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En 2017, la
Résidence l'Éveil inc. (ci-après « l'Éveil »), un centre d'hébergement pour
personnes handicapées, ferme ses portes
et licencie quatorze
salariés sans leur octroyer
le préavis prévu par la Loi sur les
normes du travail (ci-après « L.n.t. »).
L'Éveil étant une ressource
intermédiaire par laquelle le Centre intégré de santé et de services sociaux
des Laurentides (ci-après « CISSSL ») faisait dispenser
des services de santé et de services sociaux dans son
territoire, les tribunaux ont eu à se poser la question : qui est responsable
du paiement du préavis?
En effet, la L.n.t. prévoit, à l'alinéa 1 de l'article 95 qu' :
Un
employeur qui passe un contrat
avec un sous-entrepreneur ou un sous-
traitant, directement ou par un intermédiaire, est solidairement responsable avec ce sous-entrepreneur, ce
sous-traitant et cet intermédiaire, des obligations pécuniaires fixées par la
présente loi ou les règlements.
Afin d'identifier qui serait responsable du paiement du préavis, le tribunal a dû analyser
la relation entre le CISSSL et l'Éveil afin de déterminer si l'Éveil
était le sous-entrepreneur ou sous-traitant du
CISSSL.
Après avoir constaté l'absence de
jurisprudence dans un contexte semblable, la Cour supérieure, sous la plume de
l'honorable juge Marc St-Pierre a condamné solidairement le CISSSL
et l'Éveil dans une décision
succincte1 où il est indiqué qu'il
n'y a pas de raison de ne pas appliquer l'article 95
au présent cas, sans toutefois énoncer les raisons de l'appliquer.
Le CISSSL porte la décision en
appel. Dans son arrêt2, la Cour d'appel analyse la législation pertinente régissant les ententes
entre le CISSSL et la ressource intermédiaire et qualifie leur relation
d'une de contrat
de service. Par la suite,
la Cour réitère que la L.n.t. se doit de recevoir
une interprétation large
et libérale et que « l'objectif premier
de l'article 95 L.n.t. est d'éviter qu'un employeur
contourne les dispositions en matière d'obligations pécuniaires en ayant
recours à la sous-traitance. »3.
Ainsi, la Cour d'appel
conclut que l'article 95 L.n.t. s'applique
au cas présent et que le CISSSL est solidairement responsable du préavis dû aux
ex-salariés de l'Éveil.
Aussi, elle rappelle que l'entente
nationale entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et
l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec qui prévoit que la ressource intermédiaire doit assumer
toutes les obligations découlant de la
L.n.t. et tenir indemne
le centre intégré
de santé et de services
sociaux de tout recours de toute
poursuite ou recours
« ne vaut qu'entre les signataires de l'entente et ne peut empêcher la solidarité légale prévue à l'article 95 L.n.t. de s'appliquer pour les obligations pécuniaires fixées par la loi
ou les règlements »4.
Il appert donc, sous toutes
réserves que l'arrêt de la Cour d'appel soit porté en appel et que la Cour suprême conclut autrement,
qu'un centre intégré de santé et de services sociaux pourrait être tenu à payer une indemnité
au salarié d'une
ressource intermédiaire
n'ayant pas reçu les indemnités auquel il aurait droit selon la L.n.t. Il reste à voir si
l'interprétation serait la même pour d'autres types de partenariat.
1 Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail c. Centre
intégré de santé et de services sociaux des Laurentides et al., 2021 QCCS
1554.
2 Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides c. Commission des normes, de l'équité, de la
santé et de la sécurité du travail, 2022 QCCA 1500.
Par : Anne Petitclerc, avocate
Monty Sylvestre, conseillers juridiques inc.