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Choisir la rue

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Photo : Mathieu Smith, travailleur de rue.
Elizabeth Nadeau Par Elizabeth Nadeau
enadeau@estrieplus.com
Lundi le 15 août 2016

Mathieu Smith était destiné à la rue. « Je suis plus marginal que la moyenne des gens, ça me prenait donc un métier marginal », affirme le travailleur de rue, sourire aux lèvres. Il côtoie les plus démunis de Sherbrooke depuis seize ans.

Pourquoi le travail de rue?
Alors qu'il termine son secondaire, sa mère lui offre une « bible » des métiers. Sa mère est infirmière et son père fait dans les assurances. En en parcourant les pages, il reste accroché à sa future profession.

« J'ai choisi le sujet du travail de rue pour faire un exposé à l'école, se souvient-il. Je ne me voyais déjà pas à travailler des « 9 à 5 » dans une usine ou un autre travail du genre. Le travail de rue m'avait interpellé et j'ai fait mes études en conséquence, en éducation spécialisée. »

Le pourquoi, c'est « l'intervention égalitaire, volontaire. Ces deux principes venaient me chercher et ils le font encore. J'en suis aujourd'hui à seize ans de travail de rue », explique celui qui avait complété un stage de fin d'études à la Coalition sherbrookoise pour le travail de rue en 2000. Il n'en est jamais parti.

« J'aime aussi le fait de ne pas toujours savoir ce que je ferai durant dans la semaine. Oui, on travaille avec un agenda et nos interventions sont organisées, mais une partie du travail exige de se garder du temps pour rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux milieux. Il y a toujours un peu de nouveau », raconte Mathieu.

Quels constats dresse-t-il après 16 ans de travail dans la rue?
« Il y a eu beaucoup de développement depuis une quinzaine d'années. Les gens constatent qu'il y a des besoins et toutes les tables de concertation en sont le reflet. Les compressions budgétaires freinent certains projets, oui, mais je pense qu'il y a eu une amélioration dans les méthodes et la prise en charge des gens qui ont besoin d'aide. »

Mathieu Smith va à la rencontre des gens, là où ils sont. À ceux qui en ressentent le besoin, il leur parle des ressources qui existent et qui pourraient leur donner un coup de main.

« Quand j'ai commencé, il y avait beaucoup plus de vie sur la rue Wellington Sud. Il y avait plus de bars et les arcades nous permettaient de savoir où les jeunes étaient. C'était un endroit stratégique pour nous. Et combiné à leur disparition, d'autres phénomènes nous a rendu la tâche de rejoindre les jeunes plus difficile. Il y a plus d'achalandage sur Well Sud, on le remarque. C'est peut-être parce que nous, comme d'autres ressources, avons fait connaitre les services. »

Des services comme l'Armée du Salut, la Chaudronnée, le Tremplin 16-30 et jusqu'à tout récemment, l'accueil de la Coalition. Faute de financement, l'organisme a dû abandonner ses deux heures d'ouverture quotidienne.

« Tous les jours, une quarantaine de personnes venait nous voir durant ces deux heures. Nous sommes plus connus et plus fréquentés, mais peut-être que les besoins sont plus criants aussi. On peut de mieux en mieux évaluer les besoins et constater leur évolution. Par exemple, il y un manque important au niveau de la nourriture parce que l'aide sociale n'a pas suivi l'augmentation du coût de la vie. Les gens reçoivent leur chèque, paient leur loyer, leurs factures et font une petite épicerie qui tiendra cinq jours. Puis, ils n'ont plus d'argent jusqu'au prochain mois. La Chaudronnée et l'Armée du Salut roulent toujours à pleine capacité! »

Selon lui, il n'y a pas 36 solutions : le premier geste à poser est celui de cesser de croire qu'avec 600 $ par mois, un individu peut arriver à vivre convenablement aujourd'hui.

« Avec 600 $ par mois, personne ne peut répondre à ses besoins de base. Ensuite, espérer aider ces gens à se trouver un emploi, c'est sauter bien des étapes pour la majorité d'entre eux. Partons de la base : offrons des services qui ont du sens et on arrivera à construire quelque chose de solide chez ces gens au lieu de n'offrir que des solutions temporaires à recommencer tous les mois. »

L'aide à l'emploi est-elle une solution utopique?
« Je connais des gens qui ne sont pas rendus à cette étape de se trouver un travail. Quand on a toujours vécu dans la pauvreté, trimballé continuellement de gauche à droite, qu'on ne sait pas ce que c'est que d'avoir une personne significative dans notre vie, qu'on subit des abus et qu'on a manqué de tout et reçu presque rien, je ne pense pas qu'une personne puisse être rendue à se vendre et à se trouver un emploi », affirme le travailleur de rue, sans hésiter.

« La grande majorité des gens dans la rue tente s'en sortir et aucun n'a choisi de se retrouver là. Parfois, le simple fait de se retrouver seul dans un logement et l'entretenir est un succès en soi. Il y a besoin de solitude, de blessures qui ont causé des cicatrices qui ne disparaîtront pas. J'entends souvent ce discours qui affirme que les gens sur l'aide sociale profitent du système pendant qu'ils se cherchent ou qu'ils essaient autre chose. Mais quand tu pars de bien plus loin, c'est autre chose. Ça, ça mérite d'être su et connu. De l'encouragement, tout le monde en a de besoin. »

Comment mieux l'aider dans son travail?
Mathieu est d'avis qu'il faut ajouter des ressources et soutenir des projets au lieu de compresser les services auprès des plus démunis.

« En plus des besoins qui ont augmenté, la pauvreté est encore plus pauvre. Parmi les gens que je côtoie, ils utilisent davantage les ressources. C'est peut-être parce que je les connais et que je leur en parle depuis longtemps. Mais on fait quoi avec les gens quand on diminue ces services? Les listes sont tellement longues que parfois, c'est deux ou trois années d'attente juste pour jaser avec un intervenant. »

Un beau succès des dernières années, selon lui : le travail d'un jour, arrêté il y a un peu plus d'un an.

« C'était un super beau projet qui permettait aux gens sur l'aide sociale d'aller travailler dans les champs pour avoir un peu plus de sous. Il y avait tellement de candidatures que le travail manquait qu'on devait déterminer qui pourrait aller travailler par une pige. Ça démontre clairement le besoin! »

Comment entrevoit-il les quinze prochaines années?
« Beaucoup de gens sont positifs dans leurs interventions et dans leur façon de voir les choses. J'aimerais voir un air de changement se mettre en place et rester plus longtemps que ce qu'on voit habituellement. Je pense qu'on a fait de belles avancées et j'entrevois les prochaines années comme un beau bout de chemin », estime-t-il.

« Je pense que sans être parfait, on peut continuer à faire quelque chose de bien. Je pense aussi que si on ne change pas comme société, les pauvres resteront plus pauvres. Il faudra nommer le problème pour arriver à quelque chose. Ça dépendra aussi des choix de chacun des huit millions de Québécois! », conclut Mathieu.


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