré tout entier à l'histoire et qu'il ne peut plus se tourner vers cette part de lui-même, aussi vraie que la part historique, et qu'il retrouve devant la beauté du monde et des visages; parce que nous vivons dans un monde de l'abstraction, celui des bureaux et des machines, des idées absolues et du messianisme sans nuances. Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et dans l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde. » (Jacqueline Lévy-Valnsi et col, Albert Camus, Œuvres complètes, tome 2 1944-1948, Paris, Bibliothèque La Pléiade, 2006, p. 437)

Bref, il faut renouer avec notre humanité. Retrouver ce désir de former une communauté, de construire un « vivre-ensemble». En attendant, il faut nous avouer cette idée détestable, mais vraie que nous avons tous un peu de sang sur les mains...


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