« Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5℃,
il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite tous les
aspects de la société ».(1)
« La prochaine décennie sera cruciale » ... « Les
systèmes économiques, financiers et productifs peuvent et doivent être
transformés pour mener et favoriser la transition vers un système durable ».(2)
Mais comment faire ? La question revient constamment.
L'écoconception en économie circulaire
Je veux mettre en évidence ici une des stratégies de l'économie
circulaire qui me paraît essentielle à appliquer intégralement et le plus
rapidement possible. C'est la stratégie de l'écoconception qui consiste
à imputer aux fabricants des produits et services la responsabilité de leurs
rejets de GES et de la préservation des ressources, et ce, de l'extraction des
ressources jusqu'au recyclage des produits finis en fin de vie.
Donc ? Sur le bureau des ingénieurs, dès la conception des
produits, prévoir par exemple, le minimum de ressources naturelles à extraire,
celles qui produisent le moins de GES et celles qui pourront être recyclées à
leur fin de vie ainsi que la manière de réutiliser les matériaux. Toujours en
amont, faire la même démarche pour la transformation des produits, pour leur
commercialisation et pour leur phase de consommation et de recyclage.
En économie circulaire, on dit que cela implique de REPENSER
le modèle de production économique et d'OPTIMISER la consommation pour
finalement réutiliser toutes les matières premières en les recyclant à 100 %
ou presque.
Imaginons son application. Dans le secteur automobile, des
électroniques, des électroménagers tout autant que les crayons à bille, feutre,
mine et/ou encore les emballages divers et autres.
Déjà, des stratégies de l'économie circulaire sont
appliquées, mais surtout en ce qui concerne la fin de vie des produits. L'écoconception,
pour sa part, prend en compte toutes les étapes de leur vie et des outils ont
été développés pour faciliter son application.
Je pense ici à l'analyse du cycle de vie (ACV) qui
permet d'estimer l'empreinte environnementale donc les émissions de GES tout au
long de la vie d'un produit ou encore l'analyse du flux de matières (AFM)
qui fait le bilan des mouvements et des quantités de matières utilisées par une
entreprise, un secteur industriel ou encore une région en ayant en tête de « déceler
et prévenir la pollution, conserver les matières premières et réduire la
production de déchets » et par conséquent la réduction de GES.
Si les interventions étatiques, comme la tarification sur le
carbone ou les politiques d'électrification des transports, sont des outils
pour obliger les entreprises à prendre la voie du changement radical demandé, l'application
des principes de l'économie circulaire rend ce changement systémique.
Il devient urgent pour l'État d'imposer son application à l'ensemble
des entreprises, commerces et autres entités concernées.(3)
L'adhésion à l'économie circulaire progresse
Au Québec, le gouvernement flirte avec l'application de
l'économie circulaire, surtout lors de la fin de vie des produits. L'organisme
gouvernemental Recyc-Québec agit dans ce sens de la plus grande recyclabilité
des produits et en fait la promotion.
De plus, en 2019, le gouvernement obligeait les fabricants
d'électroménagers à mettre en place un système de récupération et de
valorisation de leurs produits en fin de vie utile pour décembre 2020. C'est le
premier avril que l'organisme Go-Recyc, sous la gouverne des fabricants, a pris
en charge cette responsabilité. À partir de 2024, des taux de récupération
seront imposés. On avance 70 %.
De son côté, le Fondaction CSN vient d'annoncer, le 24 mars
dernier, le premier fonds d'investissement spécialisé en économie circulaire au
Canada avec une somme de 30 millions de dollars à investir
particulièrement en agroalimentaire, en écoconstruction et en recyclage et
valorisation des ressources. Il travaillera de concert avec Recyc-Québec.
À ce jour, l'Institut de l'environnement, du développement
durable et de l'économie circulaire (Institut EDDEC) fait la promotion du
développement de cette initiative. Les deuxièmes Assises québécoises de
l'économie circulaire doivent se tenir les 26 et 27 mai prochain.
Au niveau international, la Finlande, le Canada et les
Pays-Bas organisent le Forum mondial de l'économie circulaire qui se tiendra au
Canada en septembre prochain.
L'objectif ultime
L'objectif ultime est de viser un modèle de production et de
consommation qui ne dépasse pas les capacités de notre planète. L'on sait que
le Canada a besoin de 4,8 planètes pour maintenir son rythme actuel de
développement. Il nous faut viser une seule planète, son dépassement n'a aucun
sens.
L'instauration de l'économie circulaire m'apparait comme une
tentative de repenser notre modèle de développement économique de type linéaire
et de cheminer vers la carboneutralité en 2050. Il nous reste un petit 30 ans
pour effectuer ce virage.
Yves Nantel
Mai 2021
(1) Source : Groupe intergouvernemental d'experts sur
l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, 2018.
(2) Source : Faire la paix avec la nature, Programme
de Nations unies pour l'environnement (PNUE), février 2021
(3) Le gouvernement a en main le rapport d'une recherche
qu'il a financée sur l'application de l'économie circulaire au Québec
intitulé : Stratégies de circularité pour la réduction de GES par les
émetteurs industriels - Volet 2, avril 2021.